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Esports : interruption du WCB, le circuit féminin de Rocket League

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Le circuit féminin de Rocket League, le Women’s Car Ball, a été mis en pause à la mi-saison par manque de rentrées financières. Seize équipes réparties en deux divisions (Europe et Amérique du Nord) se retrouvent, du jour au lendemain, sans perspective ni rentrée d’argent.

 

Le Women’s Car Ball (WCB), créé en 2020 est le circuit féminin officiel sur Rocket League. Présent en Europe et en Amérique du Nord, son but est de mettre en avant l’esport féminin tout en offrant aux joueuses les infrastructures pour progresser. Bien en dessous de son homologue masculin concernant son audience ou même ses récompenses, le but est avant tout d’offrir aux joueuses une meilleure représentation, une "safe place" et, pourquoi pas, créer de nouvelles vocations ce faisant.

Un circuit similaire a été créé sur Counter-Strike : Global Offensive l’année dernière et plus récemment c’est League of Legends qui a officialisé un circuit 100% féminin en plus des Games Changer sur Valorant. Rappelons que l’Esport est une discipline mixte et que ces circuits serviraient idéalement de transition vers une mixité effective du secteur.
 

Selon KC Pioneers (organisateur de la compétition), le WCB doit "suspendre ses activités en raison d’un manque de soutien commercial". Le compte officiel de la compétition n’a, quant à lui, plus communiqué depuis le 22 décembre.

De nombreuses voix se sont levées sur les réseaux sociaux vers la fin du mois de janvier, soit deux semaines après un début de compétition qui n’est jamais arrivé. À la date du 29 janvier, Euan "Tadpole" Ingram, ancien joueur pro et actuel manager de l’équipe William’s Resolve (partenaire de l’écurie britannique de Formule 1) s’est exprimé sur Twitter. Il y demande aux organisateurs des informations concernant la compétition visiblement abandonnée par ces derniers. Toujours selon ce tweet, les joueurs, les équipes et toutes les personnes travaillant sur la compétition ont été laissés sans nouvelles jusqu’à cette date.

Quelques instants plus tard, sur le discord de la compétition, un communiqué officiel a soudainement fait surface aux alentours de 2 heures du matin. Dans ce communiqué on pouvait lire que le WCB était suspendu immédiatement et n’avait pas encore de date de retour prévue, faute de moyens.

Au début de la saison 5, nous avions des engagements importants pour contribuer au succès [de la WCB] avec des talents, une diffusion et des cagnottes de classe mondiale. Ce soutien a mis plus de temps à se matérialiser que prévu, et les Pionniers étant actuellement les seuls à s’engager financièrement, nous ne pouvons pas continuer sans aide.

Nous attendons des réponses de sponsors potentiels et d’organisations d’esports pour s’unir, ce qui changera considérablement la façon dont l’éditeur, les marques et l’industrie de l’esport perçoivent le WCB. Nous travaillerons avec tout le monde sur les arriérés de salaire et les revenus pendant la transition.

Nous croyons en la mission et la vision et sommes toujours en conversation active pour trouver une nouvelle propriété. Le jeu sera suspendu jusqu’à ce qu’un nouveau propriétaire soit établi ou que des sponsors supplémentaires soient trouvés.

Ce communiqué revient sur une information troublante : certaines parties attendent toujours leurs salaires et les récompenses d’éventuelles compétitions. Sans rentrées d’argent, l’équilibre déjà très fragile de ce secteur est mis à mal, et très peu de solutions légales adéquates existent pour les parties lésées.

Plusieurs parties prenantes (dont les propriétaires d’équipes, les sources de la ligue et des tiers) ont notamment critiqué les organisateurs pour s’être engagés sans avoir les fonds nécessaires pour financer leur compétition.

Jeff Simpkins, COO chez Williams Resolve, l’une des organisations participant à la ligue, a déclaré dans une vidéo sur Twitter : "La WCB a simplement fait ce que toutes les organisations d’esports ont toujours fait… "Oh nous sommes en attente de sponsors…" On n’entreprend pas quelque chose si on n’a pas l’argent pour le faire !". L’équipe de Williams Resolve a remporté les trois derniers événements régionaux et attend toujours ses 3000 $ de récompense.

Esport, fédérations et régulation

Réguler le secteur de l’Esport n’est pas une mince affaire. Si un novice aura vite fait de se dire qu’il suffit de procéder comme pour les sports traditionnels, en réalité ces jeux vidéo appartiennent souvent à de gros studios dont le seul but est de faire du bénéfice ce qui complexifie les discussions autour d’une régulation.

La fédération belge d’Esports (BESF) est un organisme qui "s’engage à faciliter, encourager et suivre le développement et la pratique de l’esport en Belgique" comme expliqué sur leur site web. La semaine passée ils s’exprimaient sur la disparition de Sector One, emblématique structure Esportive bruxelloise forcée de fermer ses portes par manque d’argent et ce, malgré de bons résultats compétitifs.

Samy Bessi vice-président de la BESF, était d’ailleurs revenu sur les difficultés de faire de l’Esport en Belgique.

"Tant qu’il n’y aura pas un statut Esportif reconnu, qui rassurera d’abord les clubs et surtout les investisseurs derrière les clubs, on ne pourra pas réellement avancer. Je ne vois pas comment qui que ce soit peut investir en Belgique si le club n’est même pas sûr d’avoir un contrat valable pour ses joueurs. Et aujourd’hui c’est toujours le cas en Belgique."

Si la discussion semble déjà difficile lorsqu’il s’agit de rassembler toutes les parties impliquées au niveau d’un pays, elle se complexifie encore lorsque l’éditeur du jeu, une tierce partie privée, s’invite autour de la table avec des exigences (de rentabilité par exemple).

La transidentité et l’Esport féminin

Un autre sujet que cette interruption soulève concerne la transidentité et les compétitions féminines esportives. Sur Twitter, plusieurs internautes se sont indignés sur le fait que cette ligue permette à des femmes transgenres de participer aux côtés de femmes cisgenres (dont le sexe donné à la naissance correspond à l’identité de genre).

Outre l’absence de sensibilisation évidente sur les questions de transidentité dont ces commentaires témoignent, ils symbolisent aussi une perte d’intérêt d’une partie de la communauté pour ces compétitions. Malheureusement dans un secteur comme l’Esport où l’audience est reine, une diminution de popularité peut faire fuir les sponsors et entraîner de lourdes pertes financières.

De nombreuses femmes transgenres sont régulièrement harcelées en ligne pour leur simple participation à ces compétitions féminines, ce qui a tendance à confirmer la nécessité d’instaurer des "safe places" pour les minorités au sein de cet environnement souvent toxique, inhérent aux jeux vidéo. Encore faut-il pouvoir établir des règles qui puissent protéger toutes les parties de cette complexe équation.

Peut-être qu’une fois que les sports traditionnels auront réussi à adresser la question d’une façon satisfaisante, alors le secteur de l’Esport pourra s’inspirer du travail accompli par son prédécesseur. Mais tout le travail à accomplir n’est pas du côté des institutions uniquement, la sensibilisation des joueur.euse.s est également une étape nécéssaire pour faire évoluer les mentalités.

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