Interviews cinéma

Encanto, le nouveau Disney familial vu par ses réalisateurs

Charise Castro Smith et Jared Bush, deux des réalisateurs scénaristes d'Encanto, à la première du film en novembre 2021

© Jesse Grant / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Par Hugues Dayez

Le nouveau long-métrage d’animation des Studios Disney nous emmène en Colombie.

Dans un petit village, plusieurs générations de la famille Madrigal habitent dans la même grande maison, protégée par les forces de la Nature. Chaque membre de la famille possède un pouvoir magique, sauf Mirabel, qui se sent comme le vilain petit canard dans cette tribu. Mais, au gré des évènements, elle va apprendre à avoir confiance en elle et affronter certains secrets de famille…

Les réalisateurs Jared Bush et Byron Howard, assistés de Charise Castro Smith, ont déjà à leur actif "Zootopie" et "Vaiana", qui explorait la culture polynésienne. Dans le but avoué d’explorer de nouvelles cultures – et celui, plus implicite, de conquérir de nouveaux marchés pour Disney, ils se sont associés à un professionnel de Broadway, Lin-Manuel Miranda, pour faire d’"Encanto" une comédie musicale empreinte de rythmes latinos.

L’interview intégrale (en version originale)

Encanto, les interviews des réalisateurs

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"Encanto" n’est ni un livre, ni un conte de fées. Quel est le point de départ de ce projet d’animation ? Quelle est son idée principale ?

Byron Howard : Depuis 5 ans nous parlons de faire un film sur les familles étendues, il y a beaucoup de films sur les familles chez Disney mais aucun n’a pris la peine de parler des très grandes familles, multigénérationnelles, qui vivent ensemble. La complexité, le bonheur et la chance que ça représente, nous ont paru une bonne idée pour mettre tout ça dans un film musical. Notre partenaire Lin-Manuel Miranda qui n’est pas là avec nous, a trouvé très intéressant de mettre toutes ces relations en musique dans le film. Et Lin trouvait aussi très excitant de placer cette histoire en Amérique Latine, ce qui nous a donné l’opportunité d’explorer la Colombie qui est ce carrefour incroyable de culture, de musique, de traditions, et une formidable diversité ethnique qui nous permet de montrer une aussi grande famille diversifiée.

Comment éviter les clichés lorsqu’on illustre et représente une location aussi "exotique" telle que la Colombie ?

Jared Bush : Selon moi, cette réalisation a été un long processus d’apprentissage qui s’est étalé sur cinq années. Même avant d’avoir l’idée de faire ce film, alors que nous étions en train de réaliser "Zootopia", nous avions un ami réalisateur qui était en train de travailler sur un documentaire sur la Colombie. Et quand nous avons commencé à parler d’un nouveau film, on nous a dit : pourquoi vous ne vous intéressez pas à la Colombie ? C’est quasiment 5 pays en un seul, c’est un pays énorme, avec la plus grande biodiversité de la planète, c’est le pays où est né le réalisme magique, une tradition littéraire qui nous a inspirés pour écrire ce film. Donc, on a continué à parler avec plein de gens, on est allés en Colombie, pour rencontrer des familles, des botanistes, des architectes, et ils ont commencé à faire partie de cette équipe colombienne qui a travaillé avec nous pendant ces 5 ans. Donc, le truc, c’est de rencontrer des gens très intelligents, et très honnêtes, avec lesquels nous pouvions apprendre tous les jours.

Dans "Encanto", on peut vraiment percevoir le mélange entre deux aspects bien différents. D’un côté, on retrouve un drame familial psychologique. D’un autre côté, il y a cet aspect musical. Comment réussir ce mélange ?

Charise Castro Smith : C’était un processus de création très complexe, on a eu avec Jared 1700 brouillons du scénario… La réalisation d’un film d’animation chez Disney est très particulière, nous écrivons le film, nous réalisons et dessinons un scénario que nous filmons jusqu’à 7 ou 8 fois, et il devient progressivement de plus en plus développé… Il nous a fallu toutes ces années, pour comprendre profondément chacun des personnages, comme des êtres humains avec des personnalités particulières et il a fallu tout ce temps pour nous sentir en communion affective avec ces 12 personnages… Donc ça a pris beaucoup de temps, avec beaucoup de passion et d’amour…

Dans la tradition Disney, il y a toujours un grand "méchant". Ici, il n’y a pas de fantômes ou de sorcière mais il y a une "menace" mais c’est une menace invisible. Comment avez-vous travaillé sur cette idée de menace lors de l’écriture ?

