Les prix de l’énergie s’envolent depuis plus d’un an. Face à cette situation, les différents acteurs ont cherché à trouver des solutions afin d’atténuer les effets sur la facture du citoyen. La création de communautés d'énergie pourrait devenir l’une des solutions d’avenir prometteuses. Focus sur une pratique révolutionnaire dans la distribution d’énergie.
Le projet de création de communautés d'énergie n’est pourtant pas tout neuf mais force est de constater que ce n’est pas encore une pratique courante. Pourtant, ces types de partage d’énergie pourraient bien révolutionner le mode de distribution actuel.
Le projet pilote de communauté d’énergie renouvelable lancé dans la cité Hennen à Stembert, en est un bel exemple. Le média de proximité Védia nous apprenait début 2022, qu’une cinquantaine de panneaux photovoltaïques -financés par ORES- ont été installés sur le toit des logements sociaux Logivesdre. 18 ménages jouissent aujourd’hui de ce partage d’énergie, un avantage économique et social non négligeable suite à la flambée des prix ces derniers temps : "On constate que des prix de marché sont de 8, 9, 10 fois plus importants que le prix de revient auquel nous allons fournir les kWh ici. C’est quand même une fameuse économie.", confie Fernand Grifnée, administrateur délégué d’ORES.
Quelque 200 projets pilotes, ont commencé à fleurir en Wallonie et à Bruxelles. La possibilité de création de ces communautés énergétiques, portée sous l’impulsion de directives européennes, ambitionne "d’accélérer la transition énergétique en plaçant le consommateur et la décentralisation de la production d’électricité au cœur de la stratégie énergétique européenne", rappelle le SPW Énergie.
Le projet pilote dans la cité Hennen à Stembert
Une communauté d’énergie ?
Une communauté énergétique représente donc la possibilité pour un ou plusieurs ménages (ou encore une école, une bibliothèque, l’autorité communale ou une PME…) possédant une installation de production d’énergie -panneaux photovoltaïques ou autres- de revendre le surplus à ses "voisins" le tout à un tarif fixé d’un commun accord. Il est à souligner que les producteurs et consommateurs d’énergie ont l'obligation de se regrouper sous forme de personnalité morale afin de créer ce genre de partage d'énergie.
Sur base de différents critères de comparaison, plusieurs types de communautés énergétiques se dégagent. Leur différence se fondant notamment sur le type d’énergie qu’elles partagent, la méthode de production, la localisation de l’unité de production et de consommation… Elles peuvent également exercer différents types d’activités : la production d’électricité, stocker le surplus de production, mettre en place des services de recharge pour véhicules électriques via des bornes et d’autres.
Il est important de souligner qu’il ne s’agit pas là de ce que l’on appelle "les achats groupés d’énergie" puisque les communautés énergétiques concernent la production d’énergie (en provenance d'une unité de production indépendante).
Notons également que, si le partage d’énergie est envisageable pour l’électricité et l’énergie thermique, la création de communautés d’énergie s’articule actuellement majoritairement autour du partage d’électricité.
L’exemple bruxellois
Début mars, une ordonnance du Parlement bruxellois introduisait les clients actifs et les communautés d’énergie comme nouveaux acteurs sur le marché de l’électricité. Elle pose la base légale des principes et conditions de fonctionnement de ces partages d’énergie. Par exemple, celle-ci expose la différence entre les Clients actifs et les communautés énergétiques. Le partage d'énergie se faisant au sein d'un même bâtiment pour les premiers et entre différents bâtiments pour les derniers.
L'un des premiers projets pilotes bruxellois de communauté d'énergie est l'exemple de l'asbl "Nos Bambins", lancé à Ganshoren. Initialement, "Nos Bambins" est une école communale possédant une installation de 50 panneaux photovoltaïques. Face à la surproduction d’électricité à laquelle ils ont fait face, ils ont décidé de se lancer dans la création d’une communauté énergétique avec une quinzaine de voisins du quartier. "Une situation très intéressante" confie Pierre Andrianne, membre de l’ASBL" Nos Bambins", au micro de notre collègue de la RTBF : "Au départ c’était une économie de près de 50€/an pour un consommateur moyen, et maintenant, on peut facilement tabler sur 200-250€/an".
