Belgique

Evolution de l’avortement en Belgique : pour Sophie Rohonyi, il faut dépasser le clivage idéologique et écouter les experts

L'invitée: Sophie Rohonyi, députée fédérale

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Par Miguel Allo sur base d'une interview de Thomas Gadisseux via

La loi qui encadre l’avortement en Belgique va-t-elle évoluer et cela 33 ans après sa promulgation ? L’invitée de la Matinale sur la Première était Sophie Rohonyi, députée fédérale DéFI et présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB).

C’est aujourd’hui que le groupe d’experts (mandaté par le gouvernement) chargé de l’évaluation de l’IVG (Interruption Volontaire de Grossesse) présente ses recommandations au Parlement fédéral. Au cœur des débats : la prolongation du délai pendant lequel peut être réalisée une IVG en Belgique. Actuellement ce délai est de 12 semaines et les experts recommandent de l’allonger à 18 semaines, mais la question est encore sensible au niveau politique.

Et dans ce dossier de l’IVG en Belgique, le CD&V se dit à présent prêt à une prolongation de la limite gestationnelle maximale de l’avortement à 14 semaines. Sophie Rohonyi, aimerait, sur une question de santé publique fondamentale comme celle-ci, que l’on dépasse le clivage idéologique et que l’on écoute les experts. Et de rappeler que le gouvernement a lui-même mandaté un comité d’experts pour pouvoir dépassionner le débat et pour pouvoir faire le point sur cette législation. "Ce serait quand même un non-sens de pouvoir nier ce qui a été dit par ces mêmes experts alors que c’est le gouvernement lui-même qui a mandaté ce comité."

Pour la députée fédérale DéFI il s’agit d’éviter que l'"on marchande la question du délai maximal pour avorter, comme si on marchandait le prix d’un tapis, alors que l’on parle ici de questions vitales pour les femmes." Et donc, si le CD&V se dit, lui, prêt à prolonger le délai à 14 semaines : "Moi, j’aimerais que l’on tienne compte de ce que les experts nous disent, à savoir qu’il faut aller vers 18 semaines", répond Sophie Rohonyi.

Entre 500 et 1000 femmes par an doivent aller aux Pays-Bas pour avorter

La présidente du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB) rappelle qu'"entre 500 et 1000 femmes par an doivent aller aux Pays-Bas pour avorter, parce qu’elles sont confrontées à des grossesses tardives, et ce sont des situations auxquelles le législateur belge aujourd’hui ne peut pas répondre. Donc ces femmes doivent avorter aux Pays-Bas, si elles en ont les moyens. Et si elles ont le malheur de ne pas avoir les moyens pour pouvoir aller aux Pays-Bas, elles doivent avorter dans la clandestinité en Belgique encore aujourd’hui en 2023."

La balle est donc le camp politique désormais. Et Sophie Rohonyi ressent, la sortie du CD&V (parti qui bloquait toute évolution du dossier) juste avant la présentation du rapport au Parlement, comme "une manière de bloquer le jeu et donc de bloquer le débat avant même qu’il n’ait lieu, avant même que les experts ne nous présentent ce rapport. Puisque ce rapport sera présenté ce matin même, en commission justice et santé de la Chambre de représentants. Et donc, c’est à ce moment-là que les experts devront nous dire pourquoi il faut pouvoir avancer ce délai de 12 à 18 semaines."

Une avancée sans majorité ?

Rappelons que le groupe d’experts chargé de l’évaluation de l’IVG est composé d’un ensemble d’universitaires de toutes les obédiences. Et forcément certaines universités cathodiques étaient beaucoup plus réticentes, notamment au nord du pays, pour faire évoluer ce débat. Dans ce cas-ci, il y a unanimité au sein de cette classe universitaire. Mais on voit que politiquement, c’est encore tendu.

Pourrait-on assister à une avancée sans majorité de la Vivaldi sur une question éthique comme celle-ci ? Sophie Rohonyi précise que "c’est ce qu’on a tenté de faire avant même que le gouvernement ne soit institué. On a su dégager une majorité qui était composée de 8 partis. Des partis de gauche, des partis de droite, des partis néerlandophones, des partis francophones, parce que justement, on voulait répondre à des situations concrètes qui sont celles de femmes, qui sont aujourd’hui effectivement niées, abandonnées par le législateur."

Avant de faire la politique, j’étais, je le suis encore, une citoyenne féministe et militante

L’invitée de la Matinale a été récemment élue à la présidence du Conseil des femmes francophones de Belgique (CFFB). Comment envisage-t-elle cette fonction ? Est-ce, peut-être, une sorte de lobby pour les droits des femmes pour conscientiser vos autres partenaires politiques.

Sophie Rohonyi rappelle que le Conseil des femmes a la particularité d’être une organisation pluraliste au sein de laquelle il y a une cinquantaine d’organisations de femmes. Certaines avec une sensibilité plus libérale et d’autres avec une sensibilité plus socialiste. Et l’enjeu pour cette association : "c’est de pouvoir porter la voix des femmes au-delà de leur sensibilité politique, idéologique ou autre. Et donc de manière très claire, je pense que c’est important avec cette présidence de pouvoir faire la part des choses entre mon mandat de député fédéral dans l’opposition et de militantes féministes."

"Avant de faire la politique, j’étais, je le suis encore, une citoyenne féministe et militante. Je pense que la cause des femmes, on le voit avec le débat relatif à l’IVG, doit pouvoir transcender les clivages politiques."

L’autonomie économique et financière des femmes

Plus une femme a des difficultés financières, plus elle est vulnérable par rapport à des situations de violence et de discrimination

Depuis le mouvement #Metoo, la question de la voix des femmes et du droit des femmes ont été clairement à l’agenda politique, notamment sur la question des violences sexuelles.

"Très clairement et fort heureusement d’ailleurs, je pense qu’il y a une grande prise de conscience ces dernières années du politique par rapport aux fléaux que constituent ces violences à l’égard des femmes. Des violences sexuelles, mais aussi des violences psychologiques, des violences économiques" analyse Sophie Rohonyi. Et donc : "le prochain chantier auquel on doit absolument s’atteler, c’est l’autonomie économique et financière des femmes. Parce que l’on voit que plus une femme a des difficultés financières, plus elle est vulnérable par rapport à des situations de violence et de discrimination."

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