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Feriez-vous un bon consultant sportif ? Voici ce que la RTBF attend d’eux !

Philippe Albert et Vincent Langendries lors de la rencontre amicale entre la Belgique et la Croatie, début juin.

© RTBF

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Par Un article Inside de Clémence Dath, journaliste à la rédaction Info

L’été est sportif sur la RTBF cette année. Il y a quelques jours se terminait le tournoi de tennis de Roland Garros. Nous sommes en plein Euro 2020 de football. Le Tour de France vient de débuter suivi, dans un mois, des Jeux Olympiques de Tokyo puis des Jeux Paralympiques. Des compétitions dans lesquelles vous retrouvez les journalistes sportifs de la RTBF accompagnés de consultants.


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Vous êtes d’ailleurs nombreux à vous interroger sur leur rôle, leur façon de parler que vous estimez pour certains " soporifiques ". Vous demandez à la rédaction des Sports qu’un consultant, " que nous subissons depuis des années, soit remplacé, ou alors apprenne à ce dernier à ne plus parler d’une voix monocorde ". Certains commentaires sont plus flatteurs : " Comme je suis non voyante, c’est un réel plaisir de suivre le déroulement d’une rencontre de tennis avec vos commentaires ", écrit Monique à propos d’Olivier Rochus.

Une longue tradition

L’un des premiers consultants apparaît en 1968 à la télévision anglaise dans le cadre d’une émission de football. Jimmy Hill est un ancien joueur, devenu entraîneur. Il apporte son décryptage et son analyse sur les matchs. Depuis lors, la place des consultants n’a fait que grandir.

Aujourd’hui, presque chaque chaîne qui diffuse du sport travaille avec des consultants, y compris sur la RTBF. " C’est quelque chose qui est plaisant, commenter un sport pour lequel on a une passion. Ça permet de transmettre cette passion et c’est notre rôle de consultant ", s’enthousiasme Cyril Saugrain, consultant cyclisme depuis 2013 à la RTBF et ancien cycliste professionnel français.

Enrichir le propos

L’une des principales qualités du consultant, c’est d’amener une plus-value. Il est généralement une personne du métier, qui doit apporter son expérience de joueur, d’athlète ou d’entraîneur au profit du commentaire. " C’est quelqu’un dont l’expertise va permettre d’avoir une lecture qui est différente de celle du grand public, mais aussi différente de celle du journaliste ", explique Benoit Delhauteur, directeur de la rédaction de Sports à la RTBF. " Ça doit être quelqu’un qui s’y connaît de manière pointue dans sa discipline ", ajoute notre collègue de la rédaction Sports, Thibaut Rinchon.

Son principal atout est de venir enrichir le commentaire du journaliste avec des propos pertinents et un vécu, une réalité, une expérience. " Même si j’ai joué au foot de très longues années, que j’ai le ressenti du foot, que je connais les règles, je n’ai été ni un athlète de haut niveau ni un footballeur professionnel, ", rappelle Vincent Langendries qui commente désormais les matchs des Diables Rouges et les épreuves d’athlétisme sur la RTBF.

L’ancien coureur cycliste Cyril Saugrain est devenu consultant pour la RTBF en 2013. Il commente les grandes courses, dont le Tour de France, pour la RTBF, aux côtés de Rodrigo Beenkens.
L’ancien coureur cycliste Cyril Saugrain est devenu consultant pour la RTBF en 2013. Il commente les grandes courses, dont le Tour de France, pour la RTBF, aux côtés de Rodrigo Beenkens. © Belga Image

Pour Cyril Saugrain, le consultant est capable de " partager ce que peut ressentir un coureur quand il repart après une chute, les moments difficiles, l’après-course, ce que le téléspectateur ne va pas voir dans la souffrance du coureur. C’est une expérience immersive qu’on peut avoir en tant que consultant et qu’un journaliste n’aura pas ", décrit l’ancien sportif.

