La croisade de la Chine contre l'endettement dans l'immobilier menace de terrasser le promoteur ultra-endetté Evergrande, au risque de faire éclater la bulle qui gonfle dans le secteur depuis plus de 20 ans.
Le Parti communiste chinois (PCC) tire sa légitimité de l'amélioration du niveau de vie de la population et d'une croissance phénoménale qui s'est traduite par la construction de millions de logements.
Une frénésie également stimulée par le besoin de la plupart des Chinois d'accéder à la propriété, étape quasi-obligée de la promotion sociale notamment avant un mariage.
Mais la spéculation et l'envolée des prix inquiètent le gouvernement, soucieux de ne pas creuser encore des écarts de richesse potentiellement synonymes d'instabilité sociale.
Car le coût moyen d'un appartement représente désormais 9,2 fois le revenu disponible annuel d'un habitant, selon une étude du groupe immobilier E-House China.
C'est le ratio le plus élevé depuis 1998, année où l'accession à la propriété immobilière a véritablement commencé à être possible -- les logements étaient auparavant souvent attribués par l'employeur.
Face au gonflement de la dette de 12 grands promoteurs, les régulateurs leur ont imposé l'an passé "trois lignes rouges", des ratios prudentiels qui visent à réduire leur recours à l'emprunt.
Depuis juin, les autorités ont également resserré drastiquement la législation qui permettait de vendre un bien avant même l'achèvement des travaux - un modèle dont Evergrande s'était beaucoup servi pour financer sa croissance.
"L'idée, c'était de créer un mécanisme qui force les promoteurs les plus à risque à réduire leur endettement", note Dinny McMahon, analyste du cabinet d'étude Trivium, basé à Pékin.
"Et cela tout en donnant aux promoteurs en meilleure santé financière la possibilité de continuer à grandir."
Boule de neige
Acteur majeur de cet essor effréné, Evergrande croule sous 260 milliards d'euros de dette et risque le défaut de paiement.
Tous les yeux sont tournés vers l'Etat, qui n'a pas signifié s'il comptait intervenir ou non pour sauver ou restructurer le groupe.
"Les difficultés rencontrées par Evergrande pourraient faire boule de neige et toucher demain d'autres promoteurs affaiblis" par leur endettement, avertit Dinny McMahon.