Transversales

Féminisation de l'espace public pour mieux connaître l'histoire locale : l'exemple de Rouen

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Le débat politique s’intéresse de plus en plus à la féminisation de l'espace public, en (re)nommant des rues ou places pour mettre en avant les femmes qui se sont illustrées. C’est le cas du tunnel Annie Cordy à Bruxelles, mais le mouvement est encore lent tant en Belgique qu'en France. Partons à Rouen, où une commission composée d’élus, d’associations, de citoyens et d’historiens réfléchit à la question. Un reportage de Lou Garçon pour Transversales.

En effet, dans cette ville, sur les mille rues, places,… 5% seulement portent des noms féminins. À l'image de la ville de Pantin renommée Pantine pendant un an, la municipalité a décidé d'œuvrer pour une meilleure visibilité des femmes qui ont fait l’histoire locale.

Faire connaître les femmes

La Champmeslé. Photo fournie par Aurélie Daniel.

L'animatrice culturelle indépendante Aurélie Daniel propose des balades dans les rues de Rouen, dans le but de montrer où des femmes célèbres ont vécu mais effacées au profit de leur frère ou mari, comme la cantatrice et comédienne Georgette Leblanc, sœur de Maurice Leblanc... Ou encore pour faire découvrir une rue en hommage à la Champmeslé, une muse qui inspira Racine pour écrire Phèdre et ignorée.

"La plupart des personnes qui viennent dans mes visites ignorent le nom de ces femmes et, en plus, ils ignorent l’étendue de leur talent" explique la guide.

Que fait la ville de Rouen pour faire connaître ces illustres méconnues ?

Inauguration de la place Juliette Billard, architecte à Rouen.

Avec l’association HF Normandie, qui agit pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur de la culture, la municipalité pose des plaques commémoratives afin d’immortaliser des Rouennaises. Six plaques ont déjà été apposées depuis 2019, comme l’explique l’adjointe au maire de Rouen, pour les peintres Espérance Langlois et Magdeleine Hue ou l'architecte Juliette Billard, première femme française dans la profession. Les plaques se situent à un endroit lié à leur vie ou à leur travail.

L'accent est mis sur l’histoire locale, comme l’explique l’ajointe au maire : "On s’est aperçu qu’il y avait une forme de facilités ces 10 ou 20 dernières années à nommer des bâtiments, des rues avec des noms des grandes figures féminines que tout le monde connaît déjà".

Nommer, oui, rebaptiser est plus complexe

Si Rouen nomme systématiquement ses nouvelles rues avec des noms de femmes, il faudrait, pour atteindre un équilibre, penser à la rebaptisation de certaines rues,… Un procédé qui ne fait pas consensus ni pour les habitants ni pour les élus politiques car cela touche au patrimoine, à l’Histoire.

Une sévère polémique a d'ailleurs eut lieu en 2021, à la suite de l'enlèvement de la statue de Napoléon pour restauration et le moment choisi par le maire pour lancer le débat sur la féminisation en proposant une statue de l’avocate et féministe Gisèle Halimi. Des débats instrumentalisés par divers groupes ont freiné le processus ; comme l’explique l’adjointe au maire :

Si on propose une renomination et qu’après on a un débat pendant six mois où on ne va parler que de Napoléon, je ne suis pas certaine qu’à la fin on connaisse mieux les femmes de notre histoire locale.

La solution ? Pour amener la population à adhérer la démarche, la ville de Rouen commence par rebaptiser des bâtiments comme des piscines, écoles… Une démarche plus simple.

L'avis d'une féministe

Anne Gaspard, membre du GAF (Groupe d’action féministe de Rouen) s’est intéressée à la féminisation des noms de rues bien avant le projet de la municipalité. Si elle comprend les obstacles rencontrés, elle estime qu’ "il faut faire en sorte que le monde dans lequel on se déplace, corresponde à l’évolution des mœurs des Français. On n’est plus en 1950 !

Et elle ajoute :

L’absence de femmes dans l’espace public impacte la perception de l’ensemble de la population.

Anne Gaspard propose qu’il y ait plus de noms de rues avec des noms de femmes racisées, handicapées, voire LGBT.

Plus d'infos sur les actions de Rouen

La ville de Rouen a conçu un livret sur l’inspirant parcours de 69 figures locales aujourd’hui trop méconnues, parmi lesquelles la romancière et dramaturge Catherine Bernard, première femme à faire jouer une tragédie à la Comédie-Française et auteur de Riquet à la Houppe, la journaliste et romancière Germaine Beaumont, première femme à recevoir le Prix Renaudot. 

Parmi ses événement annuels, la métropole de Rouen organise, en mars le festival Rouen donne des Elles ; et en septembre, les Journées du matrimoine, en s’associant avec l’association HF Normandie.

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