Politique

Face-à-face Thomas Dermine (PS) – Mathieu Michel (MR) à Jeudi en prime : politique environnementale, chômage, fiscalité…

© RTBF

Par Jean-François Noulet

C’est un face-à-face qui était au menu de l’émission Jeudi en Prime, sur la Une avec deux secrétaires d’Etat qui incarnent chacun la relève de leurs partis respectifs. D’un côté, le secrétaire d’Etat pour la Relance, Thomas Dermine (PS) et de l’autre côté, Mathieu Michel (MR), secrétaire d’Etat à la Digitalisation et à la Régie des bâtiments ont débattu des sujets d’actualité.

Faut-il, comme l’a plaidé le Premier ministre une "pause environnementale"? Quelles mesures faut-il prendre en matière d’emploi ? En matière de fiscalité ? Comment aborder l’après élections de 2024 et quelle attitude adopter face aux demandes de réformes de l’Etat de la N-VA ?

Jeudi en Prime

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Faut-il une pause sur l’ambition environnementale ?

Le débat n’a pas échappé à des questions sur les propos tenus par le Premier ministre qui a avancé l’idée d’une pause dans les mesures environnementales.

Du côté du PS, Thomas Dermine estime que cette sortie du Premier ministre pose problème tant sur la forme que sur le fond. "Un Premier ministre ne devrait pas dire ça. Un militant libéral peut le dire, mais un Premier ministre qui doit incarner une position de gouvernement ne peut pas dire ça", explique Thomas Dermine. Sur le fond, pour le secrétaire d’Etat PS, "la biodiversité, c’est pas juste le problème des abeilles ou des oiseaux". Thomas Dermine souligne qu’en Wallonie, on trouve des traces de glyphosate dans les urines d’un enfant sur trois et du cadmium, "un métal dangereux" dans celle de 95% des enfants. "Donc, c’est un problème de santé et c’est un problème intimement lié au problème climatique", estime Thomas Dermine.

En face, du côté du MR, Mathieu Michel estime qu'"aujourd’hui, il n’est pas question de pause". Il parle de propos "malheureux" de la part du Premier ministre. Pour Mathieu Michel, il s’agit plutôt de l’idée "d’aller le plus vite possible en étant conscient de l’impact de cette accélération". Le défi climatique, le "tournant, le virage qu’on doit prendre a des impacts importants sur nos entreprises, sur nos industries, y compris sur les agriculteurs", explique Mathieu Michel qui ne veut pas "casser la machine" en allant trop vite. "On va déjà excessivement vite", déclare le secrétaire d’Etat MR. "Si on met le moteur dans le rouge et qu’on le casse, à un moment donné, ce ne sera plus possible de travailler sur la transition écologique. On aura perdu des entreprises et elles iront polluer ailleurs", argumente Mathieu Michel.

Côté PS, Thomas Dermine a un avis à l’opposé. "On ne va pas assez vite", répond-il. "Tous les indicateurs en matière de transition climatique, les émissions de CO2, en matière de biodiversité sont dans le rouge", explique Thomas Dermine. Pour lui, il n’y a pas lieu d’opposer entreprises et mesures en faveur du climat et de l’environnement. Il explique qu’à l’exception de "certains grands secteurs, les multinationales de l’agroalimentaire, du secteur pétrochimique", "la plupart des PME, des industries, des travailleurs, ce qu’ils veulent, c’est avoir un cap, avoir un gouvernement qui donne de la clarté, de la prévisibilité". "Appuyer sur pause, c’est ajouter du flou au flou et on va retarder encore des investissements", argumente Thomas Dermine.

Au MR, Mathieu Michel continue de plaider pour "aller le plus vite possible, sans casser la machine". Il évoque le cas des agriculteurs déjà confrontés à de nombreuses normes. "Leur dire qu’on va ajouter encore des normes complémentaires, c’est courir le risque qu’à un moment donné, ce qu’on fait bien ici, ça s’arrête et qu’on importe ce qui se fait mal ailleurs", explique Mathieu Michel.

