Exposition - Musées

"Expéditions d’Égypte", un flash-back au pays des Pharaons à voir au Musée Art & Histoire

Jean Capart dans le désert entre les pyramides de Gizeh et d’Abousir, 1907
Plaque de verre

© MRAH Projet Sura EGI.01154

Par Xavier Ess

"Expéditions d’Égypte" c’est un voyage en deux temps: celui de l’extraordinaire civilisation égyptienne, il y a 5 mille ans et celui des archéologues, des marchands et des collectionneurs il y a deux siècles et jusqu’à aujourd’hui. Avec 12.000 objets et groupes d’objets, le Musée Art et Histoire peut s’enorgueillir de posséder une des plus prestigieuses collections égyptienne au monde. " Expédition d’Égypte" nous montre quelques joyaux et déroule le fil chronologique de la collection à travers les personnalités qui l’ont constituée et développée au fil du temps.

Jeune femme debout - Égypte, 20e dynastie
Jeune femme debout - Égypte, 20e dynastie © MRAH E.06885

L’exposition montre 200 objets, certains très répandus comme les petites figurines ouchebti (Ier s. av. J.-C.) placées dans les tombes et qui accompagnaient les morts dans l’au-delà et d’autres uniques et extraordinaires comme les 10 cercueils et " planches de momies " entièrement décorés de la Cachette des prêtres de Deir el-Bahari. Le clou de la visite. Ce groupe d’objets est fascinant et nous raconte une histoire – la découverte d’une tombe collective intacte rassemblant plusieurs centaines de ces cercueils — qui alimente le mythe de l’Egypte mystérieuse. Comme l’illustrait l’expo Egypte Eternelle Passion à Mariemont, la culture populaire s’est emparée de la civilisation égyptienne, de ses divinités et des aventures périlleuses des archéologues et autres pilleurs de tombe. Des Cigares du Pharaon d’Hergé à Indiana Jones.

Cercueils de la Cachette des prêtres de Deir el-Bahari
Cercueils de la Cachette des prêtres de Deir el-Bahari © MRAH
Cercueils de la Cachette des prêtres de Deir el-Bahari
Cercueils de la Cachette des prêtres de Deir el-Bahari © MRAH

La faute à Napoléon

La Campagne d’Egypte de Napoléon Bonaparte (1798-1801) et l’énorme succès de la Description de l’Égypte (1809-1828), le déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion en 1821, déclenchent une vague d’égyptomanie dans les sociétés occidentales. Les riches touristes (la première la première croisière sur le Nil date de 1869) et les expéditions scientifiques se ruent aux pieds (aux pattes !) du Sphinx et débute deux siècles de fouilles et d’envoi de milliers objets vers les musées occidentaux. Des collections privées se constituent. La Belgique n’est pas en reste avec les deux voyages du futur roi Léopold II en 1855 et 1862-63. Le roi ramène " une série importante d’antiquités " exposées dans les écuries du palais. La collection Léopold est cédée au Musée du Cinquantenaire en 1914 (sauf deux gigantesques statues de la déesse Sekmet qui restent au palais). En 1935, histoire rocambolesque digne de Tintin, dans une statuette de Khây on découvre un papyrus qui reprend les dépositions de pilleurs de tombe. Connu sous le nom du Papyrus Léopold.

Vase cabope de Horemheb, Egypte Basse Epoque - albâtre
Relief de la reine Tiyi, épouse d'Amenhotep III -
Égypte, 18e dynastie -
Calcaire
Ouchebtis de Kasa, Ouahibrê, Tchahorpata, Amenmès et Nefertari - Égypte, Nouvel Empire à Basse Époque - 
Faïence, bois

Des achats des dons et des expéditions

Dans la scénographie d'Expéditions d'Egypte, on remonte les XIXe et XXe siècles au rythme des dons de collectionneurs privés et des expéditions. Le premier objet acheté en 1844 par le Musée (une stèle du Ier s. av. J.-C. d’origine inconnue) provient de la collection Van Huerne. Le premier vase canope (qui recevait les viscères embaumés du défunt) est un don du collectionneur Van Hamme dont " on ne connaît presque rien " nous dit le cartel. D’autres sont bien connus, comme les familles Empain et Stoclet. Les dons sont considérables, 150 objets de la collection Ravestein, 300 de la collection Hagemans dont la provenance archéologique est généralement inconnue et dans laquelle se glissent des faux fabriqués en masse. Ce qui peut provoquer des aventures malencontreuses symptomatiques de la fièvre égyptienne: Gustave Hagemans possède une toile peinte " de l’époque ptolémaïque "(300-30 Av. J.-C.) qu’il présente à une conférence à la Société d’Archéologie de Bruxelles en 1892 et qui a été fabriquée quelques années auparavant…

Fragment de cercueil - 
Égypte, Nouvel Empire - 
Bois
Fragment de cercueil - Égypte, Nouvel Empire - Bois © E.08421

La collection du Musée est aussi alimentée par des marchands, bien situés. Comme l’antiquaire Nicola George Tano installé en face de l’agence de voyages Thomas Cook au Caire et d’autres à proximité des grands hôtels. Maurice Nahman, reconnu comme le principal marchand d’artefacts de l’Egypte ancienne était en contacts réguliers avec Jean Capart et tous les plus grands musées.

