Jeux vidéo

Epistory : l’histoire d’un succès international pour un jeu vidéo montois

© Epistory : Typing Chronicles – Fishing Cactus

Petit bijou du studio montois Fishing Cactus, Epistory : Typing Chronicles était disponible gratuitement sur la plateforme de l’Epic Games Store. Sorti en 2016, Epistory racontait cette aventure onirique où l’on incarne une muse, voyageant à dos de renard à trois queues. Cette muse, c’est l’héroïne créée par un écrivain en mal d’inspiration et de scénario.

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Ainsi, vous, le joueur, incarnez et décidez de l’histoire que vous mènerez tout au long du jeu. Exploration, combats et énigmes sont au menu de cette aventure. Plus vous vous engagerez dans le jeu, plus le monde que vous parcourrez sera riche et vivant.

Des prix et de la renommée

Bien que le jeu ait désormais six ans, il n’a pas attendu pour recevoir de bonnes critiques et plusieurs prix : l’Award de l’Innovation en 2015 par les Belgian Game Awards, le Creative Play de la part des Play Awards de Paris en 2015, une Mention Honorable de l’Independant Game Festival en 2016 ainsi que le titre de "Meilleur Jeu" par le Momocon Festival d’Atlanta en 2016.

Des États-Unis à l’Italie, le jeu a fait son petit bonhomme de chemin. |
Des États-Unis à l’Italie, le jeu a fait son petit bonhomme de chemin. | © Epistory : Typing Chronicles – Fishing Cactus

Et ces prix ont eu leur effet sur les streameurs et youtubeurs, de nombreuses personnalités francophones avaient décidé de tenter le coup à la sortie du jeu : ZeratoR ou encore Bob Lennon. Le jeu a explosé les frontières en ayant même eu des tests en Corée du Sud.

Nos Montois ont du talent

Fishing Cactus, c’est ce studio montois de jeux vidéo. Situé non loin des Grands Prés, le studio s’est réellement lancé dans le développement à partir de 2009. Au-delà du succès d’Epistory, Fishing Cactus a sorti d’autres titres comme Shift Quantom, Nanotale, Algobot ou encore Ary and the Secret of Seasons.

On a rencontré Bruno Urbain, le CEO et studio manager de Fishing Cactus pour l’interviewer sur le succès d’Epistory et la prospérité des studios belges de jeux vidéo.

Comment expliquez-vous le succès international d’Epistory ?

Il y a probablement eu une multitude de facteurs qui explique son succès.

Premièrement le visuel. Nous avons un style visuel en 3D façon papier plié, origami très coloré. Puis, il y a la narration, qui est indirecte, aussi bien écrite dans le jeu mais aussi une narratrice avec une très belle voix (celle de Rachel Mester, actrice américaine avec qui nous travaillons sur quasi tous nos jeux). Et, enfin, le typing en lui-même qui est au cœur de l’expérience, car Epistory se joue uniquement au clavier et ça, c’était un élément très différenciant par rapport à ce qui existait sur le marché quand nous sommes sortis en 2016.

Franchement, je pense que c’est vraiment l’osmose et la combinaison de ces éléments qui font qu’Epistory est un petit bijou du point de vue purement "jeu".

Ensuite, il y a eu des éléments de chance et une communication continue qui nous a permis de passer dans beaucoup de festivals, d’avoir des récompenses et donc de gagner en notoriété dans la sphère des jeux indépendants. D’ailleurs la sortie du jeu n’a rien d’exceptionnel, on s’est plutôt construit dans le temps.

© Epistory : Typing Chronicles – Fishing Cactus

Et on continue à soutenir le jeu, avec des petites mises à jour mais aussi l’intégration de nouvelles langues. On a particulièrement fait attention à réaliser une traduction dans plusieurs langues y compris dans des marchés qui en 2016 pouvaient être encore naissants, comme la Chine.

Combien de temps a pris la conception du jeu ? Quelles étaient les motivations, les idées lorsque le projet Epistory est né ?

Le jeu a pris presque 2 ans entre l’idée initiale et la première sortie en Early Access sur Steam (version anticipée), on a encore travaillé environ 6 mois pour faire la version finale du jeu telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Au moment de la conception, Fishing Cactus était à un tournant, nous étions déjà un studio de jeu mais nous bossions principalement pour des clients. Lorsqu’on a commencé Epistory, nous devions faire un jeu pour apprendre à écrire au clavier, l’idée étant de combiner le côté ludique et une forme d’apprentissage. Le jeu était à ce moment-là en 2D et assez loin du visuel actuel.

