Etats-Unis : l’arrivée de Kamala Harris va-t-elle booster une campagne présidentielle jusqu'ici tout sauf trépidante ?

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Au lendemain de la présentation par Joe Biden de sa colistière Kamala Harris, il reste exactement 81 jours avant l’élection présidentielle américaine qui doit se tenir le 3 novembre prochain. Après des débuts particulièrement peu mouvementés, en grande partie à cause de la crise du coronavirus, la campagne va-t-elle s’accélérer dans les prochains jours ?

C’est une campagne électorale particulièrement calme que vivent actuellement les États-Unis. Meetings annulés en raison de la crise sanitaire, Joe Biden confiné et réduit à quelques interventions en vidéoconférence depuis chez lui, âge avancé du candidat démocrate… les raisons du calme apparent de cette campagne sont multiples.

Mais l’arrivée de Kamala Harris, la députée noire représentante de la Californie au Congrès, et les trois débats entre candidats qui débuteront fin septembre pourraient permettre à cette morne campagne de prendre une autre tournure.

 

L’investiture démocrate, témoin des temps

Après sa victoire à l’investiture démocrate en 2008, Barack Obama avait célébré, ému, le début d’une aventure "historique" devant des milliers de personnes survoltées. Huit ans plus tard, sous un tonnerre d’applaudissements, Hillary Clinton avait salué un "tournant" qui la voyait devenir la première femme candidate pour un grand parti américain.

Joe Biden, lui, a marqué sa victoire dans les primaires démocrates par un communiqué et quelques remarques retransmises en ligne depuis le sous-sol de sa maison, où il était confiné à cause du coronavirus. Tout un symbole, même si les circonstances des investitures des trois candidats démocrates à la présidentielle étaient  bien différentes.

Dans le cas d’Obama et de Clinton, leurs nominations ont mis beaucoup plus de temps à se dessiner avec des duels en interne plus serrés et qui ont donc généré plus d’attention. Leurs profils respectifs avec des "premières" en tant que "noir" ou "femme" ont aussi contribué à insuffler une certaine dynamique dans les campagnes qui ont suivi. Pour Biden, rapidement annoncé gagnant, l’engouement a été plus contenu.

Trump et Biden, des tempéraments opposés

Si l’on peut toujours compter sur Donald Trump pour animer les débats avec des prises positions souvent très marquées et des critiques acerbes envers ses contradicteurs, Joe Biden, 77 ans, prône de son côté l’authenticité, l’honnêteté, la compassion ou l’empathie.

A 74 ans, Donald Trump va continuer à miser sur la recette qui a fait son succès il y a quatre ans pour tenter de se faire réélire. Le milliardaire, franc-tireur et parfois outrancier, aime occuper l’espace médiatique. Avec ses tweets enflammés et son tempérament tempétueux, le milliardaire est le casting idéal pour une campagne explosive. Ce n’est pas Hillary Clinton, qui a mis plusieurs mois à se remettre de sa défaite face à l’ancien présentateur d’une émission de télé réalité américaine qui devrait affirmer le contraire.

Joe Biden semble l’avoir bien compris et préfère jouer la carte de la modération, quitte à sembler parfois absent. La stratégie du froid contre le chaud plutôt qu’un feu d’artifice incontrôlable dans lequel il n’aurait pas l’avantage.

Une approche qui semble payer d’après les derniers sondages. Mais, on le sait, la dernière ligne droite sera déterminante. Une évolution positive de la situation sanitaire et un rebond, même léger et inespéré de l’économie américaine, pourraient changer la donne et inverser la tendance.

Une stratégie en ligne à leur image

Largement en retrait sur la toile par rapport à son rival républicain, Biden a finalement décidé de passer à la vitesse supérieure en mai dernier. Il a investi les différentes plateformes en ligne et renforcé son équipe en charge de sa stratégie de communication digitale.

En 2020, et surtout en temps de coronavirus où les meetings des candidats ont été limités ou annulés, c’est sur la toile que la campagne peut aussi se jouer. L’importante présence en ligne de Barack Obama tout comme celle de l’actuel président n’est pas totalement étrangère à leurs victoires respectives.

Mais si leurs caractères, antagonistes sous plusieurs aspects, auraient pu créer des étincelles, Joe Biden a donc choisi de ne pas rentrer dans une dynamique d’invectives via messages condensés à l’égard de l’homme actuellement en charge à la Maison Blanche.

Et même s’il ne ménage pas son rival et critique ouvertement certaines décisions de Trump, la sobriété des Tweets de l’ex sénateur du Delaware illustre la volonté de son équipe de campagne de ne pas se risquer à une surenchère sanglante avec un adversaire qui maîtrise bien mieux ce terrain que lui.

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Et ce n’est pas, non plus, le sobriquet inventé par Trump pour qualifier son rival, "Joe l’endormi" qui dynamise la campagne en ligne. Même si le surnom provocateur trouvé par le candidat des républicains avait certainement pour but de titiller un Joe Biden qui a parfois du mal à se faire entendre.

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L’arrivée de Kamala Harris peut-elle changer la donne ?

Dans ce contexte, l'annonce de l'arrivée de Kamala Harris sur le ticket démocrate est-elle de nature à stimuler cette campagne inédite en raison du contexte sanitaire ? Probablement oui.

