Belgique

Etat des prisons en Belgique : les observations inquiétantes du Conseil central de surveillance pénitentiaire

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Par Patrick Michalle

Dans son dernier rapport annuel, le Conseil central de surveillance pénitentiaire, un organe officiel, livre des observations inquiétantes sur l’état des infrastructures de détention en Belgique. S’appuyant sur les 33 comités de surveillance répartis dans les prisons belges, il souligne une série d’exemples qui démontre l’état déplorable de certains établissements pénitentiaires.

Les espaces sanitaires : douche, toilette

Si à Marche-en-Famenne, établissement récent, le rapport indique que chaque cellule dispose d’une douche, d’un lavabo et d’une toilette, la vétusté de tout ou partie des installations sanitaires est pointée par plusieurs commissions de surveillance : douches détériorées (Forest, Malines, Nivelles), calcification des tuyaux et de taches de rouille (Ittre), installations vétustes des chaudières (Jamioulx) alimentation électrique défaillante (Nivelles).

Dans certaines prisons, plusieurs commissions pointent le manque global d’hygiène des installations sanitaires (par exemple à Huy, Audenarde, Saint-Hubert).

D’autres décrivent des plaintes plus spécifiques concernant les nuisances olfactives (par exemple Anvers, Forest, Huy), les moisissures (par exemple à Dinant, Gand, Ypres, Malines) et la présence de nuisibles (par exemple à Anvers).

Dans ses recommandations adressées à l’administration pénitentiaire, au ministre de la Justice et à la Régie des bâtiments, il est question du respect de l’arrêté royal du 3 février 2019 qui prévoit en matière d’hygiène et de santé pour chaque prison, un plan d’entretien.

Visiblement, les pouvoirs publics semblent avoir des problèmes avec les normes qu’ils ont édictées. Un mauvais signal adressé à des détenus invités désormais à respecter la loi.

Des cellules trop petites

L’exiguïté des cellules est très souvent mise en avant par les commissions de surveillance (Arlon, Dinant, Huy-Marneffe, Ypres, Jamioulx, Louvain secondaire, Malines, Audenarde, Tongres et Wortel-Hoogstraten).

D’après ces dernières, les cellules sont trop étroites, ne respectant pas toujours les normes minimales prévues dans la réglementation. Il faut que la surface au sol de l’espace de séjour soit de 10 m² pour une personne détenue, sa hauteur de 2m50 partout et sa largeur de 2m minimum.

Tout cela étant prévu pour une cellule occupée par un seul détenu. Or on sait qu’en Belgique, la surpopulation carcérale est un mal récurrent, sur base des derniers chiffres communiqués, la moyenne en 2021 était de plus de 11.000 détenus pour 9600 places.

Surpopulation combinée au manque de personnel

Sur le plan structurel, l’explication tient en partie dans la vétusté des bâtiments mais ce n’est pas le seul élément, on doit y ajouter la surpopulation carcérale, un mal chronique belge et le manque de personnel.

Pour Marc Nève, qui préside le CCSP, la combinaison de ces éléments mène à la situation actuelle : "Et l’un dans l’autre, on arrive à des situations qui deviennent de plus en plus difficiles dans bon nombre de prisons. Il y a quelques jours, j’étais à la prison de Tournai et j’ai pu constater que les détenus n’ont pas eu droit à une promenade extérieure faute de personnel et cela arrive tout à fait régulièrement. A Lantin, il y a eu un début de manifestation des détenus parce qu’ils avaient des revendications portant notamment sur la dératisation et d’autres problèmes matériels, ils ont été sanctionnés ! C’est difficile à comprendre".

Bon dialogue avec la Régie des bâtiments

"Nous avons avec la Régie des bâtiments un bon dialogue" observe Marc Nève lorsqu’on soulève la question des points positifs et de l’accueil des recommandations du CCSP qu’il préside.

De manière régulière, indique Marc Nève, les points posant problème sur le terrain sont adressés à la Régie pour faire le point : "eux-mêmes nous l’ont souligné, ils ont aussi un état des lieux qui est fait pas l’administration pénitentiaire mais qui est basé sur d’autres normes que les nôtres et je crois que c’est important que la Régie des bâtiments s’en rende compte". 

Réaction du côté de la Justice

Du coté du ministre de la Justice, le constat semble très largement partagé : "je ne peux que louer les énormes efforts consentis par vos commissions pour dresser un état des lieux complet tant des cellules de punition et de sécurité que de l’infrastructure pénitentiaire en général" et d’ajouter qu’il reconnaît les carences sur le plan des infrastructures et "les investissements qui sont nécessaires pour permettre une détention et un encadrement de la détention qui soit digne. Ce qui, dans de nombreux établissements, n’est malheureusement pas encore le cas".

Quant à rectifier le tir, le ministre Vincent Van Quickenborne considère qu’il ne pourra pas y parvenir dans un délai rapide : "ce travail titanesque ne peut se réaliser aussi rapidement que nous le souhaiterions".

Et de conclure par une flèche décochée à l’égard du rapport qu’il juge déséquilibré car ne mettant pas assez en lumière "les efforts de ce gouvernement", notamment pour mettre en place des lieux de détention à petite échelle…

Sur le même sujet (11/07/2022) :

Dossier de la rédaction sur les prisons belges

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