Se faire comprendre…

L’autre qualité du consultant, c’est la vulgarisation. Il doit s’adresser à tout le monde, des téléspectateurs les plus pointus à ceux qui regardent la discipline occasionnellement. " Tu ne dois pas faire fuir les spécialistes, mais tu dois être accessible pour les autres ", insiste Rodrigo Beenkens, journaliste sportif, qui a longtemps commenté les rencontres des Diables Rouges et qui continue de suivre les courses cyclistes.


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" Quand je dois expliquer une bordure (une stratégie de course durant laquelle un groupe de coureurs est séparé des autres en raison d’une accélération du peloton, souvent causée par un vent très important, ndlr), je ne peux pas dire ‘il y a une bordure, ça va faire mal aux jambes’, ce n’est pas compréhensible pour tout le monde, souligne Cyril Saugrain. Je dois expliquer ce qu’est une bordure, quelle est son incidence, quel est le risque d’être mal placé. "

Et pas besoin d’être Rafael Nadal ou Eden Hazard pour être un bon consultant. " Pour certains grands sportifs, c’est tellement naturel de jouer qu’ils vont avoir du mal d’expliquer. C’est aussi pour cette raison que de très grands anciens sportifs ne font pas de bons coachs ", constate le chef de la rédaction des Sports de la RTBF. " Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir s’exprimer sans fourcher, sans hésitation, de voir clair sur tout ce qu’il se passe ! ", insiste Vincent Langendries.

… avec du dynamisme et dans un français correct

Le téléspectateur et l’auditeur doivent aussi sentir la passion et l’émotion dans la voix du consultant. Un commentaire qui le transporte et lui fait vivre l’évènement. " J’ai déjà écouté des reportages ou des émissions de sport et la voix n’était pas agréable. Ça vous donne moins envie de suivre, admet l’ancien coureur cycliste. L’auditeur a besoin d’écouter un commentaire fluide, avec une voix qui est posée ".

Dans certains commentaires, envoyés à la médiation de la RTBF, vous regrettez le ton parfois " monocorde " et " soporifique " de certains consultants. " Il faut mettre de la vie dans le commentaire, confirme Vincent Langendries. Il ne faut pas que le consultant se dise, le match est chiant, je n’ai rien à dire, sinon, on le payera qu’à moitié ", rigole notre collègue. Car si vous vous posiez la question, les consultants investissent du temps quand ils commentent une compétition. Ils sont parfois loin de chez eux pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Ils sont donc généralement payés pour leur prestation, sauf dans de rares exceptions.


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Mais revenons au travail des consultants. Ils doivent avoir une voix fluide, agréable et dynamique et surtout, ils doivent s’exprimer dans un langage correct. " Pour les gens, ce sont deux journalistes qui commentent. Les gens ils s‘en foutent de se dire ‘c’est un journaliste et un consultant’", analyse Thibaut Rinchon. " C’est quand même mieux de ne pas faire une faute de français dans chaque phrase, ajoute Vincent, même si notre collègue confirme que ce n’est pas une condition sine qua non d’être un parfait linguiste. " Marc Wilmots fourchait de temps en temps sur l’un ou l’autre truc. Ça faisait le charme de Marc comme consultant et les gens adoraient ", se souvient-il.

Chacun dans son rôle

Le consultant est un expert, tout comme le journaliste est un expert, mais chacun dans un rôle bien défini et bien distinct. " Le consultant ne commente pas, insiste Rodrigo Beenkens. Il ne dit pas qui a la balle, qui fait une attaque. Il est là pour analyser. Si à un moment donné on ne sait plus qui est qui et qui fait quoi, ça ne va pas. "

Néanmoins, le consultant doit aussi prendre des initiatives pour Thibaut Rinchon qui a fait ses premiers pas en tant que commentateur en 2018 dans les sports moteurs puis en tennis. " Ça ne doit pas toujours être le journaliste qui lance le consultant avec une question ou une analyse. Ce n’est pas naturel ", estime-t-il.


