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Enseignement en Flandre : les parents d’élèves ayant un mauvais niveau de néerlandais bientôt sanctionnés ?

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Le niveau de néerlandais des enfants de 5 ans ne s’améliore pas en Flandre. Nombre d’entre eux ont en effet des compétences jugées insuffisantes pour entrer en 1ère primaire. Pour remédier à la situation, le ministre flamand de l’Enseignement a proposé une mesure qui suscite pas mal de critiques : sanctionner financièrement leurs parents.

Depuis 2021, un test de langue, appelé 'test Koala', est imposé aux enfants de 3e maternelle en Flandre. Il consiste à évaluer leur niveau de néerlandais.

Les résultats de la deuxième édition de ce test ont été dévoilés hier, et ils révèlent qu’un enfant sur sept n’a pas un niveau linguistique suffisant pour passer en primaire. 10% des élèves de 5 ans auraient ainsi besoin d’un soutien supplémentaire. 4% nécessitent pour leur part un accompagnement intensif pour se mettre à niveau.

Les résultats démontrent aussi qu’il existe de grandes différences selon les écoles, et que la situation est encore plus problématique à Anvers, Gand et Bruxelles, où environ un élève sur quatre n’a pas les compétences linguistiques requises.

Face à un tel constat, Ben Weyts, ministre flamand N-VA de l’Enseignement, a partagé ses idées pour améliorer cette situation. Et l’une des propositions a entraîné une levée de boucliers au nord du pays.

Priver les parents d’allocations familiales et de diverses primes

L’objectif du nationaliste flamand est d’éviter que les enfants n’entament leur 1ère année d’école primaire avec un retard linguistique. D’après lui, le mauvais niveau d’un élève défavorise l’élève lui-même, dans son parcours scolaire, mais il a également un impact négatif sur la qualité de l’enseignement, pour l’ensemble de la classe.

Ben Weyts veut donc absolument diminuer le nombre d’élèves en difficulté linguistique, et pour ce faire, il voudrait pouvoir impliquer les parents. Le ministre veut d’un côté tenter de les stimuler davantage. Mais parallèlement à cette démarche positive, il faudrait selon lui envisager une mesure répressive. Ben Weyts voudrait pouvoir sanctionner les parents qui ne font pas d’effort pour améliorer le niveau de néerlandais de leur enfant. Cette sanction serait financière et consisterait à priver les parents d’une partie des allocations familiales, et des primes qui leur sont octroyées.

© JGI/Jamie Grill / Getty Images

Une annonce qui récolte de nombreuses critiques… et qui cache une autre réalité ?

Cette déclaration ne serait pas tombée par hasard d’après le journaliste politique de la VRT, Ivan De Vadder. Ce dernier souligne que l’annonce de Ben Weyts intervient alors que certains députés flamands lui reprochent de s’être présenté au Parlement en état d’ébriété. La séance en question date de mi-décembre, mais lors de la réception de Nouvel An de la N-VA, les rumeurs sont allées bon train, ce qui a obligé Ben Weyts à nier dans plusieurs journaux qu’il était ivre lors du débat.

En lançant l’idée d’une sanction financière imposée aux parents, le ministre tenterait donc de dévier l’attention, ou de redorer son blason auprès de son parti.

Un coup médiatique et politique qui tombe plutôt à l’eau puisque sa proposition s’est heurtée à de nombreuses critiques. Le secteur de l’enseignement n’a pas caché son indignation face à cette proposition que certains ont qualifiée de 'stupide'. Interrogée par Radio 2, la directrice d’une école anversoise souligne que de nombreux parents font déjà un effort pour apprendre le néerlandais. Elle affirme aussi que les nouveaux-arrivants, qui sont les premiers concernés par ce problème, ont déjà du mal à payer leurs factures scolaires. Une sanction financière ne ferait donc qu’empirer la situation. De son côté, l’Union flamande des familles estime que l’idée de Ben Weyts n’aura tout simplement aucun effet. Elle rappelle ainsi que la Flandre sanctionne déjà financièrement les parents qui n’envoient pas leur enfant à l’école maternelle, et que cette mesure n’a jusqu’ici eu quasiment aucun impact.

Le Vlaams Belang pour les sanctions, mais pas les autres membres du gouvernement

Alors cette proposition de Ben Weyts a-t-elle des chances d’être adoptée au Parlement flamand ?

Tout porte à croire que son idée ne restera qu’une idée, puisque les partenaires de coalition de la N-VA au gouvernement flamand n’y sont pas favorables. La ministre CD&V du Bien-être, Hilde Crevits, estime qu’une sanction financière augmenterait la vulnérabilité de ces enfants et leur retard de langage. Selon le libéral Sven Gatz, en charge de l’enseignement néerlandophone à Bruxelles, cette mesure serait juridiquement impossible à appliquer, puisque les allocations familiales relèvent directement du droit de l’enfant.

On notera enfin que le seul parti flamand à soutenir cette idée est, sans surprise, le Vlaams Belang. Si la mesure devait donc un jour être adoptée, ce serait après les élections, sous une autre majorité formée par les deux grands partis nationalistes flamands. Mais on n’en est pas encore là.

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