Economie

Faillites dans le monde bancaire : faut-il s’inquiéter pour nos banques belges ?

Le marché matinal

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Par Estelle De Houck sur base du Marché matinal de Rachel Crivellaro

Avis de tempête sur les banques cette semaine. Ce vendredi, on apprenait la faillite de la banque américaine Silicon Valley Bank, et dans la foulée, celle de deux plus petites banques, la Signature et la Silvergate Bank. Faut-il s’inquiéter pour nos banques belges ?

Comparaison n’est pas raison. La Silicon Valley Bank (SVB) est spécialisée dans le financement des entreprises technologiques et elle a été victime de ce qu’on appelle un "bank run". Pour faire simple : les clients ont voulu récupérer leur argent plus vite que l’établissement ne pouvait vendre ses actifs sans encaisser des pertes trop lourdes. Autrement dit, elle est devenue insolvable après des retraits massifs.

Quant aux deux autres banques, elles sont exposées aux cryptomonnaies, ce qui est juste interdit en Europe. Bref, des banques avec de tels profils sous nos latitudes ne courent pas les rues. Philippe Ledent, économiste chez ING :

"Vous trouverez toujours quelque chose qui ressemble de près ou de loin. Mais cela reste un profil atypique qui est loin d’être la norme des structures bilantaires des banques qu’on peut trouver en Europe", explique Philippe Ledent, économiste chez ING. "SVB avait d’un côté des gros dépôts d’entreprises technologiques et de l’autre côté du bilan, à l’actif, un très gros portefeuille d’obligations. Évidemment, quand les taux augmentent, on s’expose - si on gère mal ce portefeuille d’obligations - à des moins-values."

Le contrôle bancaire

Quid du contrôle de ces banques ? Aux États-Unis, les autorités ont annoncé une enquête pour comprendre comment la Silicon Valley Bank en est arrivée là. Mais certains pointent aussi les failles de la Fed, l’autorité américaine de contrôle bancaire.

Chez nous, le contrôle par les autorités touche toutes les banques, alors que depuis 2019, aux États-Unis, en dessous d’un certain niveau, certaines banques passent en quelque sorte sous les radars.

Je pense que ce qui s’est passé avec la SVB est absolument impossible de se produire dans une banque qui est régulée et supervisée aussi fortement en Belgique.

"Depuis une réforme de 2019, les banques qui ont un bilan inférieur à 250 milliards de dollars sont considérées comme non systémiques et ne font pas l’objet d’un contrôle aussi strict. Il y a pas mal de banques en Belgique qui sont considérées comme systémiques et c’est un bien parce qu’elles sont supervisées de manière extrêmement dure", confirme Georges Hübner, professeur de finance à l’ULG.

"Je pense que ce qui s’est passé avec la SVB est absolument impossible de se produire dans une banque qui est régulée et supervisée aussi fortement en Belgique."

La sécurité pour le client

Pour limiter la casse, c’est le gouvernement américain qui va garantir les dépôts des clients de SVB. Chez nous, pour les clients, il y a de nombreux filets de sécurité et ils sont systématiques.

"Le système qui est en place en Belgique est un système de 'bail-in', c’est-à-dire que ce sont les banques elles-mêmes qui ont mis en place des fonds dans leur passif, qui sont mobilisables en cas de difficultés. C’est l’idée d’un sauvetage par l’intérieur", explique Georges Hübner.

Les regards se tournent vers les banques centrales

Si le risque de contagion est très faible selon les diverses autorités européennes, l’incident n’est pas clos. La faillite de SVB est un coup de semonce… et tous les regards se tournent aujourd’hui vers la BCE et la banque centrale américaine. Les banques centrales vont-elles continuer à augmenter les taux d’intérêt directeurs pour lutter contre l’inflation ?

"Quand les banques accordent des crédits, elles se financent à court terme pour prêter à plus long terme. Bien entendu, les taux des banques centrales impactent directement les taux courts. Aux États-Unis notamment, on était autour de 0 et on est monté à 4,5 sur quelques trimestres", commence par expliquer Roland Gillet, professeur de finance à la Sorbonne et à l’ULB.

"Et deuxième élément, c’est que vous avez en même temps un portefeuille obligataire, et aujourd’hui - surtout aux États-Unis -, si les taux d’intérêt remontent sur vos obligations que vous avez souscrites à des taux bas, vous devez acter la perte que vous faites. Ça veut donc dire que vous perdez de l’argent sur vos activités obligataires, et les activités sur lesquelles vous avez fait des crédits par le passé vous coûtent de plus en plus cher".

Une chose est sûre, la faillite de SVB ainsi que celle de la banque Crédit Suisse montrent bien que les marchés sont très nerveux. La confiance dans le secteur bancaire est clairement ébranlée… et il n’y a rien de plus contagieux que ce genre de sentiment.

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