Belgique

Enseignement : pour calmer le jeu et ménager les écoles, la ministre Désir modifie le calendrier des réformes

La question Déclic

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Par Jean-François Noulet, avec T.D Quach et M. Sirlereau

Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles s’est penché ce jeudi matin sur un ensemble de mesures d’aménagement des réformes programmées dans l’enseignement dans le cadre du Pacte d’excellence. Objectif : tenter de calmer la grogne qui règne depuis des mois au sein du corps enseignant. A la manœuvre, la ministre de l’Education Caroline Désir (PS) prévoit donc de maintenir le décret mais de reporter l’entrée en vigueur de certaines mesures, afin d’apaiser quelque peu la grogne au sein du monde enseignant à un an des prochaines élections.

De leur côté, les syndicats ont, une nouvelle fois, rappelé leur opposition à un point particulier du Pacte d’excellence, celui de l’évaluation des enseignants pouvant mener à la sanction ultime : la mise à l’écart.

« On relâche la pression et on va alléger la rentrée 2023 »

La ministre de l’Education, Caroline Désir, l’a confirmé au micro de la RTBF. Toute une série de mesures prévues dans le Pacte d’excellence n’entreront pas automatiquement en vigueur en septembre prochain.

La ministre se dit consciente que ce Pacte est "un vaste chantier", en particulier dans l’enseignement fondamental. C’est "une réforme systémique avec 18 chantiers de front" dans le but de réorganiser l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles.

"On doit admettre que, sans doute, la soutenabilité pour le terrain n’a pas bien été évaluée au moment de l’élaboration du Pacte", reconnaît aujourd’hui la ministre.

Alors, à un peu plus de quatre mois de la prochaine rentrée scolaire, la ministre adresse un message au terrain. "On relâche la pression, on va alléger la rentrée 2023", explique Caroline Désir.

Un tri a donc été fait dans les différentes mesures du Pacte d’excellence. "Qu’est-ce qui doit absolument entrer en vigueur comme nouvelle mesure en 2023 et qu’est-ce qui peut faire l’objet d’un échelonnement dans le temps ?", s’est demandé la ministre.

Les réformes maintenues pour la rentrée 2023

Parmi les réformes dont la ministre a estimé qu’elles devaient être maintenues pour la prochaine rentrée scolaire, il y a "tout ce qui crée des nouveaux droits pour l’ensemble des élèves". Par exemple, explique la ministre, "la suite du déploiement du tronc commun en troisième et quatrième primaire". Cela ira "avec l’accompagnement personnalisé, donc des moyens d’encadrement en plus pour les enfants au bénéfice de leurs apprentissages".

La nouvelle procédure "de maintien", "tout ce qui est lié aux droits des élèves par rapport au redoublement" est aussi maintenu.

Même chose pour l’anticipation de l’apprentissage de la première langue moderne en troisième primaire en Wallonie.

 

Les réformes dont l’entrée en vigueur est différée

D’autres mesures du Pacte d’excellence vont voir leur entrée en vigueur être reportée pour s’adapter au rythme de chaque école et à la disponibilité des équipes dans ces écoles.

C’est le cas, par exemple, du dossier d’accompagnement de l’élève, le DAccE. "C’est un nouvel applicatif informatique dans lequel les écoles doivent encoder, à plusieurs moments clés de l’année scolaire, des données relatives aux difficultés persistantes d’un enfant", explique Caroline Désir. Pour laisser le temps aux écoles de s’adapter à ce nouvel outil informatique, l’utilisation du nouveau système sera facultative pour les trois prochaines années scolaires. "Les écoles vont pouvoir continuer avec une version papier simplifiée plutôt que d’utiliser le nouvel outil informatique ou encore utiliser un applicatif qui existait déjà et dont elles se servaient déjà", explique la ministre Désir, alors que dans les écoles on se plaignait de surcharge administrative.

La mise en œuvre des pilotages se voudra aussi plus souple. La ministre rappelle que "les trois vagues" de cette réforme sont terminées. L’idée est que toutes les écoles avancent vers des objectifs communs. Les écoles ont quasiment toutes conclu un contrat avec la Fédération Wallonie-Bruxelles et se sont fixé des objectifs. La mise en œuvre de ces objectifs est assouplie. "L’idée n’est pas de contrôler au dernier carat l’exécution de chaque mesure ou de faire peser des risques de sanctions sur l’équipe éducative ou d’atteindre des objectifs chiffrés absolument", rassure la ministre.

