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Ethiopie : l’accord de paix met-il vraiment fin à la guerre au Tigré ?

Réfugiés éthiopiens en Afrique du Sud

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Les rebelles tigréens ont commencé à rendre leurs armes lourdes, déclarait mercredi un porte-parole des autorités rebelles. "Le Tigré a remis ses armes lourdes dans le cadre de son engagement à mettre en œuvre l’accord Pretoria", a affirmé dans un tweet Getachew Reda. C’était le point central d’un l’accord de paix, signé il y a plus de deux mois pour mettre un terme au conflit meurtrier dans le nord de l’Ethiopie.

"Nous espérons et prévoyons que cela contribuera grandement à accélérer la mise en œuvre complète de l’accord. Nous espérons et prévoyons !", a-t-il poursuivi.

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L’accord de paix du 2 novembre prévoit notamment un désarmement des forces rebelles, le rétablissement de l’autorité fédérale au Tigré et la réouverture des accès et communications vers cette région coupée du monde depuis mi-2021.

Le désarmement "devrait être complet d’ici la fin janvier", a déclaré mercredi Nuur Mohamud Sheekh, porte-parole de l’Autorité intergouvernementale pour le Développement (Igad), groupement de sept pays de l’Est africain chargé de superviser l’accord de paix. "Nous nous réjouissons des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’accord. Les parties y sont restées fidèles", a-t-il poursuivi.

"Le désarmement des armes lourdes se fera simultanément avec le retrait des forces étrangères et non fédérales", mentionne un document relatif à la mise en application de cet accord signé le 12 novembre à Nairobi. Le document fait référence notamment à l’Erythrée, pays frontalier du Tigré qui appuie l’armée éthiopienne dans la région. Asmara n’a pas participé aux négociations de Pretoria.

Le début d’une réelle normalisation sur le terrain ?

La police fédérale éthiopienne est par ailleurs entrée il y a deux semaines dans la capitale du Tigré, une première depuis 18 mois. Officiellement, il s’agit de "garantir la sécurité des institutions" dont les aéroports, avait annoncé la police dans un communiqué. "La police fédérale éthiopienne […] est entrée aujourd’hui (jeudi) dans la ville de Mekele, dans le Tigré, et a commencé à travailler", indiquait un communiqué de la police publié sur Facebook.

L’entrée de la police dans la capitale de la région septentrionale de l’Ethiopie constitue un signe supplémentaire de la normalisation des relations entre les autorités fédérales et l’ancienne zone rebelle.

Mekele a été raccordée au réseau électrique national le 6 décembre. La CBE, la principale banque du pays, a annoncé le 19 décembre la reprise de ses opérations dans certaines villes, et les communications téléphoniques avec la région ont commencé à être rétablies.

Camp UNHCR de réfugiés tigréens en Afrique du Sud
Camp UNHCR de réfugiés tigréens en Afrique du Sud © Tous droits réservés

Début de normalisation

Mercredi, le premier vol commercial depuis 18 mois de la compagnie Ethiopian Airlines a par ailleurs relié la capitale Addis Abeba à Mekele. La plus grande compagnie aérienne d’Afrique a indiqué avoir prévu des vols quotidiens vers le Tigré ; elle en augmentera la fréquence selon la demande.

L’Union africaine (UA) a aussi annoncé jeudi le lancement à Mekele d’une mission de "surveillance, de vérification et de conformité" de l’accord de paix.

L’ancien chef de l’Etat kényan Uhuru Kenyatta, envoyé spécial de l’UA, ainsi que l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, envoyé spécial de l’UA pour la Corne de l’Afrique, étaient présents jeudi dans la capitale du Tigré pour le lancement de cette mission.

Le 26 décembre dernier, une délégation du gouvernement éthiopien, en présence notamment du conseiller du Premier ministre à la sécurité nationale Redwan Hussein et de plusieurs ministres (Justice, Transports et communications, Industrie, Travail), s’est rendue à Mekele, capitale de la région du Tigré, pour une première visite officielle depuis plus de deux ans, marquant une étape majeure dans le processus de paix.

Incertitudes

Mais sur le terrain, force est de constater que la situation ne semble pas aussi claire. Un travailleur humanitaire, contacté par l’AFP et qui a requis l’anonymat, a affirmé que des troupes érythréennes étaient toujours présentes mercredi à Shire, au nord-ouest du Tigré, tout comme des forces de l’Amhara.

Les combats avaient débuté en novembre 2020, quand le Premier ministre Abiy Ahmed a envoyé l’armée arrêter les dirigeants du Tigré qui contestaient son autorité depuis des mois et qu’il accusait d’avoir attaqué des bases militaires fédérales.

Le bilan précis de ce conflit jalonné d’exactions, qui s’est déroulé largement à huis clos, est inconnu. Le centre de réflexion International Crisis Group et l’ONG Amnesty international l’ont décrit comme "un des plus meurtriers au monde".

Depuis l’accord de Pretoria, les combats se sont arrêtés. Les rebelles ont affirmé avoir "désengagé" 65% de leurs combattants des lignes de front.

Mais ils dénoncent des "atrocités" commises par l’armée érythréenne et les forces de la région éthiopienne de l’Amhara, qui ont épaulé l’armée fédérale dans le conflit. Les autorités tigréennes, ainsi que des habitants et des travailleurs humanitaires ayant témoigné auprès de l’AFP, les accusent de pillages, viols, exécutions et enlèvements de civils.

Les accès au Tigré étant restreints, il est impossible de vérifier de manière indépendante la situation sur le terrain, notamment la présence des forces érythréennes. Sur le plan humanitaire, malgré une amplification des opérations, l’aide alimentaire et médicale acheminée reste très inférieure aux énormes besoins.

La guerre a déplacé plus de deux millions d’Ethiopiens et plongé des centaines de milliers de personnes dans des conditions proches de la famine, selon l’ONU.

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