Si le choix d’une femme de couleur comme colistière dans la course à la présidence des Etats-Unis permet au candidat démocrate de donner des gages à la base électorale du parti, il permet aussi d'apporter une nouvelle dynamique. La sénatrice n'a pas sa langue dans sa poche et à des convictions fortes qu'elle ne se prive pas de partager.

Alors qu'elle était encore en course à l'investiture démocrate, elle n'avait pas hésité à se heurter à plusieurs reprises à Joe Biden. Elle avait notamment critiqué l'ancien vice-président pour les relations de travail "civiles" qu’il entretenait avec d’anciens sénateurs favorables à la ségrégation raciale lors d'un débat en juin 2019. Certainement l'un des moments les plus marquants des débats entre démocrates. Un échange qui indique que la sénatrice sait se montrer incisive. 

Après l'avoir attaqué avec virulence, elle lui avait néanmoins apporté son soutien suite à son retrait de la course en mars 2020

Des convictions affirmées

Sur le plan de ces convictions, le choix de Kamala Harris s’inscrit dans une dynamique où les questions autour du racisme et du sexisme ont occupé largement la scène ces derniers mois aux USA.

Partisane de la lutte pour une justice plus égalitaire, la "jeune" Kamala Harris pourrait se faire la porte-voix des manifestants afro-américains mobilisés suite au décès de George Floyd à travers le mouvement "Black Lives Matter". Elle jouit aussi du statut de pionnière, en tant que première femme à diriger les services judiciaires de l’Etat de Californie mais aussi en tant que seconde sénatrice noire dans l’histoire américaine et première femme originaire d’Asie du Sud à rentrer au Congrès.

Et puis, même si elle tient des positions plutôt "modérées", notamment au regard des propositions d’autres candidats à l’investiture démocrate comme Bernie Sander ou Warren Buffet, l’équipe de campagne de Trump n’a néanmoins pas hésité à accuser la candidate à la vice-présidence d’appartenir à la gauche radicale. De quoi peut-être attiser quelques braises.

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Pas de meetings ou presque cette année

Pourtant, il n'y aura pas de "grandes messes" des candidats cette année. Les meetings de campagne des candidats ont dû être quasi tous annulés.

Ces allocutions en public, moments importants et fédérateurs pour les candidats en campagne dans les différents états pour tenter de convaincre leurs électeurs permettent d'occuper l'espace médiatique. Dans des stades remplis par des milliers de partisans, démocrates et républicains prennent la scène pour présenter leurs programmes, commenter l'actualité ou décocher quelques banderilles à leurs adversaires. Le tout est habituellement relayé dans l'ensemble des médias états-uniens. 


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Si Donald Trump a tenu quelques meetings, avec des succès limités et même un échec retentissant, Joe Biden a de son côté annoncé en juin qu'il n'organiserait aucun meeting avant l'élection en raison des mesures sanitaires. La politique américaine a ainsi été amputée de l'une de ses chambres d'échos les plus importantes. Le démocrate avait même indiqué lors de l'annonce : "Il s’agit de la campagne la plus étrange de l’histoire moderne, me semble-t-il".

Si les prises de parole et les conférences de presse sont régulières, pour le magnat de l'immobilier qui utilise habilement l'espace audiovisuel réservé au président pour faire passer ces messages, le pouvoir d'attraction d'une foule en liesse venue assister en nombre au discours de son candidat n'a certainement pas le même poids qu'une conférence de presse tenue face à des journalistes pour évoquer crise sanitaire ou crise économique.

Des débats entre candidats attendus

Dès lors, les regards se tournent vers l'autre enjeu en termes de communication politique : les débats présidentiels.

Les trois débats prévus entre les candidats approchent. Prévus les 29 septembre, puis le 15 et le 22 octobre, ce sont des moments clés en vue d'accéder à la "fonction suprême". Ces moments importants de la campagne présidentielle américaine sont toujours très attendus et sont parfois riches en enseignement.

Donald Trump a déjà donné le ton en indiquant que son adversaire était inapte mentalement pour occuper le bureau ovale. "Joe Biden dort. A 77 ans, il se présente pour la troisième fois aux élections présidentielles. Joe Biden n'a pas la force, l'endurance et la force mentale nécessaires pour diriger ce pays", indique une publicité de campagne de l'actuel président.

Comme l'indique CNN, "le message est implacable et clair : le candidat démocrate présumé n'est pas mentalement apte à être président. Il n'est pas à la hauteur du poste qu'il brigue". Ces trois débats seront donc déterminants et vont faire monter la pression alors que la date du vote approchera à pas de géants.

Un duel Pence-Harris également programmé

Et puis, il y aura aussi un débat organisé entre les deux candidats à la vice-présidence des Etats-Unis. Le 7 octobre, Mike Pence et Kamal Harris se retrouveront à Salt Lake City dans l’Utah. Si traditionnellement ce débat n’a pas une influence majeure dans le choix des électeurs, il pourrait mettre en évidence les forces et les faiblesses de chaque ticket quelques semaines avant l’élection de novembre.

Dans ce duel Pence-Harris, c’est le républicain de nature plutôt discrète qui pourrait avoir fort à faire face à une candidate plus expansive.

Une potentielle inversion des rôles qui pourrait booster cette campagne électorale pas comme les autres, au moment d’arriver dans la dernière ligne droite.

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