Face aux cas de Covid en hausse, des directions d’écoles déboussolées : "Il faut absolument qu’on ait un interlocuteur quelque part"

Par Ambroise Carton sur base du Dossier de la rédaction de François Heureux

L’épidémie de Covid repart à la hausse ces derniers jours dans notre pays. Dans le même temps, les directeurs d’école peinent à s’organiser entre enseignants qui doivent se faire tester et classes qu'il faut fermer selon des critères parfois difficiles à comprendre.

"On doit remplir une fiche de renseignements assez détaillée qui indique si l’élève a été présent en classe, s’il a été symptomatique, puis évaluer la source de contamination, si elle vient de la classe ou si elle vient de quelqu’un de la famille. Pour ça, il faut interroger les parents : est-ce que vous avez un cas positif connu chez vous ?", énumère Erik Dusart, directeur de l’école libre de Profondsart dans le Brabant wallon.

Ce directeur d’école décrit alors cette situation où "la classe est un cluster ou ne l’est pas selon la contamination". Il poursuit : "C’est arrivé ici dans une classe, un cas dans la classe, et un deuxième cas où ça venait de la famille, donc on ne le considérait pas comme un deuxième cas. Je pensais qu’on allait fermer la classe, mais non, on ne la ferme pas. Il a fallu attendre le troisième cas pour qu’on ferme quand même la classe."

Trouver les bonnes informations devient de plus en plus compliqué

Ensuite, c’est le début d’une longue procédure : "Il faut réaliser des listes d’élèves à envoyer au Centre de promotion de la santé. Il faut envoyer les bons courriers aux parents en disant ce qui se passe, si la classe est mise en quarantaine ou s’il y a seulement une vigilance à avoir. Et il faut répondre aux parents parce qu’il y en a évidemment qui s’affolent un peu, qui se demandent ce qui se passe, et c’est bien légitime. Tout ça prend des heures."

Eric Lefebvre, président du CoBra, le Collège des directeurs de Bruxelles et du Brabant wallon qui regroupe environ 200 directions fondamentales catholiques, confirme que cette description "n’est pas exagérée". Selon lui, "trouver les bonnes informations devient de plus en plus compliqué. D’abord, quand les PSE [les services de promotion de la santé à l’école dont certains se sont lancés dans une "grève du tracing", NDLR] ne répondent plus, ça devient encore beaucoup plus difficile, parce qu’on ne sait pas quoi faire, on ne sait pas si on est couvert dans les décisions qu’on prend, mais même quand les PSE fonctionnent — il y en a qui fonctionnent encore — ça reste très compliqué".


►►► À lire aussi : Des centres de médecine scolaire font la "grève du tracing" pour se concentrer sur leurs missions de base


Dans ce contexte, poursuit Eric Lefebvre explique que les PSE, "il y a donc des choses qui retombent sur les directions, mais ce n’est pas notre mission non plus. Notre fonction ne comprend absolument aucun côté médical. Nous ne sommes normalement pas amenés à poser des questions médicales aux familles, aux parents, etc. Ce n’est pas notre mission".

Dès lors, "les directeurs essayent donc de se débrouiller comme ils peuvent. Par exemple, fermer des classes est normalement une décision qu’ils ne peuvent pas prendre eux-mêmes. Et s’ils la prennent, ils risquent d’avoir le reproche de l’avoir prise alors qu’ils ne devaient pas. Les parents sont aussi mis en difficulté par rapport à ces décisions-là. On se trouve donc vraiment entre plusieurs feux et c’est très compliqué".

"Il n’y a plus personne qui répond"

Le président du CoBra explique que les directeurs et directrice d’école ont "du mal à s’y retrouver" dans les règles en vigueur. Au point que l’interprétation des consignes diffère un peu d’une école à l’autre. "On essaye de réagir logiquement, en bon père de famille, évidemment, mais on veut quand même être couvert par l’aspect juridique." Problème : "Pour être couvert par l’aspect juridique, il faut absolument qu’on ait un interlocuteur quelque part. Et ça, il n’y en a plus, il n’y a plus personne qui répond, donc c’est très compliqué."

Eric Lefebvre estime que la situation est devenue "complètement ingérable". Il demande donc "d’avoir des interlocuteurs aux bons endroits". Selon lui, "on n’a pas d’interlocuteurs pour le moment. À l’ONE, ils ne répondent plus, ils sont débordés. Les PSE sont débordés. Au ministère, il n’y a plus de réponses non plus. On n’a plus d’interlocuteurs".

Et le président du CoBra d’ajouter : "Il me semble qu’il y a quand même une autorité publique et cette autorité publique doit jouer son rôle d’autorité, et avec brio. On demande l’excellence aux écoles, donc il est grand temps qu’il y ait de l’excellence également au-dessus de nous. Que ce soit la ministre de l’Enseignement, la ministre de la Santé, il y a tellement de ministres différents qu’on ne s’y retrouve plus, mais on veut simplement avoir des personnes de référence clairement identifiées."

A quoi s’attendre dans les écoles pour les prochaines semaines face à des cas de Covid toujours plus nombreux ? "Les directeurs de Bruxelles et Brabant wallon ont déjà dit qu’au plus tard à la rentrée de Toussaint, ils ne s’occuperaient plus de suivre les cas Covid, parce qu’on n’arrive plus à remplir nos missions essentielles. Qu’est-ce qui est le plus important dans l’école ? Est-ce que c’est uniquement les cas Covid ou bien est-ce que c’est tout le restant, tout ce qui est à côté ? Il y a beaucoup de situations très importantes, parfois même assez graves, que nous devons gérer au sein des écoles. On a notre fonction, chacun a sa fonction, donc il faut que les pouvoirs publics trouvent des solutions pour pouvoir permettre aux acteurs de terrain d’exercer leurs fonctions. Et ce n’est plus le cas actuellement."


►►► À lire aussi : Contaminations en hausse, chaos dans les écoles et pas seulement…


 

Recevez chaque vendredi l'essentiel de Matin Première

recevez chaque semaine une sélection des actualités de la semaine de Matin Première. Interviews, chroniques, reportages, récits pour savoir ce qui se passe en Belgique, près de chez vous et dans le monde.

Articles recommandés pour vous