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Et si notre recherche de plaisir nuisait à notre recherche de bonheur ?

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Par RTBF La Première/Matthieu Peltier

Quelle différence y a-t-il entre le bonheur et le plaisir, au niveau de notre cerveau ? Le plaisir nous rend-il heureux ? Que nous dit la philosophie ?

Pour répondre à ces questions, le philosophe Matthieu Peltier se réfère au livre étonnant de l’endocrinologue américain Robert Lustig, The Hacking of the American Mind, titre que l’on peut traduire par 'le piratage du cerveau américain'. Le livre s’intéresse à la différence entre le plaisir et le bonheur, au niveau du cerveau. Avec cette question centrale :

Et si notre recherche de plaisir nuisait à notre recherche de bonheur ?

Aux Etats-Unis, les dépressions ne cessent d’augmenter. Le médecin américain se demande si nous ne vivons pas dans un monde qui, en surstimulant les circuits de la récompense, c’est-à-dire ceux du plaisir, nous rendrait de plus en plus inapte au bonheur.
 

Deux choses complètement différentes…

Le plaisir, c’est le sucre, l’alcool, le shopping, le jeu, l’excitation de recevoir un nouvel objet, les drogues en général, qu’elles soient légales ou non. Le bonheur, c’est le sentiment de ne faire qu’un avec le monde.

Le plaisir est souvent de courte durée, souvent pas plus d’une heure, comme un bon repas. C’est quelque chose qu’on expérimente puis qu’on oublie. Alors que le contentement, que l’on ressent quand on est heureux, peut durer très longtemps. C’est la sensation qu’on éprouve, par exemple, à l’occasion d’un aboutissement, comme la réussite dans les études.

Le plaisir provoque une excitation, alors que le contentement est associé souvent à un sentiment de plénitude, de calme.

Le plaisir peut être obtenu par des substances, héroïne, nicotine, caféine, sucre, alcool… Le contentement ne s’obtient pas par des substances, mais par des actions que l’on pose.

Le plaisir est souvent individuel, tandis que le contentement est bien souvent partagé.

Mais surtout, le plaisir est amené par la dopamine, alors que le contentement l’est par la sérotonine. Ce sont deux neurotransmetteurs, des substances chimiques fabriquées dans notre cerveau. Mais les deux sont très différents, ce n’est pas la même chimie, ce n’est pas le même circuit, ce n’est pas le même processus de régulation, explique Matthieu Peltier.
 

… mais deux choses que l’on confond souvent

Pourtant, la plupart du temps, on confond le plaisir et le bonheur, et particulièrement aujourd’hui. Les Grecs anciens distinguaient assez facilement les deux notions, notamment à travers les différences entre l’hédonisme, que l’on peut traduire par la recherche du plaisir, et l’eudémonisme, que l’on peut traduire par la recherche de la félicité.

Mais dans nos sociétés de consommation, on nous a convaincus que le bonheur se trouvait dans la recherche effrénée du plaisir et la stimulation à base de dopamine.

La dopamine est bien sûr essentielle parce qu’elle est à la base de notre motivation, de notre envie de faire des choses. Le souci, c’est qu’à trop fortes doses, la dopamine endommage nos neurones. Pour se protéger, le cerveau va inhiber nos récepteurs. C’est pour cela que bien souvent, il nous faut augmenter la dose de plaisir pour obtenir la même sensation. C’est le mécanisme à la base de l’addiction : plus on consomme, plus le cerveau inhibe les récepteurs, plus on a besoin d’une dose importante.

Malheureusement, plus le niveau de dopamine est élevé, plus le niveau de sérotonine risque de baisser. Plus vous recherchez du plaisir, et moins vous êtes heureux.

Les conclusions neurologiques du docteur Robert Lustig rejoignent ce que beaucoup de sagesses antiques disaient déjà, à savoir que finalement, la recherche du plaisir et la recherche du bonheur ne font pas forcément bon ménage !
 

Réécoutez ici La philo selon Matthieu

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