Fictions d’hier, Sciences d’aujourd’hui : "Le Jour d’Après" ou l’arrêt du Gulfstream

Par Martin Monserez avec Tendances Première via

À travers la série Fictions d’hier, Sciences d’aujourd’hui, Véronique Thyberghien nous replonge dans des classiques de science-fiction en les confrontant aux dernières avancées scientifiques et technologiques. Comment le cinéma s’est-il nourri de la science ? Et la réalité pourrait-elle un jour (bientôt ?) rattraper la fiction ?

Le Jour d’Après est un film catastrophe américain réalisé par Roland Emmerich et sorti en 2004. On suit le paléoclimatologue Jack Hall (Dennis Quaid) sur fond de dérèglements climatiques sévères qui se produisent sur la planète : averses de grelots géants sur Tokyo, tornades en série en plein Los Angeles ou encore un raz-de-marée sur New York qui se transforme ensuite en banquise… Critiqué pour son sensationnalisme, le film évoque au départ l’arrêt du Gulfstream à la suite de la fonte des calottes glaciaires et de la banquise. Et au regard du rapport "Océans et cryosphère" du Giec, sorti en 2019, on pourrait presque se poser la question : ce scénario est-il possible ?

15 ans après le film, ce rapport détaille le sinistre état de santé des océans et des zones glacées de la planète. Il démontre, à quelques exceptions près, que les 200.000 glaciers répertoriés sur Terre fondent et se rétrécissent. Il ne reste aujourd’hui que deux grandes calottes glaciaires : celle de l’Antarctique et celle du Groenland, toutes deux jouant un rôle essentiel pour l’équilibre de notre planète.

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"Une casserole d’eau bouillante"

"Le moteur principal du Gulfstream, c’est le vent. Mais il y a une deuxième composante qui est liée aux différences de températures. C’est le même principe qu’une casserole d’eau bouillante, explique Hugues Gosse, climatologue, directeur de recherche au FNRS et professeur à l’UCLouvain. L’eau chaude remonte et de l’eau froide replonge à d’autres endroits : le Gulfstream transporte de l’eau plus chaude vers le nord où elle refroidit et replonge aux alentours du Groenland et qui retourne ensuite vers le sud. Ce circuit influence la température de l’océan qui va lui-même influencer la température de l’atmosphère qui va influencer les vents. Il y a toute une série de boucles de rétroactions et d’échanges et en particulier au niveau des tempêtes, par exemple."

Le Gulfstream est un régulateur climatique. Or, le lien étroit entre la fonte des calottes et les effets du Gulfstream sur le climat a déjà été observé par le passé. Jean-Louis Tison, glaciologue et professeur à l’ULB : "Il y a eu un épisode géologique très remarquable il y a environ 14.000 – 12.000 ans. Il s’est produit à cette époque une tendance générale au réchauffement du climat. On reçoit plus d’énergie du soleil (dû à la fonte des glaces et la diminution du rôle de l’albédo, NDLR), la température monte et, tout à coup, elle redescend parfois 8 à 10 degrés dans certaines régions du globe et ça dure pendant 2000 ans. À cause de ce réchauffement, les calottes glaciaires qui existaient alors fondent et forment des icebergs qui convergent vers l’Atlantique Nord. Cette eau douce, plus légère que l’eau de la mer, flotte et stagne dans l’Atlantique Nord, ce qui a pour effet de bloquer le Gulfstream."

Un ralentissement plutôt qu’un blocage

Le lien étroit entre la fonte des calottes glaciaires et les effets du Gulfstream a déjà été observé par le passé.
Le lien étroit entre la fonte des calottes glaciaires et les effets du Gulfstream a déjà été observé par le passé. © Getty Images / HRAUN

Si la totalité de la calotte glaciaire du Groenland venait à fondre (vers l’an 3000 selon les prévisions scientifiques les plus pessimistes), le niveau des mers s’élèverait de 6 à 7 mètres. Mais cela n’entraînerait probablement pas un arrêt complet du Gulfstream pour autant, car il resterait toujours la composante du vent. Il conviendrait donc mieux de parler de "ralentissement". Et celui-ci est déjà observable aujourd’hui…

Selon deux études publiées dans la revue Nature en 2018, la dérive Nord-Atlantique du Gulfstream est à son plus faible niveau depuis 1600 ans, avec une baisse de 15% au cours des 50 dernières années. "Ce qu’on voit maintenant dans les archives récentes, c’est qu’à cause du réchauffement climatique actuel, on commence à avoir un petit vent de ce schéma catastrophe du Jour d’Après. C’est-à-dire qu’on voit réellement les choses changer au niveau de l’activité du Gulfstream, confirme Jean-Louis Tison." Avec quelles conséquences dans le futur ?

 

Fictions d’hier, Sciences d’aujourd’hui, une série proposée par Véronique Thyberghien et Cédric Vanstraelen. (9 épisodes : le lundi à 10.00, dans Tendances Première, du 28 juin au 23 août). Coproduction de La Première et We tell Stories.

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