Pas d’accords sur la limitation du chômage dans le temps

Les réformes à mener en matière de marché de l’emploi divisent le PS et le MR. Du côté libéral, lors du 1er mai, on a mis en avant la nécessité de limiter le chômage dans le temps. "C’est l’histoire de notre vie, essayer de convaincre les socialistes qu’on doit mettre plus de gens au travail", répond Mathieu Michel. "Aujourd’hui, si ce pays coûte à ce point cher, si on paye trop d’impôts, c’est parce qu’il n’y a pas assez de gens qui travaillent", argumente Mathieu Michel. Il ne veut pas "culpabiliser les chômeurs de façon complètement irrationnelle", mais "il n’est pas possible, alors qu’il y a aujourd’hui 141 métiers en pénurie, qu’il y ait 140.000 emplois qui ne trouvent pas preneurs", explique Mathieu Michel. "Ce n’est pas permis de dire, oui, c’est normal de chômer toute sa vie", déclare le secrétaire d’Etat MR.

En face, au PS, Thomas Dermine répond. "Je n’ai pas besoin des libéraux et de Mathieu Michel pour convaincre les socialistes qu’il faut créer de l’emploi", dit-il. "Ce gouvernement, avec un ministre de l’Emploi socialiste, Pierre-Yves Dermagne, a créé deux fois plus d’emploi que le gouvernement précédent", ajoute-t-il. "Il n’y a jamais eu autant de Belges à l’emploi et jamais eu aussi peu de chômeurs", continue-t-il en réponse à ceux, notamment au MR, qui ont pointé l’inaction du ministre de l’Emploi.

Pas question donc, pour le secrétaire d’Etat PS de "punir ceux qui n’ont pas d’emploi" et de "les pousser vers la précarité". "La question, c’est comment on redéfinit le sens du travail, comment on augmente les salaires pour donner plus d’incitants à travailler, comment on adapte le travail aux besoins des travailleurs pour que les non-actifs retrouvent le chemin de l’emploi", argumente Thomas Dermine. Et de citer des recettes telles que l’absence de sauts d’index, plus de congés pour les pères et le droit à la déconnexion.

"La sanction, c’est vraiment l’étape ultime, dernier recours", répond Mathieu Michel. Il souligne alors le fonctionnement actuel du système, "un système dont on peut être fier, le système du chômage, le système de la remise à l’emploi bien rodé, le travail extraordinaire en matière de formation", mais, ajoute Mathieu Michel face aux métiers en pénuries et aux 140.000 postes vacants, "à un moment donné, on doit réussir à travailler sur un schéma dans lequel l’ultime possibilité, c’est la sanction". "Je suis convaincu par rapport à ça", ajoute le secrétaire d’Etat MR.

Des divergences en matière de réforme fiscale

Le gouvernement fédéral doit encore faire aboutir le projet de réforme fiscale.

Du côté du PS, on plaide pour une taxation du patrimoine et des hauts revenus. "En Belgique, on paye trop d’impôts sur les moyens et bas salaires", souligne Thomas Dermine. "On est aussi les champions du monde de la basse fiscalité sur les revenus du patrimoine". Les socialistes "ne veulent pas aller chercher chez ceux qui contribuent déjà aujourd’hui". "On ne va pas aller chercher en augmentant la TVA comme c’est sur la table. On va aller chercher sur les très hauts revenus et sur certaines niches de la fiscalité sur le patrimoine", explique le secrétaire d’Etat PS. Le secrétaire d’Etat range son parti du côté de "ceux qui défendent les travailleurs et, singulièrement les bas et moyens salaires" et le MR du côté de "ceux qui défendent les niches fiscales et les hauts patrimoines".

Du côté du MR, "avant d’aller chercher dans les poches des citoyens, on pense à être plus efficaces en matière de dépenses", répond Mathieu Michel. "On ne doit pas aller chercher une fiscalité en plus. On est déjà champion du monde en matière de fiscalité", poursuit-il. "Ce réflexe systématique d’aller chercher de l’argent dans la poche des gens, j’ai du mal à le comprendre", ajoute-t-il. Il évoque un "effet pervers". "Dès qu’on n’a pas réussi à gérer l’Etat de façon efficace, c’est pas grave, on va chercher dans la poche des gens. Je ne suis pas d’accord", résume Mathieu Michel.

"Ce n’est pas une question d’aller chercher dans la poche, c’est une question de justice", répond Thomas Dermine qui rappelle que le PS est en faveur d’un cadastre des actifs.

Mathieu Michel, lui, revient sur l'"Etat qui coûte cher". La solution par rapport à cette situation repose sur un triptyque : le taux d’emploi à relever, la fiscalité et les dépenses, "sur lesquelles on doit être attentif". Au passage il souligne la réflexion actuelle sur la réforme des pensions.

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