L’étalement dans le temps des réformes concerna aussi "tout ce qui est dossier numérique" et "des points sur le pilotage de la formation des enseignants", explique la ministre.

Des renforts administratifs pour les directions du Fondamental

Les directeurs des écoles fondamentales ont souvent fait état d’une surcharge administrative. "C’est un point sur lequel on avait travaillé dès le début du Pacte", rappelle la ministre. Toutefois, cela n’avait pas suffi. "Donc on a mis 8 millions d’euros supplémentaires, ce qui porte à 45 millions d’euros l’aide administrative aux directions du Fondamental. Ce nouveau montant va être en vigueur dès la rentrée prochaine", explique Caroline Désir.

L’évaluation des enseignants reste en suspens : un dossier qui fâche les syndicats

Dans le Pacte d’excellence, le projet d’évaluation des enseignants est l’un des dossiers qui braque les syndicats. Au départ, il y a l’idée de soutenir et d’accompagner les enseignants, notamment ceux qui sont en début de carrière. On parle ici de pédagogie. Il s’agit de rendre systématiques des entretiens entre un enseignant et sa direction.

Il y a ensuite une autre étape. Celle-ci prévoit un parcours disciplinaire. On veut pouvoir sanctionner des enseignants qui ne conviendraient pas. Du rappel à l’ordre à l’obligation pour l’enseignant d’atteindre des objectifs précis pour redresser le tir, plusieurs étapes seraient ainsi définies avec, comme ultime sanction, la possibilité pour une direction de se séparer d’un enseignant.

C’est cette partie de l’évaluation et le risque de sanctions qui fâchent les syndicats. Le mois dernier, les syndicats socialistes et libéraux ont d’ailleurs claqué la porte du comité de concertation du Pacte pour un Enseignement d’excellence auquel ils participaient. Les affiliés de la CSC-Enseignement doivent, eux, se prononcer pour le 28 avril au plus tard, sur le maintien du syndicat chrétien au sein de ce même organe.

Ce jeudi matin, les syndicats du secteur de l’enseignement ont convié la presse pour rappeler leur opposition au deuxième volet de l’évaluation des professeurs. Dans les grandes lignes, ils sont d’accord sur l’accompagnement pédagogique. "Les enseignants ont vraiment besoin d’avoir un feedback sur leur pratique", résume Muriel Vigneron, vice-présidente de la SLFP Enseignement.

En revanche, pas question d’entendre parler de la deuxième étape pouvant mener aux sanctions. L’évaluation par la direction d’école ou le pouvoir organisateur est inacceptable pour les syndicats. "Il y a déjà une évaluation qui est prévue, une évaluation qui fonctionne. On peut sanctionner les membres du personnel qui dysfonctionnent. Il y a des inspecteurs qui sont des professionnels de l’évaluation", rappelle Marc Mansis, président d’Appel, le syndicat libéral de l’enseignement libre. Pour ce dernier, le projet d’évaluation avec sanction à la clé contenu dans le Pacte d’excellence, "c’est une procédure expéditive menée par quelqu’un qui n’est pas un professionnel de l’évaluation".

Dernièrement, la ministre de l’Education, Caroline Désir a déjà laissé entendre qu’elle pourrait séparer le volet disciplinaire du volet pédagogique. Par exemple, le volet pédagogique pourrait d’abord être mis en œuvre et on différerait la date d’entrée en vigueur du volet disciplinaire.

Du côté syndical, on avertit déjà : on veut bien du volet pédagogique, mais pas du volet disciplinaire. "Si on vote les deux volets avec une date d’application du deuxième volet, ça ne change strictement rien", estime Joseph Thonon, responsable de la CGSP Enseignement. "Ce qu’il faut faire, c’est d’abord mettre en application le premier volet, l’évaluer dans un an ou deux et, éventuellement, si nécessaire, rediscuter des sanctions disciplinaires ou d’une modification des sanctions disciplinaires", plaide Joseph Thonon.

Bref, à ce stade, rien n’est tranché au sujet de cette évaluation des enseignants. Le point devrait revenir sur la table du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles la semaine prochaine.

C’est aussi la semaine prochaine, jeudi 27 avril, que les syndicats ont choisi pour programmer une cinquième grande manifestation dans les rues de la capitale. Outre le projet de décret sur l’évaluation des profs, les syndicats dénoncent aussi le trop grand nombre d’élèves dans certaines classes, la charge de travail générée par les plans de pilotage, ainsi que les incertitudes liées à la réforme de l’enseignement qualifiant.

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