Selon Lina, les applications de rencontre peuvent devenir "un outil du patriarcat". "Les hommes sont frustrés par ces applis et ils reportent cette frustration sur nous. Ils ne supportent pas le non, ils le ressentent comme un rejet. Nous, nous sommes habituées à rencontrer des obstacles sur notre route, eux pas. Ils ne le supportent pas. Je l’assimile au harcèlement de rue, les hommes ne comprennent pas qu’il ne faut pas une bonne raison pour ne pas répondre. Pour eux, nous devons leur répondre, sinon ils s’énervent. Or, nous ne sommes pas des marchandises, nous avons le droit de dire non."
Lily Thacker, professeure auxiliaire à la Eastern Kentucky University, a inventé le terme "violence de rejet" pour décrire ce phénomène. Elle a documenté des réactions de violences verbales, de violences physiques, voire des viols ou des féminicides, simplement parce que des femmes… avaient dit non à des hommes. La toxicité des applications de rencontre pour les femmes est elle aussi bien connue.
Cela m’a effrayée, qu’il m’écrive dans cet état
D’autres hommes ont insulté ou menacé Lina sur les applications de rencontre. Sur les documents qu’elle nous a procurés, un homme en particulier l’insulte de "sale pute" avant de lui écrire ceci, parce qu’elle n’a pas répondu à deux messages : "C’est toi qui provoques ça. Crève dans ta vie, j’ai envie de prendre un couteau et de te faire plein de cicatrices sur ton visage".
"Dans ce cas-ci, je tiens à le dire, Adopte un mec a été exemplaire et réactif. Ils ont très vite supprimé son compte. Cela ne l’empêche pas d’en créer un autre mais c’est déjà ça de pris", précise Lina. "Ma présentation sur ces applications est très ironique, je dis que je suis là pour voir des photos de mecs prises dans des miroirs sales, dans des ascenseurs ou au CrossFit. Cela semble donner envie aux hommes de me recadrer. J’ai très souvent des remarques de ce genre. Comme si j’étais une enfant, comme s’ils voulaient que je me taise, qu’il fallait me mater parce que je fais dans la provoc’. C’est très ancré." Sur une autre capture d’écran, un homme lui envoie d’ailleurs : "Si un jour, tu veux que je t’encule (sic) pour te remettre [les idées] en place, fais-moi signe, kiss (sic)."