La vice-présidente de la MC nous dit que le discours des hôpitaux a toujours consisté à dire : "Si on n’a pas de suppléments d’honoraires on ne tient pas la route et nos chiffres sont dans le rouge".
Les rapports MAHA (Model for Automatic Hospital Analyses) de Belfius réalisent chaque année des analyses financières du secteur hospitalier. Dans le dernier Maha 2020 (analyse des comptes annuels 2019), les experts constatent : "La situation financière des hôpitaux belges était déjà préoccupante avant la crise du coronavirus. Cette fragilité financière les empêche aujourd’hui de faire face aux conséquences budgétaires de la Covid-19. Des réformes structurelles de leur financement semblent donc incontournables pour préserver leur bon fonctionnement…". L’étude montre ainsi que sur les 87 hôpitaux généraux étudiés, un tiers est déficitaire et "sur ces 87 hôpitaux, 17 seulement ont un résultat courant de plus de 2% du chiffre d’affaires, niveau considéré comme un critère de santé financière".
Philippe Leroy, directeur général du CHU Saint-Pierre, observe que lorsqu’à peu près la moitié des hôpitaux du pays sont dans le rouge et que ceux qui sont dans le vert le sont de très peu : "Pour moi c’est un signe d’un sous-financement structurel du secteur. Et ce secteur il ne vit que grâce au financement via les pouvoirs publics (BMF + honoraires des médecins, ndlr). Il y a quelques rentrées financières qui sont indépendantes des pouvoirs publics, mais c’est anecdotique".
La situation est structurellement mauvaise et cela a un impact en cascade, observe Philippe Leroy. Car, explique-t-il, dans une entreprise en difficulté il s’installe une ambiance morose et stressante et cela percole partout dans l’organisation. "Parce que quand vous êtes en difficulté, vous n’avez pas d’argent. Donc, à chaque fois qu’il y a un projet, un investissement à faire, la première chose que l’on va dire aux gens, c’est qu’il n’y a pas d’argent et cela va toujours être suspect. Année après année, ce sont des conditions et un environnement qui font que les personnes se découragent, voire perdent un peu le sens qu’ils attachaient à leur métier". Le directeur général du CHU Saint-Pierre rappelle qu’il y avait déjà avant la crise du Covid-19, un sentiment d’abattement et de perte de sens dans le personnel hospitalier, spécialement au niveau du personnel soignant. "Je pense que ces 2 sujets sont très liés".
C’est complètement le black-out
Les suppléments d’honoraires compensent le financement au sein de chaque hôpital. Comment ? "C’est complètement le black-out", répond Elisabeth Degryse. Elle ajoute : "On dénonce depuis des années qu’au final celui qui paye la facture, c’est le patient. Puisque, régulièrement, la première question d’un médecin dans un hôpital c’est : est-ce que vous avez une assurance hospitalisation ? Beaucoup de Belges sont couverts par une assurance hospitalisation, qu’elle soit prise à titre privé ou payé par l’employeur. Et donc régulièrement, la réponse est oui."
"Et la deuxième question est : et elle couvre combien de pourcents ? Et dès lors le médecin facture à hauteur du nombre de pourcents remboursés par l’assurance hospitalisation, dans la majorité des cas. Qu’est-ce qui se passe au final, c’est la société d’assurance qui à la fin de l’année voit que ces prestations ont augmenté et qui augmente les primes. Donc finalement, c’est toujours le patient qui paye".
Selon elle, la crise a mis cela en lumière. Car sans prestations – hors Covid-19 – dans les hôpitaux lors de la première vague, les hôpitaux se sont retrouvés sans rentrées financières. "Et donc là, tout à coup, tout le monde à découvert le pot aux roses et la difficulté de ce financement à l’acte."