Belgique

Enseignants, aidants proches ou chefs scouts pourront désormais effectuer des actes infirmiers

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C'est une avancée importante pour tous les patients qui nécessitent des soins réguliers. Désormais, plus besoin de passer systématiquement par un infirmier : les proches du patient pourront eux-mêmes effectuer certains soins ou administrer certains traitements.

Par exemple, aider un enfant diabétique à réaliser une piqûre d'insuline, replacer une sonde gastrique ou encore administrer de l'oxygène à une personne souffrant d'un cancer. 

Une avancée pour la qualité de vie des patients

Le gouvernement fédéral a en effet approuvé le projet de loi sur "l'aidant qualifié". "C'est une avancée pour la qualité de vie des patients, et en particulier des patients chroniques" se réjouit le Ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit). Le statut d'aidant qualifié devrait voir le jour fin septembre. 

"On est ravis. Les aidants proches n'ont pas attendu cette résolution pour poser des actes médicaux ou infirmiers, mais c'est positif car il y a enfin un cadre légal" réagit Laura Danloy, psychologue à l'ASBL Aidants Proches de Bruxelles. 

"Cela va permettre aux patients de devenir plus indépendants. Même si pour beaucoup, c'est une régularisation de ce qui existait déjà de fait" appuie Dan Lecocq, président de la Fédération Nationale des Infirmières de Belgique (FNIB). 

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Un statut d'aidant qualifié, sous certaines conditions

Pour être reconnu comme aidant qualifié, habilité à réaliser certains actes infirmiers, il faudra néanmoins répondre à certains critères. Tout d'abord, il faudra toujours une autorisation d'un infirmier ou d'un médecin. Ces professionnels de la santé devront déterminer ce que l'aidant qualifié peut faire et durant combien de temps. Le statut d'aidant qualifié est attribué pour le suivi d'un patient sur une période donnée. 

Certains actes pourront se faire simplement sur base des instructions reçues du soignant. D'autres nécessiteront une formation. 

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L'aidant qualifié pourra être un parent, un éducateur, une aide familiale, un enseignant, ou encore un ami. Les actes infirmiers pourront ainsi avoir lieu dans une école, une crèche, un centre de jour, une institution pour personnes handicapées, mais pas dans un établissement de soins.

Durant un camp de vacances, un chef scout pourra donc aider un enfant à repositionner sa sonde gastrique ou donner des injections à un enfant souffrant d'un handicap moteur. 

Les enfants diabétiques restent trop souvent absents en raison de la difficulté à trouver des infirmiers pour administrer les injections d'insuline

Pour l'Association du Diabète, la création de ce cadre juridique était une nécessité. "A titre d’exemple, lors d’activités extrascolaires comme les classes vertes, les enfants diabétiques restent encore trop souvent absents en raison de la difficulté à trouver des infirmie.r.e.s disponibles pour administrer les injections d’insuline". 

"Ces enfants rêvent d’être simplement comme leurs amis, de pouvoir faire les mêmes activités, sans complications" explique Valérie Heuvelmans, infirmière à l'Association du Diabète. 

"C'est positif que ce cadre permette d'accompagner les aidants pour leur permettre de réaliser ces actes en toute sécurité" explique Caroline Legrand, coordinatrice de l'ASBL Jeunes Aidants Proches. 

Néanmoins, Caroline Legrand et sa collègue Laura Danloy émettent certaines réserves : "Il faut aussi renforcer la sécurité sociale et les aides à domicile pour soutenir ces familles qui doivent prodiguer des soins récurrents. On ne peut pas toujours continuer à renvoyer aux familles des responsabilités qui sont de l'ordre de professionnels. Il ne faudrait pas que les aidants proches deviennent encore plus vulnérables". 

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Un pari risqué? 

Mais ce transfert de compétences de l'infirmier au citoyen-lambda est-il sans risque ? 

Pour Dan Lecocq, le président de la Fédération Nationale des Infirmières de Belgique (FNIB), la déqualification des soins peut être dangereuse. "Un acte pris isolément a souvent l'air simple. Mais il faut toujours réfléchir à toutes ses implications dans une vue globale".

Le risque peut être majeur

"Par exemple, poser une sonde gastrique, on a l'impression que c'est anodin. Mais ça ne l'est pas! Si elle est positionnée trop haut, dans le système respiratoire plutôt que dans le système digestif, cela pourrait mener au décès du patient". 

Son inquiétude se résume à cette question : "Va-t-on pouvoir anticiper tous les risques?" 

"Des formations sont prévues, mais les professionnels de la santé vont-ils réussir à partager leur expertise? Il y a des tas de choses qu'on fait sans mettre des mots dessus". Pour lui, la formation et l'accompagnement des aidants sera donc un enjeu majeur. 

La délicate question de la responsabilité en cas d'incident 

Une question cruciale se pose encore : celle de la responsabilité en cas d'incident. La loi prévoit que l'aidant compétent sera responsable de la bonne exécution des soins, selon les règles générales de la responsabilité civile.

L'aidant doit être "prudent et soigneux" et devra informer l'infirmier ou le médecin si les soins dépassent sa compétence, ou si les seuils d'alerte sont atteints. 

Le professionnel de la santé reste néanmoins responsable du suivi de la situation et de l'état de santé du patient. 

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Une solution à la pénurie d'infirmières? 

Pour le Ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit), ces avancées permettront de soulager la pression des infirmières et des médecins. "Ils pourront être libérés partiellement de tâches qu'un aidant qualifié peut parfaitement exécuter" se félicite-t-il. 

Mais pour la Fédération Nationale des Infirmières de Belgique, pas de quoi se réjouir. "Ce n'est pas une solution à la pénurie d'infirmières!" affirme Dan Lecocq. "Les professionnels de la santé devront former ces aidants. Et il ne faut surtout pas voir la profession infirmière comme une addition d'actes isolés!" 

"Le risque, c'est aussi qu'il y ait un effet de masse, que des institutions comme des centres de jour comptent sur des éducateurs pour effectuer certains soins pour s'épargner l'embauche d'un infirmier". "Cela participerait alors à la déqualification des soins de santé". 

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