Ce 30 novembre dernier, le Smash World Tour annonçait l’annulation de son circuit Esport en cours quelques jours seulement avant son début prévu le 9 décembre, mettant des milliers de personnes dans l’embarras… Dans un long communiqué sur Twitter, les organisateurs ont dévoilé comment une mauvaise communication avec l’éditeur du jeu (Nintendo) et un concurrent pas toujours très honnête sont venus à bout de ce qui se destinait à être le championnat mondial de Super Smash Bros.
C’est de notoriété générale dans le secteur, mais Nintendo n’était pas très penché Esport jusqu’à présent… D’ailleurs ce n’est pas la seule critique que les fans de franchises Nintendo font à l’entreprise nippone. Réputés pour être " vieux jeu " lorsqu’il s’agit des droits de leurs franchises, ils n’hésitent pas à bannir des chaînes YouTube qui utilisent les musiques de leurs jeux, sans pour autant les proposer à l’écoute autrement qu’en jouant au jeu.
Si par exemple j’adore la musique de la ville de Celestia sur Pokémon et que je veux l’écouter légalement, je n’ai pas d’autre choix que d’allumer ma Nintendo DS et de m’y rendre pour que la musique se lance…
Que ce soit bien clair ils sont totalement dans leur droit, mais ils ne font pas d’efforts pour leurs fans et c’est ça qui leur est souvent reproché.
Panda Cup : le premier circuit officialisé par Nintendo !
Et pourtant l’année passée, à la surprise générale, Nintendo annonçait un partenariat avec Panda, un circuit eSport américain ainsi qu’une équipe professionnelle active depuis 2015. Sur le communiqué on pouvait lire "en 2022, Panda sera le premier circuit sous licence officielle de Smash Bros Ultimate et Smash Bros. Melee en Amérique du Nord ".
Il faut savoir que jusqu’ici, les tournois se déroulaient sans l’accord de Nintendo et s’exposaient donc à des risques d’annulations ou même de poursuites judiciaires. De manière générale Nintendo laissait faire tant que ses franchises étaient respectées et que l’argent en jeu ne dépassait pas un certain seuil.
Autre fait intéressant, pour son partenariat Nintendo a fait le choix de la Panda Cup, un circuit américain a contrario du Smash World Tour qui se voulait un circuit mondial. Par manque d’ambition, prudence ou à cause d’une logistique trop complexe à mettre en place, personne ne le sait vraiment…
L’annonce de ce partenariat a résonné comme un coup de tonnerre dans le milieu. Est-ce que Nintendo allait commencer à officialiser des tournois sur ses jeux et soutenir cet écosystème jusqu’ici autogéré et totalement détaché de l’éditeur ?
Après tout Nintendo n’a pas toujours été si intransigeant en matière de tournois. En 2018 lors de l’EVO, le plus gros tournoi au monde de jeux vidéo versus, Nintendo avait autorisé l’utilisation de ses jeux Super Smash Bros. Melee et Super Smash Bros. Wi U. La compagnie ira plus loin puisqu’une démo du prochain opus était même jouable sur place et qu’un Nintendo Direct a eu lieu juste avant les finales.
En 2021, l’EVO a été racheté par Sony Interactive Entertainment, notamment connu pour la PlayStation. Il est très peu probable (mais pas impossible) de revoir des licences Nintendo dans un tournoi désormais sous l’égide " PlayStation ".
Le truc avec Super Smash Bros. – et sa pratique compétitive – c’est qu’il y règne une camaraderie unique, introuvable sur beaucoup d’autre jeux.
Lors d’une interview chez nos collègues d’IGN, William Trinen, directeur du marketing de Nintendo America, s’est étendu sur les problèmes que Nintendo pouvait rencontrer :
" Si nous rencontrons des personnes qui utilisent la marque d’une manière non appropriée, cela peut vite être un problème pour nous. Si des personnes ne viennent pas nous voir, ou ne nous laissent pas assez de temps pour répondre à leurs questions/requêtes, cela devient également un problème."
Il terminera d’ailleurs son interview en disant que "pour Nintendo, la camaraderie est l’essence même des jeux de la compagnie. Même à l’époque de la NES ou de la N64, Nintendo rassemblait déjà devant les télévisions mêlant alors camaraderie et compétition".
Le Smash World Tour toléré sans licence ?
Le Smash World Tour (SWT) est un circuit compétitif sur Super Smash Bros. Melee et Ultimate, et qui se voulait au plus proche d’un tournoi "mondial" ! Les joueurs récoltaient des points pendant toute l’année lors de tournois partenaires, et ceux qui en accumulaient le plus étaient qualifiés pour l’étape finale prévue le 9 décembre prochain à San Antonio.