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" Pour être un bon consultant, il faut être associé à un très bon journaliste, commente Cyril Saugrain. Moi, ça me permet de rester concentré sur mon métier de consultant qui est d’expliquer la course, la rendre accessible. "

Et pour éviter de se marcher dessus, chacun a sa technique et ses petites habitudes. " Quand le match (de football, ndlr) commençait, je demandais au consultant de ne pas trop parler les trois, quatre premières minutes pour regarder puis, il me faisait un clin d’œil et il arrivait avec un petit résumé tactique, se souvient Rodrigo. Et systématiquement, au premier ralenti, je me tais, on est dans l’analyse. "

Le journaliste suit une déontologie à laquelle n’est pas tenu le consultant. Cela étant, on ne dit pas ce que l’on veut sur antenne… On attend un certain professionnalisme de la part des consultants, qui acceptent "de relayer les valeurs de la RTBF", insiste Benoit Delhauteur. La spontanéité est évidemment une qualité importante, mais pas quand elle se mêle à des propos déplacés.

Une aide précieuse

Pour certains sports, dont les moins médiatiques, le consultant s’avère être une plus-value en termes de contenus, mais il est aussi un soutien précieux dans des directs de plusieurs heures, comme en athlétisme où " il se passe mille choses dans un stade ", confirme Vincent. En quelques minutes seulement, la caméra peut passer d’un saut en hauteur, à un 100 mètres, à un lancer de marteau. Le journaliste doit être très concentré. " J’ai déjà commenté de l’athlétisme tout seul. Au bout de quatre, cinq heures, tu sors avec la tête comme un seau ", se souvient Vincent pour qui c’est primordial d’" avoir le soutien d’un consultant qui est là pour rebondir et te permettre d’aller voir le résultat de ce qu’on vient de voir et de retomber sur tes pattes ".

Vincent Langendries (à droite) et Frédéric Xhonneux, ancien décathlonien, commentent ensemble depuis plusieurs années les compétitions d’athlétisme sur la RTBF.
Vincent Langendries (à droite) et Frédéric Xhonneux, ancien décathlonien, commentent ensemble depuis plusieurs années les compétitions d’athlétisme sur la RTBF. © Tous droits réservés

C’est le cas aussi en cyclisme. " Le Tour de France, c’est plus de 110 heures de direct, commente Rodrigo. Dans ce genre de discipline, sur de longues durées, c’est indispensable d’avoir un consultant ". " A certains moments de la course, je sens bien que Rodrigo m’envoie sur un sujet et je sais que je dois dérouler parce que lui a besoin d’aller chercher une information, confirme Cyril Saugrain, l’un des acolytes de Rodrigo Beenkens en cyclisme depuis plusieurs années.

… et une complicité importante

" Si je ne m’entendais pas avec Rodrigo, le binôme ne fonctionnerait pas en dehors et donc ne fonctionnerait pas en direct ", remarque Cyril Saugrain.

Cette complicité et ces automatismes se construisent au fil du temps, durant les longues heures de préparation, de direct, durant les trajets ou autour d’un bon repas. " Entre mon premier match avec Michel Bouhoulle (consultant tennis, ndlr) et mon troisième match avec lui, il y a une différence. Tu te sens plus à l’aise, tu commences à connaître l’autre. Et c’est important d’avoir une relation en dehors de la cabine de commentateur ", confirme notre collègue Thibaut.


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D’où l’importance de pérenniser les consultants et de ne pas changer les duos qui fonctionnent. " Quand il y en a qui sont bons, autant les garder ", soutient Benoit Delhauteur. " Apporter de la variété, c’est bien, mais pour installer un duo, ce n’est pas en le changeant tous les trois mois que ça fonctionne ", enchaîne Vincent Langendries.

Cela dit, la RTBF veut diversifier ses droits de retransmission et donc faire appel à de d’autres consultants lors de nouvelles compétitions diffusées sur nos antennes. "C’est intéressant de se poser la question ‘quel consultant on va chercher ?’ parce qu’il faut aussi amener de la variété ", poursuit le responsable de la rédaction sportive. L’objectif de la RTBF est donc de trouver l’équilibre entre les consultants qui traversent les années et les nouveaux experts à faire découvrir sur nos antennes.


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