Icône de pop culture des 80’s, le Walkman avance parmi une escouade de baladeurs audiophiles faisant de la résistance. A 400 €, le NW-A306 de Sony diminue en outre le ticket d’entrée de cet univers promettant d’améliorer la médiocrité de nos streamings musicaux sur smartphones. Suffisant pour raviver la flamme des baladeurs audio ?
Ses deux bobines tournent à l’infini, dans le creux de la main. Virtuelle, la cassette audio affichée par le nouveau Walkman de Sony cultive une nostalgia ultra bien réelle. Cette dernière s’emballe même à la moindre pression des (vrais) boutons de fast forward ou de rewind de ce baladeur répondant au doux nom de NW-A306. Si ce gimmick se contente d’animer la lecture de morceaux numériques, Sony nous rappelle ici qu’il a inventé la portabilité musicale, il y a plus de 40 ans. Le lecteur audiophile qui affiche un tarif accessible (dans sa catégorie) de 400 € crépite comme un anachronisme face à l’ubiquité et à la facilité de la consommation musicale sur smartphone. De quoi poser la question de l’intérêt des Digital Audio Players pour mélomanes.
" Le Walkman est un héritage que Sony veut cultiver et mettre en avant. Nous utilisons donc ce label car il reste connu, mais aussi parce que nous croyons encore à ce format qui reste tout à fait relevant pour les audiophiles mais aussi les sportifs. " avance Sara Collura, responsable marketing des smartphones et de la division Personal Audio de Sony Benelux. " Nous continuons d’ailleurs à développer une gamme de lecteurs spécifiques pour ces derniers. ". A y regarder de plus près, le récent NW-A306 évolue bel et bien dans une large gamme de 15 Walkman chez Sony Belgique. Sur son site, le moins cher démarre à 65 € et le plus dispendieux culmine à 3700 €. Aïe.
Ceci n’est pas un iPod
A l’image d’Apple qui rangeait définitivement son iPod Touch au placard l’an dernier, la plupart des acteurs tech généralistes a depuis bien longtemps jeté l’éponge des lecteurs MP3. Entre temps, des marques spécialisées comme Astell&Kern, FiiO ou iBasso passionnent les puristes du son avec des Digital Audio Player démarrant aux alentours de 400 à 500 € (pour ces deux derniers). Points forts face aux smartphones ? La lecture de formats musicaux haute résolution souvent ignorée par ces derniers. Mais aussi la présence d’amplis casque haute-fidélité et de DAC de qualité qui peuvent littéralement transformer des fichiers musicaux peu ou pas compressés.
" On a quand même pas mal de clients qui jouent avec ces baladeurs audiophiles, y compris dans l’extrême haut de gamme avec des modèles allant de 3 à 4000 euros. Maintenant, on n’en vend pas cinquante par an, mais on en a écoulé régulièrement l’an dernier " relève Willy Stiers, vendeur chez New Music, à Flagey, enseigne hi-fi ixelloise émérite. " Evidemment, la clientèle n’a pas la vingtaine mais il arrive que des trentenaires soient intéressés. Mais personnellement, je pense que cette catégorie restera un segment de niche ces prochaines années ".
Walkman, ex fan des 80’s
En renouvelant son entrée de gamme audiophile avec un ticket d’entrée à 400 € - moitié moins cher que précédemment -, Sony semble toutefois viser un plus large public. Ce dernier se pose ici en gardien du temple Walkman puisqu’en inventant ce dernier en 1979, il écrivait une page de la pop culture des années 80. Rewind : la seule forme de musique portable passait par des boombox dans les années 70. Lors de ses voyages d’affaires, Masaru Ibuka, le cofondateur de Sony, écoute souvent de l’opéra sur des lecteurs de cassettes transportables de la taille d’un magnétoscope. Ce dernier pousse alors ses équipes à miniaturiser cet appareil habituellement utilisé par des secrétaires et des journalistes.
Le résultat se traduit en 1979 avec l’emblématique TPS-L2. Pour la première fois au monde, une technologie permet de s’isoler du monde en rue. Dans les médias, la peur des accidents de circulation se répand. Et à Woodbridge dans le New Jersey un décret - toujours valide aujourd’hui - interdit leur usage en rue en 1982. Philips (qui a mis au point la cassette audio compacte à Hasselt !), Pioneer, Panasonic ... les concurrents emboitent le pas.
