A l'approche d'élections cruciales en Catalogne, les accusations de "franquisme" se multiplient dans une Espagne qui n'a pas terminé un examen critique de la dictature de Francisco Franco. "Vous êtes des franquistes, vous avez peur de la démocratie", a ainsi lancé à l'adresse du gouvernement espagnol de Mariano Rajoy un des "ministres" du gouvernement indépendantiste catalan déchu, Toni Comin, lors d'un meeting à Bruxelles où il s'est exilé avec le président régional destitué, Carles Puigdemont.
Les anciens dirigeants indépendantistes comptent à présent reconquérir le pouvoir, aux élections régionales du 21 décembre. Poursuivis pour "rébellion" et "sédition" - et pour certains emprisonnés - ils se posent en "démocrates", victimes d'un régime qui serait resté "franquiste".
"Ce qui a surgi en Catalogne, cette idée qu'en Espagne +nous vivons sous le franquisme+, est complètement absurde", estime cependant l'historien Julian Casanova, spécialiste de cette période, ayant dirigé un ouvrage collectif sur tous les aspects de la dictature qui fit exécuter au moins 50.000 personnes dans la décennie d'après-guerre. "Les vices de la démocratie actuelle sont les nôtres", préfère dire l'historien.
Dans son dernier livre "Que se passe-t-il en Catalogne?", l'écrivain catalan Eduardo Mendoza dénonce, lui, une instrumentalisation du franquisme en Espagne et "spécialement en Catalogne, où l'on sort l'image de Franco en procession pour justifier sa conduite ou invalider celle de l'adversaire".
A la tête des militaires qui s'étaient soulevés contre la République, le général Francisco Franco avait remporté la guerre civile (1936-1939) avec l'aide de Hitler et Mussolini, avant de diriger le pays en dictateur jusqu'à sa mort en 1975.
Pour ne pas rouvrir les plaies du passé, l'Espagne avait effectué sa transition vers la démocratie en évitant de réclamer des comptes aux tenants du régime, dont certains avaient fondé l'Alliance populaire, précurseur du Parti Populaire (PP) de Mariano Rajoy.