Enseignement : la réserve d’enseignants disponibles est vide

"Ce matin, j’ai deux titulaires absents, normalement remplacés par mon instituteur 'volant', sauf qu’il est lui-même malade. Ensuite, sont absents aussi deux professeurs spéciaux, le prof de gym et une éducatrice", énumère Valérie Lega, directrice de l’école Clair-Vivre Omega à Evere.

Pour cette directrice, tous les matins, c’est le casse-tête. Faute de professeurs remplaçants, c’est le règne de la débrouille et il faut trouver des solutions en interne pour encadrer les élèves. "On se débrouille. Chaque matin, on réfléchit à qui va prendre en charge les enfants car les classes sont composées de 20 à 25 élèves. Qui va les répartir, qui va s’en occuper.", explique Valérie Lega.

Dans l’impossibilité de trouver des enseignants remplaçants, même pour des longues durées, c’est le corps professoral présent qui est sollicité, durant les heures de fourche, pour aller encadrer les élèves de leurs collègues absents.

Emilie Lorand, institutrice de 5e primaire au Clair-Vivre, a dû s’absenter de sa classe durant 3 semaines. Pour ses élèves, le temps a paru bien long sans elle.

"Quand Emilie n’était pas là, on a été dispersé dans d’autres classes. On a été encadré par Amina et Mohammed. Mais je préfère quand Emilie est là", confie Houda, 10 ans. "Quand notre institutrice n’était pas là, on n’a pas beaucoup travaillé. On a fait un peu de quadrilatères et des textes aux choix", raconte Kévin, 10 ans.

Loin de sa classe, cette institutrice a culpabilisé.

"En tant qu’enseignante, on a toujours peur de tomber malade et dès qu’on est un peu fébrile, on se dit qu’on va quand même aller à l’école. Nous avons vraiment ce sentiment d’en quelque sorte abandonner les élèves. Et le fait de savoir qu’on ne sera pas remplacé car on ne trouve plus d’enseignants sur le marché du travail, met une pression supplémentaire sur nos épaules. On sait aussi que la charge de notre absence est aussi reportée sur les collègues et les équipes éducatives", témoigne Emilie Lorand.

Chaque année à cette période, juste après les vacances d’automne, le nombre de demandes de remplacements explose dans les écoles. La faute aux maladies et aux virus de saison.

Sur les réseaux sociaux ainsi que sur les plateformes qui mettent en lien les demandes des écoles et les enseignants éventuellement encore disponibles, énormément d’annonces, mais peu de réponses positives. Le vivier de professeurs est en fait déjà épuisé en ce début décembre, alors que d’habitude, on ne trouve plus personne qu’à partir du mois d’avril ou mai.

"C’est simple, la réserve d’enseignants, de C.V. est vide. On ne trouve plus de professeurs sur le marché du travail en ce moment pour répondre aux demandes de remplacement. La situation est très compliquée pour les directions d’école. Certaines devront se débrouiller jusqu’aux fêtes de fin d’année en espérant une accalmie. Cela devrait être le cas : il va y avoir des intérims qui vont se terminer et donc des professeurs qui vont se libérer", explique Sébastien Goffe, directeur de la plateforme Jobécole du secrétariat général de l’enseignement catholique (SEGEC).

Cette année, un autre facteur rend encore plus difficile la tâche des directeurs d’école.

"Il arrive qu’on trouve encore des enseignants disponibles. Mais ils habitent souvent loin et avec la crise que nous connaissons et les prix des carburants, ils déclinent les offres et refusent de venir jusqu’à Bruxelles pour des remplacements.", raconte Valérie Lega, directrice de l’école communale Clair-Vivre Omega à Evere.

Trouver un prof remplaçant est devenu si compliqué qu’à l’école Clair-Vivre on fait appel à une institutrice pensionnée.

Deux fois par semaine, Annick Martens vient bénévolement renforcer l’équipe pédagogique. "Je reviens car j’aime profondément cette école. Quand elle va mal ou les élèves se sentent mal, je me sens concernée. Et puis, je sais aussi à quel point la profession d’enseignant est épuisante et peu reconnue", explique Annick Martens.

La pénurie d’enseignants est désormais générale, quasi toutes les matières et tous niveaux confondus. En septembre prochain, la formation initiale des futurs profs passera de 3 à 4 années d’études. Dans quatre ans, donc, il y aura une année sans diplômés, une situation qui donne déjà des sueurs froides aux directions d’école.