Si bien que la même année, les ventes de cassettes audio dépassent celles des vinyles aux USA. A sa fin de vie en 2010, le Walkman de Sony s’est écoulé à 200 millions d’unités. Entre temps, ce dernier est devenu une icône de pop culture dans des films comme Retour vers le Futur ou Pretty Woman. Son aura demeure, aujourd’hui encore, vivace comme en témoigne les Gardiens de la Galaxie. La simplicité et l’homogénéité du format cassette l’a sérieusement aidé. Rien à voir en tout cas, avec la jungle actuelle de fichiers musicaux peuplée de standards boiteux des Digital Audio Players. Rappelons d’ailleurs que pour profiter d’une qualité d’écoute CD, le fichier à considérer n’est pas le MP3 (ou le AAC) mais bien le FLAC qui offre une compression sans perte ou lossless dans le jargon.
NW-A306, ça dit quoi aux oreilles ?
Descendant des lecteurs portables de CD puis de MiniDiscs, le NW-A306 de Sony offre sans surprise une finition impeccable et un écran tactile de 9 cm de diagonale. Plus petit qu’une cassette audio, le lecteur tombe très bien en mains. En rupture avec la tendance du tout tactile, ses sept boutons physiques permettent de contrôler la lecture des morceaux en gardant la main dans la poche. Dommage toutefois que son touchscreen souffre d’une certaine latence, notamment une longue seconde pour activer le mode affichage cassette ...
Sur le papier, Sony avance des qualités hardware dédiées au son qui sont difficiles à loger dans un smartphone. Son cadre en alu rigide lui assurerait ainsi un son clair et stable. Ses condensateurs à film réduiraient en outre " la distorsion du son et les bruits parasites ". Prise jack de qualité, distribution homogène du courant, soudures en or ... les efforts audiophiles matériels du NW-A306 se ressentent réellement à l’écoute. Si on laissera le soin à la presse Hi-fi spécialisée de trier objectivement la véracité de ces détails marketing, une comparaison d’écoute subjective d’I Say Who de Tomoko Soryo, relève bel et bien de l’épiphanie.
Baladeur audiophile ou smartphone ?
Face à notre vieillissant mais vaillant Huawei P30 Pro, les cuivres puis les violons de l’intro du morceau de city pop (ici en version FLAC 16-bit/44.1kHz) sont nettement présents sur le NW-A306. Sans oublier la voie de la chanteuse, beaucoup plus appuyée. Sur plusieurs heures d’écoute, le son très doux du lecteur audiophile de Sony ne provoque en outre pas de fatigue auditive. Les 400 € réclamés par le NW-A306 valent t-il dès lors la peine d’être investis pour upgrader son plaisir d’écoute et oublier le smartphone ? Bien malin qui tranchera.
Car les téléphones récents haut de gamme (LG G8S ThinQ, Sony Xperia 1 III, Samsung Galaxy S22 Ultra) traitent le son avec plus de doigté que d’autres. Leur tarif qui flirte avec les 1000 € pourrait toutefois les desservir. Opter pour un smartphone milieu de gamme à 400 € et le compléter de l’achat du NW-A306 permettrait d’éviter les problèmes d’écoute musicale audiophile sur smartphone en termes de stockage. Mais aussi d’autonomie, surtout pour les adeptes de gros casques filaires énergivores. Rappelons enfin qu’il existe des dongles DAC à brancher directement sur le téléphone. A condition toutefois de supporter l’effet guirlande de Noël, franchement pénible dans la poche d’une veste.
Le casse-tête du bon son
Au-delà du budget même, une foule de considérations pratiques liées aux sources audios est également à considérer avant d’adopter le NW-A306 (ou tout autre lecteur audiophile d’ailleurs). Spotify ne proposant à ce jour pas de musique haute résolution, un second (?) abonnement notamment à Tidal ou Qobuz sera nécessaire pour les adeptes de streaming Hi-fi. Précisons ici que le NW-A306 tourne sous Android 12 et ne se connecte au web qu’en Wi-fi. En déplacement, un partage - énergivore - de connexion data depuis son smartphone sera donc indispensable dans ce scénario. Seconde option, le transfert de sa collection physique de CD et de vinyles sur la mémoire du baladeur exigera une rallonge de minimum 150 € supplémentaire pour acheter une micro SD d’1 To gonflant les faméliques 32 Go de base - 18 Go réellement disponibles - du NW-A306.
" Copier correctement les CD ou ses vinyles et gérer les bases de données de ses cartes SD, exige un vrai travail de préparation. Mais le jeu en vaut la chandelle. Car au final ces baladeurs audiophiles peuvent aussi servir de source Hi-fi principale. Un de nos clients ne prend plus des sacs remplis de CD pour les écouter dans les installations haute-fidélités de ses résidences secondaires en France. " conclut Willy Stiers. " Il ne faut pas non plus oublier que la plupart des vinyles vendus aujourd’hui s’accompagnent de codes de téléchargement. Mais il est impossible de savoir à l’avance si on tombera sur un MP3 ou un FLAC. ". Ou comment le manque d’uniformité des fichiers musicaux freine sans nul doute le retour du baladeur audio...