La ville de Goma, dans l’est du Congo, se vide de sa population. Ordre d’évacuation lancé ce jeudi par les autorités face au risque d’une nouvelle l’éruption du volcan Nyiragongo, situé à quelques kilomètres seulement de la ville.
Corentin Caudron, vulcanologue à l’Institut des sciences de la terre à Grenoble, était l’invité de La Première ce vendredi matin pour analyser la situation.
On n’aurait pas pu prévoir le réveil de ce volcan ? L’éruption du Nyiragongo a été une surprise ?
"Oui, il y a très peu de précurseurs évidents, on n’en a pas trouvé pour l’instant, donc c’était imprévisible. Il y avait pourtant des données et plusieurs scientifiques regardaient ça au niveau local, mais aussi en Europe et un peu partout dans le monde. Donc non, il n’y avait rien à trouver, malheureusement. Comme toujours, on va regarder ça rétrospectivement, essayer de trouver des signaux pour améliorer ce type de résultats dans le futur. Mais là, non, on n’a pas pu voir venir l’éruption".
Mais il y a une surveillance efficace de ce volcan au quotidien. Ce n’est pas un manque de moyens sur place qui explique que les habitants ont été pris par surprise ?
"Non, il faut clarifier la situation. Il y a un réseau qui a été développé ces dernières années, qui est excellent, qui est parmi les meilleurs au monde, en tout cas au niveau sismique, au niveau des formations. On fait des points tous les jours avec plusieurs experts pour essayer d’améliorer la situation et le suivi de la situation, donc c’était très bien suivi. Il y a des images satellites qui étaient disponibles. Il n’y avait malheureusement pas grand-chose à faire dans ce cas-ci".
Il pourrait y avoir d’autres éruptions, d’autres coulées de lave dans les prochaines heures ?
"Oui, tout à fait. Là, c’est vraiment ça qu’on est en train d’essayer de suivre avec l’Observatoire volcanologique de Goma. Il y a effectivement un risque, on voit des migrations de séismes qui sont sous la ville et qui sont en train de se diriger vers le lac. Il y a eu une situation similaire en 2002 qui n’a pas débouché sur une éruption, donc c’est important à pointer, mais le risque existe et doit donc être suivi. Il y a des chartes qui ont été activées au niveau international pour avoir accès à davantage d’images satellites, donc tout est en train de se mettre en place. Mais effectivement, à ce stade-ci, on a ces mouvements de magma sous Goma et sous le lac Kivu".
Il y a plein de choses qui sont mises en place pour justement essayer de surveiller
Ça veut dire que le danger ne vient pas forcément directement du cratère du volcan, qui est situé à une petite vingtaine de kilomètres de Goma, mais qu’il vient de sous la terre, qu’il y a de la lave qui est sous la ville et qui pourrait sortir de terre sous la ville de Goma ?
"C’est exactement ça. Au niveau du Nyiragongo, il n’y a plus de lac de lave pour l’instant. Ce n’est pas encore certain, mais on est en train d’essayer de voir si c’est le cas ou pas. Mais peu importe, il y a toute une plomberie sur le volcan et sous le volcan, avec des poches de magma qui circulent. Ça, c’est bien connu, ça a aussi été le cas en 2002 et c’est un peu ça qui aurait tendance à nous rassurer, c’est qu’on a eu une situation similaire en 2002. La volcanologie est jeune, et ici on observe par rapport à ce qu’on connaît. En 2002, quasiment aucun instrument n’était installé, ou très peu, et donc on doit essayer de se caler sur des modèles qu’on a observés par le passé en espérant qu’on aille vers une situation similaire".