© Epistory : Typing Chronicles – Fishing Cactus

Au fur et à mesure du développement, le côté plus créatif du jeu a pris le dessus, avec une direction artistique plus assumée (origami et 3D) et le développement d’une narration et d’une atmosphère plus présente.

On a investi plus de moyens (humains) et le projet a grandi dans notre cœur.

C’est un projet dont l’ambition a vraiment grandi avec nous. Au départ, le développement ne devait durer que 6 mois.

On voit qu’après Epistory, Nanotales suit un peu la même lignée, étant également un Typing Chronicles. La recette d’Epistory ayant bien marché, vous vous êtes dit qu’avec Nanotales, c’était l’occasion de remettre le couvert ?

Avec le succès du jeu, nous avons reçu beaucoup de demandes pour d’autres jeux du même type. Les gens comparaient souvent Epistory à une meilleure version d’un logiciel d’apprentissage de typing, Mavis Beacon, très célèbre dans les lycées Américains. Epistory était la version idéalisée de ce soft.

© Nanotale – Fishing Cactus

Du coup on a exploré plusieurs pistes pour d’autres typing games, pas uniquement la même chose qu’Epistory. En explorant le côté plus narratif, on est arrivé avec Nanotale qui même s’il a une ADN commune avec Epistory est un jeu qui s’axe sur la découverte et l’expérimentation.

On voit que vous avez un nouveau projet qui est sorti en novembre passé : Outshine. Vous pouvez nous en dire plus sur le jeu, des petites exclus ?

Comme pour Epistory et Nanotale, on a été à l’écoute de la communauté et on a designé un jeu de typing cette fois-ci avec une orientation plus arcade, plus scoring qui pousse vraiment le joueur à se dépasser niveau compétences au clavier. D’ailleurs il y a un grand classement dès le début du jeu avec le score de tous les joueurs du monde.

© Outshine – Fishing Cactus

C’est un jeu qui est destiné à une audience un peu plus core gamers qu’Epistory et il y a moins d’emphase sur l’histoire (même s’il y en a). Le jeu est aussi entièrement paramétrable permettant au joueur de complètement personnaliser son expérience jeu, il peut augmenter la vitesse, le nombre d’ennemis, inverser les textes etc. Ainsi, il peut progresser avec ses compétences au clavier.

Niveau exclu, je peux partager que tout le long du développement de ces 3 projets, nous avons travaillé progressivement sur un grand nombre d’adaptations pour les joueurs qui peuvent avoir des handicaps.

Par exemple on a un mode daltonien ou le choix des fonts, de la couleur et de la taille permet à des dyslexiques de joueur sans trop de difficulté au jeu.

L’histoire de Fishing Cactus et l’état du gaming belge

Fishing Cactus est né en 2008, si je ne me trompe pas. Comment prospérer en tant que studio de jeu vidéo en Belgique ?

Oui, 2008 est l’année de création, on a vraiment commencé les activités qu’en 2009. On a pu prospérer avec du travail client initialement car l’écosystème (l’ensemble des partenaires accessibles sur le territoire) était plutôt limité à l’époque et la Belgique n’était pas spécialement une terre de création du jeu vidéo à l’époque ; ce qui rendait la création de projets propres très difficile à financer. Bref, on a un peu déchanté.

On a commencé à 3 et puis rapidement à 5, à la suite d’un premier contrat avec Samsung, un projet de Shaun White Snowboarding et 2 clients américains, on a pu passer à 10 après 2 ans. On est monté à 40 puis redescendu à 20, on est de nouveau en croissance avec 30 personnes actuellement. Il y a des cycles.

© Shaun White Snowboarding – Ubisoft

Après 2016 on a mis plus d’accent sur nos propres productions : des projets qui sont imaginés et réalisés chez Fishing Cactus et pas commandés pour le compte de tiers. C’est plus stimulant et moins stressant.

Afin de nous permettre cette liberté, on a dû trouver un équilibre entre les productions dites internes (qui sont généralement plus créatives) et les productions pour des tiers (qui permettent donc de faire rentrer des sous pour payer les facturer). Pour prospérer, c’est ce qui a fonctionné pour nous, trouver cet équilibre.

