Imaginons maintenant la même situation, avec tous les réacteurs nucléaires éteints : Il faudrait allumer toute une série de centrales gaz pour compenser les 5 GW manquant. Alors certes, d’ici à 2025, la Belgique aura encore développé son renouvelable, amélioré l’interconnexion avec les pays voisins, elle espère avoir diminué sa consommation, amélioré son stockage… Mais tout cela ne suffira pas à compenser la fermeture de 7, ni même de 5 réacteurs. Il va falloir faire tourner plus souvent les centrales gaz qui existent déjà et même en construire de nouvelles. Clairement, la fermeture de réacteurs nucléaires va augmenter nettement notre consommation de gaz.
Pas simple de nous rendre moins dépendant du gaz russe
Cela veut-il dire pour autant que nous serons plus dépendants du gaz russe ? La réponse exige quelques nuances. Aujourd’hui, la Belgique a très peu recours au gaz venu de Russie. Notre gaz provient à 50% de Norvège et à 40% des Pays-Bas mais cette situation est appelée à évoluer. Nos voisins néerlandais vont arrêter l’exploitation de leurs gisements gaziers dans quelques mois et les réserves norvégiennes ne sont immenses non plus. La Belgique est donc condamnée, à moyen terme, à trouver d’autres fournisseurs.
Par ailleurs, notre pays n’est pas une île. Notre marché gazier est connecté à celui de nos voisins européens qui, pour certains, sont aujourd’hui très dépendants du gaz russe. Or, sortir de cette dépendance sera un long chemin : il faut construire de nouvelles filières d’approvisionnement (par Gazoduc ou via le transport par bateau de Gaz Naturel Liquéfié) ce qui va prendre plusieurs années. Sans compter que parmi les pays exportateurs potentiels, il y a beaucoup de régimes politiques peu fréquentables. A court terme donc, l'Europe est dépendante d'un gaz qui finance la politique de Vladimir Poutine.
Une cornélienne balance bénéfice-risque
Pour les autorités belges, c’est donc une cornélienne balance bénéfice/risque. Les centrales nucléaires nous offrent une relative indépendance énergétique (il faut quand même acheter de l’Uranium) et nous rendent moins dépendant d’états peu fréquentables, comme la Russie, dont le sous-sol est riche en gaz.
Elles nous fournissent aussi une énergie peu carbonée et non-soumise aux intermittences (du moins quand les réacteurs tournent, ce qui n’a pas toujours été le cas ces dernières années, chez nous). Fameux atout dans la lutte indispensable contre le réchauffement climatique.
En même temps, il faut aussi tenir compte des risques associés au nucléaire. Même si la probabilité est très faible et que les contrôles sont permanents, on ne pourra jamais totalement exclure l’hypothèse d’un accident aux conséquences désastreuse. Les tirs contre la centrale nucléaire de Zaporijia, en Ukraine, nous rappellent ce potentiel danger. Sans compter la très longue durée de vie des déchets radioactifs, bien plus longue que la durée de vie stable des états, si l’on s’en réfère aux quelques millénaires de notre histoire récente.
Bref, notre avenir énergétique nous promet de fameux et cruels dilemmes dans les années qui viennet, autant d’arbitrages entre des "moins mauvaises solutions" conjuguant des enjeux environnementaux, économiques, sociaux, sécuritaires et géostratégiques.