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États-Unis : le plafond de la dette en six questions

États-Unis : le plafond de la dette en six questions. Photo d’illustration.

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Par Daphné Van Ossel

Le président Joe Biden et le dirigeant républicain Kevin McCarthy sont parvenus ce week-end à un accord de principe sur le relèvement du plafond de la dette américaine, dans le but d’éviter un défaut de paiement à partir du 5 juin. L’accord doit encore être avalisé par le Congrès, divisé sur la question.

La semaine s’annonce animée à Washington : la Chambre des représentants votera mercredi, et ce sera ensuite au tour du Sénat, vendredi et samedi, avant-veille de la date butoir d’un défaut de paiement.

1. C’est quoi le plafond de la dette ?

Le plafond de la dette, c’est la limite que le gouvernement américain ne peut pas dépasser en termes d’endettement. Actuellement, ce montant est fixé à 31.400 milliards de dollars. C’est le Congrès américain qui le détermine, qui peut le relever lorsque celui-ci est dépassé.

"C’est un contrôle parlementaire sur la dette publique, ce que nous ne connaissons pas en Belgique, ni dans la plupart des autres pays, explique Etienne de Callataÿ, chef économiste d’Orcadia Asset Management. C’est une spécificité américaine. En Belgique, quand il y a eu la pandémie, par exemple, on a beaucoup emprunté, or le Parlement n’a pas dû donner son autorisation. Il peut y avoir une autorisation budgétaire, sur le budget, mais pas spécifiquement sur la dette."

Depuis 1960, ce plafond a été revu à 78 reprises.

2. Quel est le problème actuel ?

Le plafond a été atteint le 19 janvier dernier. Pour le relever, il faut l’accord du Congrès, or il est divisé.

Le vote pour relever le plafond de la dette a longtemps été une procédure législative de routine, mais les républicains en ont fait un instrument de pression politique. Ils exigent des contreparties, une réduction des dépenses fédérales.

Le président Biden a longtemps refusé de se mettre à la table des négociations, accusant l’opposition de prendre l’économie américaine en "otage", mais s’y est finalement résolu. Et il est donc arrivé à un accord avec le chef républicain au Congrès Kevin McCarthy.

En attendant, la secrétaire d’État au Trésor, Janet Yellen, gère comme elle peut. Son département paie les factures du pays (Sécurité sociale, salaires des militaires, intérêts sur la dette nationale, etc.). Depuis le mois de janvier, elle multiplie les mesures (dites “mesures extraordinaires”) pour tenter de conserver des liquidités. La date limite au-delà de laquelle ces mesures ne permettront plus aux Etats-Unis de tenir est difficile à déterminer précisément. La secrétaire d’Etat a évoqué le début du mois de juin.

Les votes prévus cette semaine ne font pas l’objet d’une certitude. A la Chambre des représentants, les républicains disposent d’une fragile majorité de 222 contre 213. Le Sénat est lui contrôlé de peu par les démocrates (51-49).

3. Quels sont les termes de l’accord actuel ?

Le texte de l’accord a été publié dimanche soir. Dans ses grandes lignes, il relève pendant deux ans, donc jusqu’après l’élection présidentielle de 2024, le plafond d’endettement public des États-Unis. Celui-ci est actuellement fixé à 31.400 milliards de dollars.

Les dépenses non liées à la défense resteront inchangées l’année prochaine et n’augmenteront que nominalement en 2025.

Il prévoit par ailleurs une baisse de 10 milliards de dollars des fonds alloués aux services fiscaux pour se moderniser et renforcer les contrôles, ainsi que le recouvrement de fonds alloués à la lutte contre le Covid-19 et n’ayant pas encore été dépensés.

Le compromis inclut aussi de nouvelles conditions imposées pour bénéficier de certaines aides sociales dont les coupons alimentaires.

"Globalement, l’accord représente plutôt une victoire pour Biden et les démocrates car il contient des coupes budgétaires relativement limitées et évite un autre bras de fer pour le président durant le restant de son mandat", assure le politologue Nicholas Creel à l’AFP, en prédisant "in fine" son adoption au Congrès.

Reste qu’une alliance de circonstance entre élus progressistes et conservateurs pourrait tout faire dérailler.

4. Quelles seraient les conséquences d’un dépassement du plafond ?

"L’accord permet d’éviter la pire crise possible : un défaut de paiement pour la première fois dans l’histoire de notre pays, une récession économique, des comptes épargne retraite dévastés, des millions d’emplois perdus", a déclaré le président des Etats-Unis. L’accord, s’il est voté, serait-on tenté de préciser.

Ce serait en effet une première. Que se passerait-il ? "C’est ce qu’on appelle la cessation de paiement, répond Etienne de Callataÿ, on ne rembourse pas les dettes qui sont arrivées à échéance. Les Etats-Unis ne paieraient pas ce qu’ils se sont engagés à payer. Et par ailleurs, l’activité du secteur public s’arrêterait, les fonctionnaires ne seraient plus payés". Il y aurait des effets en cascade, difficiles à prédire exactement, puisque ce serait une première.

"Le non-respect des obligations du gouvernement causerait des dommages irréparables à l’économie américaine, aux moyens de subsistance de tous les Américains et à la stabilité financière mondiale.", écrivait pour sa part Janet Yellen, la secrétaire au Trésor, dans une lettre adressée au Congrès en janvier.

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5. Si l’accord ne passe pas, y a-t-il d’autres solutions ?

"Oui, il y a des solutions alternatives, note Etienne de Callataÿ. D’une part, il y a des solutions au niveau politique. Joe Biden pourrait notamment invoquer le 14ᵉ amendement de la Constitution.” Ce dernier stipule que "la validité de la dette publique des États-Unis, autorisée par la loi, ne doit pas être remise en question". Pour faire simple, cela permettrait au président Biden de passer en force. La Maison Blanche a toutefois assuré qu’elle n’utiliserait pas cette option.

"Il y aurait également des stratégies alternatives pour faire financer la dette directement par la Banque centrale américaine (la FED). Mais ce n’est pas idéal non plus parce que ça fait apparaître la banque centrale comme un instrument de l’administration Biden."

Les États-Unis peuvent-ils indéfiniment relever ce plafond ?

"Théoriquement, oui. La vraie question, en matière de finances publiques, est celle du taux d’intérêt. Vous comme moi, nous pourrions avoir une énorme dette sur le dos. Il y a quelques années, quand le taux d’intérêt était très très bas, voire négatif, on aurait pu penser ‘Sky is the limit’. Aujourd’hui, le contexte est différent. Aujourd’hui, on est déjà à 4% aux États-Unis, donc l’idée d’une dette indolore ne tient plus."

Sur la même thématique : extrait du JP du 23/05/2023

Etats-Unis : négociations sur la dette (par S. Dridi le 23/05/2023)

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