La situation en Wallonie
En mars 2023, la Wallonie a adopté l’arrêté d’exécution précisant les modalités pratiques de l'existence de ces communautés. Celui-ci n'est pas encore d'application car il doit encore être traduit en allemand et publié au Moniteur belge. Cependant, cela permet aux porteurs de projets de préparer leurs dossiers et d'en connaitre son contenu. Le gouvernement wallon prévoit d'ailleurs de lancer un appel à projet dans les prochains mois.
Cela n’a toutefois pas freiné les premiers projets pilotes de communautés d’énergie à voir le jour. En avril 2021, nos confrères de Notélé nous annoncent qu’Hospigreen est créé à Tournai. Il s’agit alors de "la première communauté énergétique de consommateurs publics d’électricité verte", née de la collaboration entre CPAS de Tounai, le CHwapi, et le CRP des Marronniers. Une partie de la production d’électricité provient d’une éolienne du parc de la zone industrielle de Marquain et de panneaux photovoltaïques du centre sportif Negundo d’IDeTA (Intercommunale de Développement économique du Tournaisis).
Hospigreen à Tournai
L’exemple d’Hispogreen n’est pas le seul en Wallonie. La même année, comme relayé par nos confrères de RTC-Liège, les autorités communales de Crisnée lancent le projet Free Power For You. La ville souhaite créer une Communauté d’Energie Renouvelable, qu’ils financeront totalement. Elle investira alors dans la pose de panneaux photovoltaïques, destinés à être sur une partie du toit d’un hangar de la protection civile. À l’époque, l’objectif du député et bourgmestre Phillipe Goffin est " d’offrir l’énergie aux habitants de Crisnée à prix coûtant".
Free Power For You à Crisnée
Bénéfices et avantages du partage d’énergie et des communautés énergétiques
Comme illustré -en partie- par ces projets pilotes, ces nouveaux types de partage d’énergie sont plus que susceptibles de générer des avantages économiques au consommateur. En effet, ils permettraient de bousculer le marché de l’énergie et de fonder un nouveau système économique centré sur l’intérêt de ce dernier. La conséquence directe de ce chamboulement, amènerait donc à la démocratisation du marché de l’énergie (via la décentralisation et diversification des acteurs locaux). Les communautés s’auto-organisent et développent de manière autonome leur propre système de partage d’énergie sur des principes conclus d’un commun accord.
Mais aussi, des avantages sociaux. Les communautés d’énergie permettraient de lutter contre la précarité énergétique, de créer du lien social au niveau local et un système plus spécifique à chacun. La sensibilisation, via ces liens sociaux, à la transition énergétique à l'échelle locale étant également un plus.
Et, in fine, des avantages environnementaux. Ces communautés invitent à accélérer le rythme d’équipement des installations renouvelables ; d’encourager la flexibilité, l’efficacité et la sobriété énergétique. Ce processus est notamment rendu possible grâce au partage des Communautés d’Energie Renouvelables, celles-ci étant propriétaires d’installations dans lesquelles tout le monde n’a pas les moyens d’investir.
Le document "Partage et communautés d’énergie" de Bruxelles environnement est un document intéressant à consulter afin de comprendre ces divers potentiels avantages.
Une solution d’avenir ?
Bien qu’il semble que l’avancement du cadre légal en droit régional belge n’en soit pas au même stade en Région wallonne qu’en Région de Bruxelles-Capitale, force est de constater qu’un pas vers la création de ces nouveaux types de partage d’énergie est en marche.
Serait-ce une possible réponse aux challenges énergétiques actuels ? Seul l’avenir pourra démontrer de l’efficacité ou non de cette proposition de décentralisation et de diversification d’acteurs au niveau local. Néanmoins, les objectifs et avantages avancés pour la mise en place de tels partages d’énergie semblent déjà prometteurs et convaincants, tant sur le plan économique, environnemental que social.
Si vous souhaitez créer une communauté d’énergie, vous pouvez faire appel à ce que l’on nomme un "facilitateur". Une demande d’accompagnement est possible via ce questionnaire en ligne pour la Région de Bruxelles-Capitale. Le facilitateur évaluera la faisabilité, le degré de maturité du projet et entamera ensuite un accompagnement étape par étape. En Région Wallonne le contact se fait également via un questionnaire à remplir en ligne. Bien que le facilitateur reprend contact avec le porteur de projet, il n’y a aucune information sur la suite du suivi.
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