En tant que studio belge, avez-vous déjà fait face à des obstacles ? Quelles aides peuvent recevoir les studios de jeux vidéo en Belgique ?

Au début c’était très dur, nouvelle société constituée, un domaine peu connu des investisseurs (aussi bien privés que publics) et banquiers, je me souviens même d’être sorti d’un rendez-vous avec notre banque de l’époque avec un crédit de caisse de 500€… soit moins que ma carte de crédit personnelle de l’époque, ce qui donne un peu le ton niveau confiance qu’on pouvait avoir dans notre entreprise à ce moment-là.

Mais il n’y avait qu’une poignée de développeurs de jeu vidéo en Belgique à ce moment-là. Du coup pas beaucoup d’aides pour démarrer ou prendre des risques. Je parlais dans la précédente question de l’écosystème, en 14 ans il a bien changé et aujourd’hui le paysage du développement du jeu vidéo belge et wallon est totalement différent.

Il y a désormais des fonds publics avec des lignes de financement spécialisées sur le secteur créatif (St’Art) ou carrément jeu vidéo (Fédération Wallonie Bruxelles ou Wallimage Gaming) ou encore plusieurs investisseurs publics plus traditionnels capables d’investir dans des sociétés de jeu vidéo (Wallimage, IMBC, Sambreinvest pour ne citer qu’eux).

C’est surtout grâce à l’émergence de nouveaux studios avec des demandes spécifiques en financement, à la croissance du secteur en lui-même et à la relative stabilité de quelques studios pionniers (comme Fishing Cactus ou Appeal) que le secteur a pu convaincre dans la durée.

Ce qui a pas mal fait bouger les choses c’est aussi la structuration de l’écosystème, avec la constitution de deux associations de développeurs, d’un côté Flega (Flamand) et plus récemment Walga (Wallon), ensemble formant Belgian Games.

© BELGIAN GAMES

Chacune de ces associations a pour mission d’être le porte-étendard des demandes des développeurs (aspirants ou confirmés) vis-à-vis de l’écosystème dans sa globalité mais aussi des différents partenaires régionaux pour développer des aides et moyens de financement spécifiques. Mais leur mission va plus loin sur par exemple le networking (national ou international avec le soutien de l’Awex), la prospection internationale lors de salons, etc.

Selon vous, comment peut évoluer le gaming belge ? Comment le rendre encore plus connu ?

C’est assez simple, aujourd’hui, on a plusieurs filières de formation solides avec des jeunes diplômés compétents. On a des studios qui sont créatifs et capables de livrer des jeux vidéo de qualité, très tournés vers l’international. On commence à avoir des outils financiers récurrents pour créer de la propriété intellectuelle.

Ce qui nous manque en Wallonie (et probablement aussi un peu en Belgique), c’est quelques gros succès qui permettraient d’encore asseoir la Belgique et attirer les investisseurs privés, démontrer du côté financièrement attractif de notre secteur.

Finalement un peu à la manière des studios de jeu vidéo nordiques dans le mobile il y a quelques années.

Il y a déjà des succès plus modestes mais qui démontrent que tout ne se passe pas uniquement au niveau des blockbusters (Myrion Software dans la VR, OptizOnion avec leur jeu Bounty of One).

Depuis le 1er janvier, le tax shelter est désormais appliqué aux productions de jeux vidéo. Ça faisait longtemps que vous attendiez ça ? Qu’est-ce ça change pour vous dans vos productions ?

A titre personnel, je pense que je travaille plus ou moins directement sur l’aboutissement de cette extension du tax shelter pour le jeu vidéo depuis plus de 8 ans, donc oui, on l’attendait avec impatience.

Pour faire simple, le tax shelter permet d’obtenir un financement sur l’ensemble des couts de production d’un jeu, de l’ordre de 25%. Ce financement est destiné à des projets créatifs qui répondent à certains critères mais qui sont souvent remplis dans le cadre d’une production propre à un studio.

Ce financement permet au studio d’être plus indépendant financièrement et d’assumer une part plus importante de son projet, d’en retenir plus de droits.

Avec le tax shelter, nous espérons pouvoir continuer à développer plus de projets propres, garder une vision créative plus forte sur ceux-ci, recruter et être encore plus ambitieux.

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