Eruption volcanique aux Canaries : "on a vraiment du mal à prédire la fin d’une éruption", explique le volcanologue Corentin Caudron

Matin Première : le dossier de la rédaction - éruption volcanique à La Palma

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Par Cynthia Deschamps sur base d'une interview menée par François Heureux

Le volcan Cumbre Vieja, au sud de La Palma, crache de la lave depuis un mois. Il est entré en éruption, pour la première fois en cinquante ans, le 19 septembre dernier.

Plus de 7000 personnes ont dû être évacuées depuis. Une superficie de 700 hectares a également été recouverte de lave et de cendres, soit l’équivalent d’environ 980 terrains de football. Jusqu’à présent, personne ne semble avoir été blessé.

Corentin Caudron, volcanologue à l’ULB, était au micro de François Heureux sur Matin Première pour nous en apprendre plus sur l’éruption volcanique.

François Heureux : Ça peut durer longtemps, cette éruption à La Palma ?

Corentin Caudron : De ce que l’on sait historiquement, c’est en général deux à trois mois maximum. Mais tout ça peut varier.

Peut-on se baser sur l’activité actuelle du volcan pour savoir si ça va bientôt se calmer ou pas ?

On n’a que ça pour l’instant pour être informé, ce qui n’est déjà pas mal. C’est un volcan qui est assez bien étudié, dont on sait beaucoup de choses, donc c’est vraiment là-dessus qu’on se base pour essayer d’estimer jusque quand ça pourrait durer. Mais comme souvent avec les volcans, ils peuvent nous surprendre.

Dans cette photographie prise et publiée par l’Unité militaire d’urgence espagnole (UME) le 16 octobre 2021, les membres du GIETMA (Groupe d’intervention en cas d’urgence technologique et environnementale) de l’UME surveillent l’évolution d’une nouvelle c
Dans cette photographie prise et publiée par l’Unité militaire d’urgence espagnole (UME) le 16 octobre 2021, les membres du GIETMA (Groupe d’intervention en cas d’urgence technologique et environnementale) de l’UME surveillent l’évolution d’une nouvelle c © Tous droits réservés

Vous nous dites que ça peut durer deux à trois mois. C’est compliqué de prévoir la durée d’une éruption d’un volcan ?

Oui, je dirais que c’est probablement une des dernières choses ou une des choses, en tout cas, qui reste très compliquée pour nous, c’est de savoir quand ça va se terminer. Et ça a évidemment des impacts importants pour les populations dans ce cas-ci.

Pourquoi c’est si compliqué de déterminer la durée d’une éruption volcanique ?

Il y a plusieurs choses, mais un des paramètres est que tous les signaux qu’on enregistre avant une éruption, quand le volcan est très calme, sont faciles à détecter. Ici, on est noyé dans des signaux qui vont dans tous les sens. Il faut vraiment vous imaginer que si on prend un sismographe, on a déjà des vibrations au niveau du sol tout le temps, et donc on a vraiment du mal à essayer de prédire la fin d’une éruption à cause de tous ces signaux, et des stations qui commencent à être détruites avec toute cette cendre qui recouvre les panneaux solaires. On a du mal à alimenter des stations, donc ça complique fortement le travail de volcanologues.


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C’est un volcan qui se réveille régulièrement, le Cumbre Vieja, à La Palma ?

Environ tous les 50 ans. C’est vraiment une fréquence assez bien reproduite au cours des derniers siècles.

On imagine que la lave constitue le premier danger pour les habitants, mais ce n’est pas le seul lors d’une éruption. J’imagine qu’il y a d’autres sources de nuisances pour tous les gens qui habitent à proximité de ce volcan ?

Oui, pour l’instant, il y a la cendre, qui est vraiment gênante, qui irrite les voies respiratoires. Ce sont vraiment de toutes petites particules de verre, donc c’est extrêmement abrasif et ça peut provoquer des dégâts. Ça fait ployer les toits – les toits s’effondrent s’il y a trop de cendres – et il y a aussi les gaz toxiques pour les gens qui sont tout près des coulées. Il y a donc une série de choses qui sont vraiment embêtantes et dangereuses pour les gens qui habitent tout près.

Des membres des forces terrestres espagnoles portant des combinaisons de protection nettoient les cendres des toits de Las Manchas le 16 octobre 2021, à la suite de l’éruption du volcan Cumbre Vieja
Des membres des forces terrestres espagnoles portant des combinaisons de protection nettoient les cendres des toits de Las Manchas le 16 octobre 2021, à la suite de l’éruption du volcan Cumbre Vieja © Tous droits réservés

Les autorités surveillent beaucoup les coulées de lave qui vont vers la mer, vers l’eau, vers l’océan. Pourquoi ? Qu’est-ce que ça provoque quand la lave arrive dans l’eau ?

Ça fait de petites explosions puisque la lave est très chaude, autour de 1000 degrés, et elle rentre en contact avec de l’eau froide, donc ça fait des explosions de vapeur. Maintenant, c’est le seul danger, vraiment. Il y a peut-être un peu plus de gaz qui sont générés lorsque la lave entre en contact avec l’eau, mais ce n’est pas le danger principal. On surveille ça parce que c’est important, ça peut faire des petites explosions pour les gens qui sont tout près, mais le reste, par exemple les cendres, c’est vraiment ce qu’on va essayer de surveiller au plus près pour l’instant.

C’est épuisant, l’éruption d’un volcan, quand on habite dans ses environs ? Il y a beaucoup de bruit, par exemple ?

Oui, il y a du bruit et il y a les vibrations. Par exemple, ce que des collègues islandais disaient, c’est qu’ils se réveillent très régulièrement à cause des tremblements de terre. Donc, forcément, ça fait trembler votre maison, ce sont des situations anxiogènes, et sur le long terme, j’imagine que c’est épuisant mentalement.

Des gens nettoient une rue couverte de cendres avec des balais, à la suite de l’éruption du volcan Cumbre Vieja, à Los Llanos de Aridane, dans l’île canarienne de La Palma le 3 octobre 2021
Des gens nettoient une rue couverte de cendres avec des balais, à la suite de l’éruption du volcan Cumbre Vieja, à Los Llanos de Aridane, dans l’île canarienne de La Palma le 3 octobre 2021 © AFP

Il y a eu de nombreuses éruptions ces derniers temps : Sicile, Congo, Islande. L’activité est-elle plus intense pour l’instant ? Ou est-elle davantage médiatisée ?

Elle est davantage médiatisée. Ce sont des zones qui nous parlent, qui sont proches de chez nous, on a forcément de superbes images dans le cas des Canaries, donc on en parle beaucoup plus. Mais il n’y a pas plus d’activité que l’année passée ou il y a cinq ans.

Combien de volcans sont en éruption dans le monde ?

Je pense qu’il y en a une vingtaine qui est constamment en éruption, voire 30 ; parfois plus, parfois moins. Il y en a tout le temps un peu partout dans le monde. Maintenant, quand vous êtes en Alaska et qu’il y a une éruption comme celle en Espagne, pour l’instant on n’en parle pas.

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