Jared Bush : C’est quelque chose qui nous a intéressés dès le début. Nous avons hésité dès le départ sur la présence ou non d’un "méchant" dans l’histoire, ou une force extérieure qui aurait exercé une pression sur cette famille. Mais honnêtement, en parlant avec notre propre famille et les gens du studio, et au fur et à mesure de la progression de l’histoire, tout ce dont nous avions besoin se trouvait au sein de la famille, et les forces d’antagonisme se retrouvaient dans le personnage de la grand-mère, avec sa relation cassée avec Mirabel ou bien dans la relation avec la grande sœur, l’enfant idéale qui fait de Mirabel celle qui est laissée sur le côté. Nous avons pensé que la dynamique même de la famille permettait à l’histoire de se faire sans avoir la présence d’un "grand méchant vilain". Les choses qu’ils combattent, ce sont les insécurités et les autres problèmes qui existent dans la famille, et qui sont comme des montagnes géantes à dépasser, c’est tout ce qu’il nous fallait dans cette histoire.

D’un point de vue esthétique, comment avez-vous fait pour trouver un style si particulier ? Et comment avez-vous trouvé les différents caractères des personnages de la famille ?

Byron Howard : C’est une excellente question. Selon moi, l’inspiration est principalement venue des connaissances culturelles que nous avons développées sur la Colombie grâce à notre équipe colombienne et aux rencontres faites sur place. La Colombie est un pays magnifique, et si vibrant… Il y a tellement de régions différentes qu’on a l’impression qu’il y a 5 pays en un seul, donc, on a voulu autant que possible représenter en une famille toute cette diversité plutôt que de créer un mélange de toutes les couleurs latino-américaines qui n’aurait pas semblé réaliste. Donc, c’est venu de nos recherches pour mettre en avant toutes les couleurs et les architectures de la culture colombienne. Quant à la famille, il s’agissait de retrouver des archétypes qu’on connaît bien, le pilier de la famille, le frère ou la sœur parfaite qui réussit toujours tout, la mère nourricière, tous ces personnages universels, sont la base de la création des dessins des personnages du film. Et dès le départ, quand il a été question de style et du look du film, nous avons choisi le style "romantique", non pas pour le côté passionnel entre deux personnes, mais plutôt pour le côté beau et merveilleux émotionnellement parlant. Et notre connaissance du pays a aidé tous les départements créatifs.

Disney a une histoire très importante dans le monde de l’animation. A l’époque, lorsqu’il y avait une sortie, c’était un événement très attendu. On se rappelle que petits, nous attendions avec beaucoup d’impatience ces sorties. De nos jours, comment faire la différence dans un contexte où les productions sont de plus en plus nombreuses et fréquentes ?

Byron Howard : Tout d’abord, je dirais qu’il s’agit d’un film de vacances. Et il est juste parfait, c’est un film qui parle de la famille, d’être ensemble, de la vibrance des couleurs, de la joie. Nous sommes vraiment heureux du résultat auquel nous sommes arrivés, durant cette année où les gens ont pu expérimenter ce que c’était d’être en famille.

Jared Bush : Je suis d’accord à 100% ! Lorsqu’on travaille sur un film, on ne sait jamais quand il sortira en salles… Il y a 5 ans nous ne le savions pas, et en 5 ans, des milliers de choses peuvent se passer, et clairement tant de choses sont arrivées durant ces 5 années, sur le film. Et le monde a changé en 5 ans. Nous sommes arrivés à faire un film sur une famille dans une maison, avec notre propre famille à la maison. Je n’aurais pu imaginer une situation aussi bizarre mais cette expérience nous a menés à créer quelque chose d’aussi fantastique tout en apprenant à mieux nous connaître. Oui, il y a un grand héritage Disney, c’est le 60e film des studios d’animation, j’en suis très fier, et plus que tout, je suis fier des centaines de personnes qui ont permis d’amener ce film sur écran.

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