Les lobbys ont été très efficaces pour faire passer ce message au gouvernement.
Eux aussi redoutent un embargo sur les diamants russes. Ils estiment que ces sanctions entraîneraient la perte de 10.000 emplois à Anvers. Un argument qui n’est pas valable selon certains experts.
"Ce chiffre est bien trop surestimé", a vérifié Hans Merket de l’IPIS. D’abord, ils ne sont pas très récents, selon lui. Citant l’une de ses études, le chercheur indique que pour calculer le nombre total d’emplois dans le secteur du diamant anversois, l’AWDC se base sur une formule mathématique issue d’une étude réalisée en 2008 par la KU Leuven. Cette dernière avait calculé que le nombre total d’emplois dans la région d’Anvers avoisinait les 34.000.
Ce chiffre, par ailleurs largement critiqué à l’époque, est pourtant bien loin du dernier recensement officiel effectué par la ville d’Anvers entre 2010 et 2021.
En dix ans, 25% de diamantaires ont quitté Anvers
Tom Neys, le porte-parole de l’AWDC
Dans ce recensement que Décrypte a pu se procurer, il est indiqué qu’en 2019, la ville d’Anvers comptait 2308 entreprises diamantaires – dont 75% d’entrepreneurs indépendants actifs – qui employaient 1839 salariés, soit une baisse de près de 25% en dix ans. Cette baisse est liée au départ de nombreuses entreprises de taille et de polissage de diamants, vers l’Inde ou Dubaï, qui "ne voulaient pas se conformer aux lois contre le blanchiment d’argent, aux nouvelles normes et aux règles de conformité qui ont été mises en place en Europe", explique Tom Neys, le porte-parole de l’AWDC. Des arguments qui donnent une idée de la mentalité dans le milieu. Mais pour Tom Neys, ces départs ont été remplacés par d’autres professions : "avocats, consultants, chargés de conformité".
En tenant compte de tous ces éléments, le chercheur de l’IPIS estime "de façon raisonnable" que le nombre total d’emplois directs et indirects du secteur diamantaire anversois se situe quelque part entre 3000 et 4000. Et non pas à 34.000 comme l’étude de la KU Leuven sur laquelle se base l’argumentaire des lobbys.
Sur ces quelques milliers d’emplois, combien seraient impactés par d’éventuelles sanctions sur les diamants russes ? Hans Merket estime ces pertes à quelques centaines d’emplois et "uniquement si cette industrie ne se tourne pas vers d’autres marchés, notamment africains, pour compenser les importations perdues" selon lui. Bien loin donc des 10.000 annoncés par l’AWDC.
Au gouvernement, on avance que calculer le nombre d’emplois qui pourraient être impactés par ces éventuelles sanctions "n’est pas si simple". "Si les diamants russes représentent un tiers des importations totales de diamants à Anvers, cela ne signifie pas qu’il y aura un tiers d’emplois en moins" indique une source gouvernementale qui nous renvoie vers les chiffres du secteur.