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Extinction de l'éclairage public en Wallonie : le maïeur d'Ath souhaite que le citoyen "ne soit pas encore le cochon payeur"

L'invité dans l'actu: Bruno Lefèbvre, bourgmestre d'Ath

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Quelque 164 communes wallonnes seront plongées dans le noir entre minuit et cinq heures du matin. L’éclairage public sera éteint pendant ces heures pour limiter la facture énergétique. Bruno Lefebvre, le bourgmestre d’Ath (30.000 habitants), répondait à ce sujet aux questions de Sophie Brems dans "Matin Première" ce lundi.

L’éclairage public dans la "Cité des Géants" est-il un poste de dépenses si important ? Oui, assure le maïeur socialiste. "Aujourd’hui, rien qu’en éclairage public et en dehors de toute autre source d’énergie, on est déjà à plus ou moins 350.000/ 400.000 euros par an".

Malgré les LED

Et ce, malgré une proportion de plus en plus importante d’éclairage LED, bien moins énergivore : "depuis 2019, nous nous sommes lancés dans une vraie procédure de réorganisation de notre énergie. On a changé beaucoup de luminaires, on a fait beaucoup d’économies d’énergie et on est aujourd’hui aux environs de 40% d’économies d’énergie par rapport à la mandature précédente. Mais malgré ça, on nous annonce des augmentations assez conséquentes".

Et c’est donc l’argument pécuniaire qui prime, notamment par rapport à la population : "aujourd’hui, on parle d’augmentations qui peuvent doubler, voire tripler ce qu’on paye aujourd’hui. Ça veut donc dire qu’on va être dans des augmentations a minima de 400.000 euros, voire peut-être 750.000 à 800.000 euros. Donc, si on veut que le citoyen, en bout de course, ne soit pas encore le cochon payeur, il faut absolument que les communes prennent des mesures. Ça me paraît indispensable" pense Bruno Lefebvre.

Bruno Lefebvre, en 2016 à Loyers (Namur)
Bruno Lefebvre, en 2016 à Loyers (Namur) © Tous droits réservés

Cabines interconnectées

Seulement, il est bien moins simple qu’on ne le pense de couper l’éclairage public d’une commune. Il ne s’agit pas d’éteindre un simple interrupteur. Et ça prend du temps… Comme le déplore le bourgmestre : "Nous aurions déjà voulu que ce soit mis en application au 1er octobre, mais ORES nous a expliqué que ça allait être compliqué et que ce serait plutôt le 1er novembre. Maintenant, on nous annonce que vu la complexité et le fait que les cabines s’entrecroisent entre les différentes villes, ce serait plutôt le 1er décembre. Je vous avoue que ça nous perturbe un peu, car chaque mois de perdu représente 45.000 euros de surcoût de consommation. On en est donc quand même à 1500 euros par jour de surcoût chaque fois qu’on retarde. J’aimerais donc vraiment qu’on passe à la vitesse supérieure et qu’on puisse enfin mettre en avant ce système".

Chaque mois de perdu représente 45.000 euros de surcoût de consommation

ORES - plus important gestionnaire du réseau de distribution en Wallonie- est indispensable pour intervenir dans les énormes cabines électriques et seul l’opérateur en électricité peut y accéder. "Et il faut des accords entre villes puisque certaines cabines fournissent de l’électricité à plusieurs villes. C’est notamment le cas ici, à Ath, où la cabine électrique de lignes fournit aussi de l’électricité à Frasnes (-lez-Anvaing) et à Ellezelles. Et, semble-t-il, ORES rencontre des difficultés à mettre ses plans en application".

Sentiment d’insécurité ?

En région bruxelloise Bruxelles, par contre, on a fait marche arrière dans ces mesures antigaspi. Comme le soulignait le bourgmestre d’Etterbeek, le libéral Vincent De Wolf : "j’estime qu’il faut toujours faire une balance d’intérêts entre l’intérêt des citoyens, leur sécurité et les économies d’énergie".

La police sera évidemment dans la rue

Alors, craint-on une augmentation du sentiment d’insécurité dans les rues d’Ath ? "Nous avons toujours été très clairs" affirme le socialiste. "Il y aura une évaluation au bout d’un mois, ce qui est évidemment quelque chose de fondamental, sur deux aspects. D’abord, sur le côté accidentogène possible de la mesure. On verra si cette mesure produit des accidents complémentaires la nuit. A priori, ce n’est pas le cas et même VIAS confirme que ça n’a jamais été constaté. Et puis, sur le côté insécurité et sentiment d’insécurité. Nos systèmes de sécurité vont continuer à fonctionner, les caméras continueront à fonctionner, la police sera évidemment dans la rue et on pense donc qu’il n’y aura pas une augmentation de l’insécurité. Nous voulons tout de même avoir un œil sur le sentiment d’insécurité puisque c’est là un élément aussi fondamentalement important dans une gestion de ville".

 

Evaluations à venir

Mais ne devrait-on pas alors renforcer l’effectif policier dans l’entité ? (ce qui coûte évidemment de l’argent aussi).

"La police travaille de toute façon la nuit, elle ne se couche pas la nuit, donc elle continue à être de garde". Et le maïeur de rappeler : "On parle tout de même, en matière d’économie d’énergie, de 45.000 euros par mois. On pourrait mettre au moins une paire de policiers en plus si on voulait vraiment retomber au même niveau. Aujourd’hui, on n’en est pas là du tout. Mais on évaluera de toute façon après un mois d’utilisation du système".

Peu d’impact sur la population

La population athoise acceptera-t-elle facilement ces mesures nocturnes ? "Pour l’instant, les contacts que nous avons sont vraiment positifs parce que la plupart des personnes considèrent qu’éteindre la lumière de minuit à cinq heures du matin n’aura pas un grand impact sur leur vie".

Et le bourgmestre de la capitale du "Pays Vert" de nuancer : "ce que nous aurions voulu au niveau de la ville, c’était de pouvoir l’adapter en fonction des lieux. Par exemple, sur le centre-ville où il y a toujours un peu plus d’animation, c’était peut-être attendre deux heures du matin pour éteindre les lumières et les rallumer à 5h30 ou six heures. Mais ça, techniquement, ça semble encore un peu plus compliqué, donc ORES ne semble pas prendre cette direction".

 

Noël dans le noir ?

Plusieurs communes du pays n’installeront pas de marché de Noël ni patinoire. A Ath, cependant, l’esprit demeurera festif, comme l’affirme Bruno Lefebvre : "Nous avons beaucoup investi dans des éclairages de Noël en LED et on est déjà très bas en matière de consommation pour Noël. Dans la morosité ambiante au sein de la population générale, je pense qu’il ne faut pas remettre une couche à la couche de morosité. Nous installerons donc bien nos éclairages de Noël. Ils seront évidemment éteints dans les mêmes conditions que l’éclairage public, mais il y aura bien un sentiment et un air de Noël dans les rues d’Ath cette année".

Il ne faut pas remettre une couche à la couche de morosité

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