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Est-il possible de vendre des armes à l'Arabie Saoudite en respectant les droits de l'homme ?

Une arme lourde de la FN Herstal.

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Depuis dix ans, un décret de la Région wallonne interdit de vendre des armes à des pays qui pourraient les utiliser pour bafouer les droits de l'homme. Pourtant, la FN, cette entreprise d'armement qui appartient à 100 % à la Région wallonne, continue de vendre des armes à l'Arabie saoudite, un pays qui n'est pas vraiment un modèle en matière de respect des droits de l'homme.

Ministre-président et commission d'avis

En Région wallonne, c'est le ministre-président qui octroie la licence d'exportation d'armes de la FN. C'est en quelque sorte son domaine réservé. Mais avant de prendre une décision, il est conseillé par une commission d'avis composée d'experts. Et à bien y regarder, cette commission d'avis s'est régulièrement opposée à l'exportation d'armes en direction de l'Arabie saoudite ces dernières années. En 2019, elle a ainsi remis un avis défavorable pour une vente de fusils d'assaut SCAR et de mitrailleuses MAG produits par la FN. C'est ce que vient de démontrer une enquête du journal d'investigation Médor. Cédric Vallet, journaliste chez Médor nous en donne quelques détails : 

Il y a eu un recadrage très fort des fonctionnaires

Cédric Vallet, journaliste chez Médor.

"Cette commission d'avis, elle, a clairement choisi en 2019 d'envoyer un message fort au ministre-président en disant : "Notre avis est défavorable, n'exportez pas vers l'Arabie saoudite. Il y a trop de risques." Et les risques, c'est que les armes soient utilisées dans le conflit au Yémen, qu'elles servent par exemple à des crimes de guerre et qu'au sein même de l'Arabie saoudite, ces armes puissent servir à des opérations de répression, par exemple."

Malgré l'avis défavorable des experts, Elio Di Rupo, le ministre-président de la Région wallonne, a bien accordé une licence d'exportation pour ces armes à l'Arabie saoudite fin 2019. Cette licence sera finalement suspendue par le Conseil d'État. Mais en 2020, le dossier revient sur la table et subitement, la commission d'experts change complètement d'avis.

Elio Di Rupo, ministre-président de la Région wallonne.
Elio Di Rupo, ministre-président de la Région wallonne. © Tous droits réservés

Cédric Vallet précise ce qu'il s'est passé : "En janvier 2020, la composition de cette commission d'avis a été en grande partie changée. Et après ce changement, la commission d'avis s'est mise à rendre des avis positifs. Et parmi ces changements, ce qu'on nous a dit, en tous cas ce que plusieurs sources qui connaissent très, très bien le dossier, nous ont dit, c'est qu'il y a eu un recadrage très fort des fonctionnaires."

L'économie et l'emploi wallons avant toute autre préoccupation

Ce revirement correspond en fait au désir du ministre-président wallon, pour qui le marché saoudien semble incontournable. C'est ce qu'il explique dans la note confidentielle ci-dessous :

Note confidentielle du ministre-président Elio Di Rupo.
Note confidentielle du ministre-président Elio Di Rupo. © RTBF

La Région wallonne vend en effet des armes à la Garde nationale saoudienne depuis de nombreuses années, en assurant qu'elles ne servent en aucun cas à commettre des violations des droits de l'homme. Une promesse à laquelle Amnesty International a bien du mal à croire. François Graas est coordinateur de Campagnes chez Amnesty International Belgique. Il nous explique pourquoi :

François Graas, coordinateur de Campagnes et Plaidoyer chez Amnesty International Belgique.

"Le roi d'Arabie saoudite dès 2015, appelle la garde nationale à aller combattre au Yémen. C'est un premier fait qui est assez indéniable et par ailleurs, et des images ensuite qui ont été prises sur place, où on voit les véhicules, on voit les uniformes de la Garde nationale avec des armes wallonnes. Donc c'est indéniable que les armes wallonnes sont arrivées au Yémen, là où des crimes de guerre ont été commis par toutes les parties, y compris par l'Arabie Saoudite."

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Sur ces images ci-dessus, on peut même voir des rebelles yéménites brandir des armes de la FN saisies à l'armée saoudienne lors d'une bataille. Preuve supplémentaire que les armes de la FN sont bel et bien utilisées dans la guerre au Yémen. Nous avons évidemment sollicité Elio Di Rupo pour qu'il puisse s'exprimer à ce sujet, mais il n'a pas souhaité répondre à nos questions.

En conclusion, on retiendra, à tout le moins, qu'entre vendre des armes et respecter les droits de l'homme, il faut souvent choisir...

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