Ce circuit n’est pas soutenu par Nintendo et ne bénéficie pas de licence commerciale, toutefois l’éditeur japonais avait permis que l’édition 2021 ait lieu malgré une cagnotte de 150.000 dollars et l’épidémie de Covid-19. Et par "permis" on veut évidemment dire "n’a pas fait annuler" car il n’est pas rare de voir Nintendo faire entrer ses avocats en jeu pour interdire un tournoi mis sur pieds par la communauté.
Eux aussi rêvaient d’une officialisation de leur circuit, et discutaient avec les représentants de Nintendo en vue de l’obtention de celle-ci. Selon leur communiqué, à plusieurs reprises Nintendo leur a assuré qu’ils l’auraient à temps pour l’édition 2022 du Smash World Tour, et ce dès le mois de janvier où le SWT a introduit sa demande de licence à Nintendo.
Finalement, après des mois de discussions visiblement infructueuses et à quelques jours du début de l’événement, le Smash World Tour a publié un long communiqué sur Twitter dans lequel ils expliquent que les éditions 2022 et 2023 sont annulées car "Nintendo exige que les tournois aient une licence commerciale et qu’ils ne seraient pas en mesure d’en fournir au tournoi à venir ou à toute autre activité en 2023". Quand l’organisation du SWT a demandé s’ils pouvaient tenir leur événement comme l’année passée, sans licence, Nintendo a répondu que "ces temps étaient désormais révolus".
Nintendo a depuis répondu à ce long communiqué publié par les organisateurs du Smash World Tour, dans une interview délivrée à Kotaku.
Ils expliquent qu’en annonçant que les événements du Smash World Tour ne seraient pas sous licence, ils ont également communiqué oralement qu’ils n’avaient pas exigé l’annulation de la compétition de 2022 à cause de l’impact que cela aurait sur les joueurs.
Le SWT a réaffirmé par la suite, Nintendo les a bien défendu de tenir leurs événements : "Ils nous ont assuré que nous n’aurions pas les licences, et lorsque nous avons demandé pour organiser le tournoi sans licence, comme en 2021, ils ont répondu que cette époque était désormais révolue."
L’attitude du CEO de Panda remise en question
En parallèle Alan Bunney le CEO de Panda Global, l’organisateur de tournoi désormais officiel de Nintendo, se serait rendu coupable de comportements parfois discutables lors de négociations avec des organisateurs tiers, toujours selon le même communiqué.
D’abord laissant entendre que Nintendo finirait bien par interdire le Smash World Tour (contrairement à ce que laissait entendre Nintendo), puis essayant d’instaurer une fausse exclusivité à l’un ou l’autre circuit compétitif (à nouveau totalement à l’opposé des communications de Nintendo). Alan Bunney a depuis démissionné de sa position de CEO à Panda "pour le bien de l’organisation" et a annoncé que sa version des faits arriverait bientôt.
L’organisation a, quant à elle, annoncé mettre en place un comité intérimaire de management afin de pouvoir traiter les affaires urgentes.
Rappelons tout de même que toutes ces informations proviennent d’un seul et même communiqué, celui du Smash World Tour qui ne reflète que le point de vue des organisateurs de celui-ci. Ces révélations, en plus de l’annulation du SWT ont évidemment fait réagir la communauté Smash Bros. qui a notamment commencé à appeler au boycott des événements Panda Esport.
D’autres témoignages viendront certainement infirmer ou confirmer les affirmations du Smash World Tour dans le futur, notamment celui de l’ancien CEO de Panda.
Les réactions de la communauté
Les réactions ne sont pas faites attendre sur les réseaux sociaux, et surtout sur Twitter qu’une grande partie des joueurs utilise pour communiquer. Les appels au boycott se sont multipliés, et de nombreux joueurs sous contrat chez Panda Esport ont déjà annoncé qu’ils quittaient leur équipe à cause de "désaccords".
Comme expliqué plus haut, le CEO de Panda Alan Bunney a également démissionné de ses fonctions pour protéger l’organisation. Mais ce n’est pas tout…
Quelques jours plus tard, Nintendo a également annoncé le retour de son "Super Smash Bros. Ultimate European Online Challenge" annuel, un tournoi en ligne qui se déroule… Au même moment que le Smash World Tour récemment annulé ! Bien loin des 250.000 dollars du SWT, ici les 10 meilleurs joueurs auront la joie de remporter 2500 points or, soit 25 euros au total, à utiliser uniquement sur le Nintendo eShop.
À titre de comparaison, le jeu Super Smash Bros. Ultimate, sorti en 2018, est toujours affiché à un prix conseillé de 70 euros, auxquels il faut ajouter le prix des deux DLC pour avoir le jeu complet (dans ce cas, pour avoir tous les combattants).