Visionner des dizaines d’épisodes de séries sans s’arrêter sur votre plateforme de streaming préférée peut-il être considéré comme une addiction au même titre que la consommation d’alcool ou de drogue ? L’étude de ce professeur en addictions comportementales établit les critères à prendre en compte pour déterminer dans quelle mesure la situation peut s’avérer problématique.
Mark Griffiths est professeur en addictions comportementales à l’université de Nottingham Trent. Dans son étude publiée en décembre dernier dans le média universitaire The Conversation, il s’intéresse à la question du binge-watching (pratique qui consiste à visionner des épisodes de séries sur une longue durée sans s’arrêter) comme addiction à part entière.
Les six critères de l’addiction
Les propos du scientifique se veulent d’abord rassurants : non, passer des heures devant les épisodes d’une série complète n’a rien de grave en tant que tel. Mais Mark Griffiths rappelle tout de même que plusieurs comportements sont considérés comme des addictions sans pour autant nécessiter l’ingestion de la moindre drogue. C’est notamment le cas des jeux de hasard, du sexe, du sport, des jeux vidéo, ou même de l’utilisation d’internet. Ce qui fait la différence, c’est le contexte et la fréquence à laquelle ces activités sont pratiquées.
"Le binge-watching problématique n’est pas défini par le nombre d’épisodes regardés, ni par un nombre spécifique d’heures passées devant la télévision ou l’écran d’ordinateur, explique-t-il. Comme pour d’autres comportements addictifs, il est plus important de connaître l’impact négatif sur d’autres aspects de la vie de la personne concernée." Concrètement, Mark Griffiths établit six critères à surveiller :
- La saillance : le binge-watching est la chose la plus importante dans la vie de la personne, et cela se voit.
La régulation de l’humeur : la personne se sert du binge-watching comme moyen de changer son humeur, pour se sentir mieux à court terme ou pour échapper temporairement à quelque chose de négatif dans sa vie.
Une situation conflictuelle : le binge-watching compromet des aspects clés de la vie de la personne comme les relations, l’éducation ou sa vie professionnelle.
Le seuil de tolérance : le nombre d’heures que la personne passe chaque jour devant des séries augmente de manière significative au fil du temps.
La nécessité d’un sevrage : la personne éprouve des symptômes de sevrage psychologique ou physiologique si elle ne peut pas regarder des séries.
Le risque de rechute : si la personne parvient à arrêter temporairement, elle retombe directement dans le cycle dans lequel elle se trouvait auparavant lorsqu’elle recommence.
"Toute personne qui remplit ces six conditions est véritablement dépendante du binge-watching", conclut Mark Griffiths, précisant qu’une personne qui ne répondrait qu’à certains de ces critères aurait un comportement que l’on pourrait qualifier de problématique, sans forcément en être dépendante.