Face aux confinements et aux restrictions, les visites virtuelles s’imposent comme alternatives

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Par Daphné Van Ossel

La visite virtuelle n’est plus un gadget. C’est plus qu’un simple outil marketing. La crise du Covid a achevé de convaincre ceux qui en doutaient encore. Le secteur était déjà en expansion, mais la crise et ses confinements à répétition ont clairement accéléré les choses.

Mathieu Speeckaert a lancé sa boîte GoVR fin 2016. “A l’époque, se souvient-il, on était les seuls, maintenant il doit y avoir une quinzaine d’acteurs, voire plus ?” Valentin Sauvage (Get a view), lui, a commencé il y a un an, pile au début de la crise… et paradoxalement, le moment était bien choisi : “Il y a actuellement quatre personnes dans l’équipe, l’objectif c’est d’être huit d’ici à la fin de l’année.

On a facilement une augmentation de 50 à 70% des demandes

Chez Visiome, Nicolas Pirard a vu la demande exploser : “C’est difficile de donner un chiffre précis, mais on a facilement une augmentation de 50 à 70% des demandes. C’est aussi parce que la visite virtuelle ne représentait qu’une de nos activités, un service complémentaire au sein de la communication digitale, mais c’est vraiment énorme.”

Les écoles sont demandeuses

La demande est là, et d’ailleurs pas toujours là où on l’attendait. Dans son business plan, Valentin Sauvage n’avait pas prévu d’avoir des écoles comme clients. Elles sont pourtant demandeuses. Les parents ne peuvent plus entrer dans les bâtiments, la 3d s’impose comme alternative pour faire visiter les établissements.

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“Pour les écoles, c’est aussi une manière de faire preuve de modernité, estime le fondateur de Get a view. On essaie de rendre la visite très humaine. Ce n’est pas une visite d’un bâtiment tout vide : on insère des tags qui permettent d’ouvrir une vidéo dans laquelle un professeur parle de sa section, ou dans laquelle on voit une activité réalisée par les élèves, ou encore des vues aériennes de l’école qu’on a captées avec des drones. On crée aussi des raccourcis, par exemple en cliquant sur les valves dans l’entrée, on peut directement accéder aux bâtiments du second cycle…” Les directeurs l’utilisent aussi en visioconférence avec les parents.

Les architectes travaillent sur des bâtiments à distance

Autre secteur touché par les mesures sanitaires : l’immobilier. Les visites de biens ont été interdites pendant plusieurs mois. “C’est surtout dans ce domaine que la demande a augmenté chez nous, explique Nicolas Pirard. Et ça se maintient, même si les visites sont de nouveau autorisées, parce que beaucoup de propriétaires préfèrent éviter d’avoir trop de visiteurs dans leur maison, pour des questions sanitaires.” Cela concerne évidemment plutôt des biens “de moyen/haut de gamme”. Pour Valentin Sauvage, ce marché-là ralentit tout de même, mais il réalise toujours des modélisations 3d de bureaux (qu’il peut meubler virtuellement, une forme de home staging), et de biens immobiliers qui peuvent intéresser des investisseurs français bloqués dans leur pays.

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Les architectes se sont aussi saisis de cet outil numérique. GoVR reçoit beaucoup de demandes de bureaux d’architecte basés à l’étranger qui ne peuvent pas se déplacer en Belgique pour voir leurs biens. “On a par exemple aussi déjà scanné un hôtel en Italie pour un bureau d’architecture aux Pays-Bas, raconte Mathieu Speeckaert. L’architecte n’a jamais vu le bâtiment en vrai. Je ne sais pas si c’est simplement par facilité ou si c’est à cause des mesures restrictives qui touchent les voyages mais on a beaucoup de demandes de ce type.

Modéliser une nouvelle ligne de production

GoVR est aussi contactée par de grosses entreprises internationales qui peinent à déplacer leurs équipes en ces temps de Covid : “On a par exemple modélisé une nouvelle ligne de production dans le domaine de la métallurgie. On crée vraiment ce qu’on appelle un jumeau numérique, une réplique numérique de l’objet. Nos clients peuvent ainsi tester si on peut encore bouger autour du nouvel élément, si un clark peut passer, etc.

Valentin Sauvage reçoit aussi ce genre de demande. Get a view a été contactée par BASF. Le groupe chimique teste régulièrement des produits sur des champs. Il fait normalement visiter les parcelles à des étrangers qui n’ont pas pu venir cette année. Valentin Sauvage a donc scanné les parcelles, pour créer une visite virtuelle qui intègre les fiches techniques des différents produits testés.

Des showrooms virtuels

Des marques de mode ou des magasins de décoration s’y mettent aussi. L’idée est de créer un showroom virtuel, qui inclut des tags sur lesquels le visiteur peut cliquer pour obtenir plus d’informations sur le produit, une photo du produit en situation, et éventuellement un lien direct vers un e-shop. Cela existait déjà avant la crise, mais là aussi les projets se multiplient. “On travaille pour le moment avec un concessionnaire, raconte Nicolas Pirard. Il a moins de visites qu’avant, et du coup on va créer une visite virtuelle, avec la possibilité d’entrer dans les voitures, de voir leurs fiches techniques, etc.

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Les musées ont mis le pied à l’étrier

Les musées proposaient évidemment aussi déjà des visites virtuelles avant la crise, mais celle-ci a poussé beaucoup d’institutions à s’y mettre. Pendant le confinement, les Musées Royaux d’Art et d’Histoire ont voulu rendre le Musée des instruments de musique accessible au grand public, grâce à une visite virtuelle.

Valentin Sauvage pense que cet intérêt va perdurer après la crise : “Ils ont d’abord pensé à rendre leurs collections visibles alors qu’ils étaient fermés, mais en faisant ça, ils se sont rendu compte qu’il y avait plein d’autres possibilités, comme le fait de montrer des pièces qui sont dans les réserves, ou qui sont moins visibles.

Klara Herremans, coordinatrice Service aux publics aux Musées Royaux d’Art et d’Histoire, confirme : “La crise a vraiment amené une autre dynamique, ça a aidé à débloquer les esprits. On a pu voir que ça permettait d’ajouter du contenu, que ça pouvait être éducatif, et que ça ne faisait pas concurrence au musée ‘réel’, ça donne plutôt envie d’y venir. On poursuit donc maintenant avec d’autres projets.

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L’institution collabore actuellement avec Get a view pour créer une visite virtuelle du magasin Wolfers, créé par Horta, et de la salle des carrosses : “[Cette dernière] est accessible au public mais les visiteurs ne la trouvent pas nécessairement, elle est un peu cachée, ce sera une manière de la rendre plus visible.”

Dans le secteur culturel comme ailleurs, la crise aurait donc provoqué un changement de mentalité. “Le Covid a permis de faire connaître la visite virtuelle beaucoup mieux qu’avant”, estime Mathieu Speeckaert. “Le réflexe est beaucoup plus présent. Je suis convaincu que ça va continuer parce qu’on est désormais plus habitués à ce qui est dématérialisé, un peu comme pour les visioconférences", conclut Valentin Sauvage.

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