La momie de Boutehamon
La momie de Boutehamon © MRAH EGI-2.21914

La momie de Sarah Belzoni

Par le biais de la présence à Bruxelles de sa veuve Sarah dès 1833, on croise brièvement l’aventure du célèbre explorateur italien Giovanni Battista Belzoni – financé par le consul anglais Salt – qui, en quatre années seulement (de 1815 à 1819), réalise des découvertes exceptionnelles : plusieurs sépultures royales dans la Vallée des Rois, l’ouverture du temple de Ramsès II à Abou Simbel et de la pyramide de Khephren à Giza. Sarah Belzoni qui vit dans le dénuement vendra une exceptionnelle momie au Musée en 1847. Exposée au Musée, elle fascinera le public, peut-on lire sans plus de détail.

1906 - Arrivée des caisses contenant les blocs décorés de la chapelle funéraire de Neferirtenef  à l'entrée de l'aile sud du Palais du Cinquantenaire où se trouve le musée.
1906 - Arrivée des caisses contenant les blocs décorés de la chapelle funéraire de Neferirtenef à l'entrée de l'aile sud du Palais du Cinquantenaire où se trouve le musée. © MRAH Projet Sura EGI.01534

Des photos historiques uniques inconnues du grand public et de la communauté scientifique

Environ 14000 négatifs photographiques sur plaques de verre sont conservés à la Bibliothèque égyptologique du Musée. Une collection initiée par un personnage clé: Jean Capart, fondateur de l’Égyptologie en Belgique, premier conservateur de la collection égyptienne du Musée, il conduit les premières fouilles belges en Égypte. Grâce au vaste réseau international qu’il a su établir avec les Égyptologues les plus vues en son temps, Bruxelles s’est rapidement imposée comme un centre mondial de l’égyptologie. Des centaines de savants viennent étudier la collection. Les 7000 négatifs documentent tous les sites archéologiques et les trésors de musées du monde entier. Les expéditions belges et les objets ramenés, les voyages de la reine Elizabeth avec l’ouverture en 1923 de la chambre funéraire de la tombe de Toutânkhamon (qu’on aurait aimé voir), mais aussi la vie quotidienne en Egypte, la faune et la flore. Ce trésor " caché " est en cours de numérisation (le projet SURA mené par Belspo) et sera bientôt disponible en ligne pour le public.

Le Musée d'Art et Histoire possède une collection de 14000 clichés sur plaque de verre
Jean Capart, fondateur de l'Egyptologie en Belgique
Jean Capart, spectateurs rassemblés pour assister à la fantasia organisée à Dendera pour saluer et honorer Elisabeth, reine des Belges. Voyage de 1923.
Collier avec extrémités en forme de tête de faucon
Égypte, Moyen Empire - 
Faïence
Collier avec extrémités en forme de tête de faucon Égypte, Moyen Empire - Faïence © MRAH E.03385

Si plus aucun objet découvert dans la vallée du Nil ne peut être exporté aujourd’hui, on regrettera le peu d’information et de questionnement sur la très actuelle question de la restitution des biens culturels. Un court texte indique que " L’Egypte revendique la restitution de pièces majeures de son patrimoine archéologique emportées illégalement. "Dès lors les conservateurs doivent " examiner en profondeur les stratégies d’acquisition des objets " et " la légalité de leur présence ". Ces recherches sont-elles entamées Le Musée d’Art et d’Histoire a-t-il les moyens d’entamer ces recherches approfondies ? alors qu’il s’attache à faire des fouilles dans les réserves mêmes pour redécouvrir des trésors oubliés.

Autre objet phare de la collection du Musée, le Livre des Morts de Néferrenpet - 
Égypte, 19e dynastie
Papyrus
Autre objet phare de la collection du Musée, le Livre des Morts de Néferrenpet - Égypte, 19e dynastie Papyrus © E.05043

" Expéditions d’Egypte " est une exposition muséale, exclusivement informative sur le développement de la collection. En début de parcours, on nous promet " un récit tissé de personnages romanesques ", mais on aurait aimé sentir la passion de ces collectionneurs, être au plus près des archéologues sur les champs de fouille, en savoir plus sur la réception du grand public en Belgique. Donner de la chair à ce moment de l’histoire européenne… Et voir la Reine Elizabeth ! (mais elle est sur le web )

Expéditions d’Egypte, au Musée d'Art et Histoire du 31 mars au 01 octobre 2023 

La Reine Élisabeth pendant son voyage de 1930
La Reine Élisabeth pendant son voyage de 1930 ©  Archives Palais Royal

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