Pas de F16 belges pour l’Ukraine. C’est la position défendue par la ministre de la défense et le Premier ministre. Par contre, la Belgique propose de former des pilotes ukrainiens. Une position très prudente. Face à la menace Russe, la Belgique a décidé d’en faire le minimum et de rester sur le banc.
Symbolique
Depuis le début de la guerre, le soutien militaire belge à l’Ukraine est limité. Ce n’est pas qu’on ne fait rien, c’est qu’on fait le minimum. Des camions, des missiles antichars, des mortiers, des fusils d’assaut et des munitions. Au total selon l’institut Kiel en Allemagne, qui depuis le début de la guerre tient une comptabilité des soutiens à l’Ukraine, la Belgique aurait donné 0,07% de son PIB (aides financières, humanitaire et militaire additionnées). Le Monde tient aussi une comptabilité intéressante (ici)
Nous sommes au niveau de la France. En Europe, seulement l’Italie, l’Espagne, la Suisse et la Hongrie font moins que nous. Nous sommes dans le groupe des pays les moins généreux, les plus en retrait du conflit Ukrainien, les plus timides face à la menace Russe.
Pour vous donner une comparaison, toujours en rapport au PIB, le Luxembourg fait 2 fois plus que nous, l’Allemagne 3 fois plus, la Suède 4 fois plus, la Finlande 5 fois plus, les Pays-Bas 7 fois plus. Pour en revenir au seul aspect militaire, la Belgique s’est engagée pour 240 millions d’aide militaire (toujours selon l’institut Kiel), les Pays-Bas, à qui nous pouvons nous comparer, c’est 2.3 milliards d’euros. Près de 10 fois plus.
Frilosité
Officiellement, dans nos discours, nous sommes solidaires, mais dans les faits la Belgique est très frileuse. Dans une précédente chronique, j’avais déjà pointé ces contradictions. J’avais eu plusieurs demandes de contact de la part des responsables de la défense. Ils voulaient m’expliquer que ma présentation des faits omettait de mentionner que notre aide militaire ne peut dépendre que du matériel que l’on a. En l’occurrence, la Belgique a souffert de décennies de désinvestissement et que, donc, on ne pourrait pas faire beaucoup plus.
On retrouve la même explication avec la question de l’envoi des F16. La ministre de la défense Ludivine Dedonder explique que nos F16 sont soit utilisés dans la défense de l’Otan dans les pays baltes, soit consacrés à l’entraînement des pilotes, soit trop vieux. Tout se passe comme si on n’avait pas le choix. On fait avec ce qu’on a. Et en l’occurrence dans ce cas, on n’a pas. Il n’y a donc pas de débat à avoir car il n’y a pas de question à trancher.
Mais plusieurs analystes militaires remettent ces explications en question. Par exemple, si la Belgique voulait donner des F16, elle pourrait très bien essayer de négocier avec l’Otan la reprise par d’autres de ses missions au-dessus des pays baltes. Ou encore décider de se passer de F16 consacrés à l’entraînement. Ou enfin que les F16 déclassés soient donnés pour pièces à l’Ukraine qui en aura certainement besoin si cette coalition des F16 se met en place. Bref, selon des avis que j’ai recueillis, il y avait moyen de faire plus avec notre matériel.
Pas plus qu’il n’en faut
J’en tire plusieurs conclusions. D’abord, la politique officielle de la Belgique est bien de s’exposer le moins possible dans la crise ukrainienne et d’en faire le minimum. Autant qu’il faut pour ne pas susciter de tensions avec nos alliés, mais pas plus qu’il n’en faut.
Ensuite, ce qui est frappant, c’est que cette politique du minimum est présentée comme un non-choix. "On ne peut faire qu’avec ce qu’on a". Explication confortable, tant sur le plan budgétaire que politique. La coalition Vivaldi aurait bien des difficultés à aller plus loin.
Enfin, il faut inscrire cette stratégie du minimum dans l’histoire longue, celle d’une évaporation de la notion de puissance en politique étrangère belge qui va évidemment de pair avec l’évaporation de l’Etat belge lui-même. On n’a pas vu d’évolution similaire aux Pays-Bas ou au Danemark pour prendre des pays comparables.
Voilà pourquoi nous n’enverrons des F16 en Ukraine que, si un jour, il apparaît que c’est bien le minimum que nous puissions faire.