Football en salle: le port du voile pour les joueuses désormais autorisé par un règlement

L'équipe du Lart avait été pénalisée il y a deux saisons.

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Par Karim Fadoul

"Lors des compétitions dames, les ou des joueuses peuvent porter une coiffe répondant aux critères suivants: elle ne peut en aucun cas cacher l’entièreté ou une partie du visage et doit se limiter à la tête; elle ne peut être attachée au maillot." Les premières lignes de la règle 4, article 1 bis du règlement de l’Association belge de football en salle sont claires: elles autorisent le port du voile pour les joueuses, notamment de confession musulmane. Ce nouveau règlement est entré en vigueur au début de la saison 2019-2020 et s’applique à toutes les rencontres, tant au niveau des ligues francophone que néerlandophone. 

Interrogé par la RTBF, Serge De Grève, membre du Comité exécutif de l’Association belge de football en salle (ABFS) rappelle le point de départ de cette modification réglementaire: "Nous avions le problème que dans certaines équipes de dames, certaines joueuses réclamaient la possibilité de couvrir leurs cheveux. Ce n’était pas prévu par notre règlement." Après des discussions avec les clubs concernés (principalement bruxellois) et UNIA, le Centre contre les discriminations, une adaptation est proposée. "Ce point de règlement a dû effectuer son chemin entre les différentes commissions, régionales et nationales. Il a donc fallu malheureusement un an et demi avant que ce règlement ne soit accepté par tout le monde", ajoute M. De Grève.

Un exemple de coiffe a été repris en photo dans le nouveau règlement.
Un exemple de coiffe a été repris en photo dans le nouveau règlement. © ABFS

Il faut dire que la question du port du voile lors des rencontres féminines de football en salle a surgi au début de l’année 2018. A l’époque, plusieurs arbitres décident d’interrompre des matches. Motif officiel: des joueuses veulent monter voilées sur le terrain mais le règlement relatif à l’équipement ne prévoit rien, de manière explicite, en la matière. Pour les filles concernées, dont le port du voile islamique a été toléré lors de la première partie du championnat, il s’agit d’une mesure "discriminatoire". Un club fait l’objet d’une médiatisation: le Lart Bruxelles. Le monde politique s’engouffre également dans la brèche. Quelques semaines plus tard, la Commission provinciale d’arbitrage invite les arbitres à faire preuve de souplesse. Restait à couler cette autorisation dans les textes, de manière formelle, pour éviter toute nouvelle ambiguïté et toute nouvelle polémique. C’est désormais chose faite.

Serge De Grève, membre du comité exécutif national de l'Association de football en salle.
Serge De Grève, membre du comité exécutif national de l'Association de football en salle. © RTBF

La coiffe autorisée mais également les collants 

Que dit précisément le règlement? "Nous avons réalisé une étude en Belgique. Toutes les possibilités étaient envisageables. Nous avons trouvé une solution dans les hôpitaux à Anvers où le port de la coiffe est autorisé. Nous avons proposé cette solution à deux ou trois joueuses qui réclamaient cette possibilité. Celles-ci ont marqué leur accord. Concrètement, il ne s’agit pas d’un foulard, ni d’une cagoule. C’est une coiffe, un bonnet qui couvre les cheveux. L’équipement des joueurs et joueuses était identique pour n’importe quel joueur du pays. Il prévoyait un maillot, un short, les bas obligatoires. Désormais, nous avons ajouté la coiffe à la demande de quelques joueuses. Nous avons rajouté les cuissardes. Certains joueurs demandaient de pouvoir porter un collant. C’est désormais autorisé du moment que le collant et les cuissardes sont de la même couleur que le short."

Les règles du jeu mises à jour une seule fois par saison

Serge De Grève se souvient: "Vous aviez l’application stricte des règles de jeu et des arbitres commençaient tout doucement à refuser de jouer les matches parce que l’équipement n’était pas exactement conforme. Nous avons donc ajouté des règles permettant le port de vêtements supplémentaires, légaux, accessibles à tous et conformes aux règles de jeu. Les arbitres ne peuvent plus s’y opposer. Oui, des clubs se sont tournés vers UNIA. Ces clubs, qui voulaient faire passer cette option d’habillement ne voyaient pas trop l’issue. Cela a duré très longtemps. Mais il ne faut pas oublier que les règles de jeu ne sont mises à niveau qu’une fois par saison. Il y a deux saisons, un règlement adapté avait déjà été proposé, a fait le tour dans les régions, au niveau national, mais l’acceptation n’a pas été possible au niveau du comité exécutif national. Il a donc fallu proposer un nouveau texte la saison suivante, adopté cette fois en juin dernier et entré en application dès cette saison à toutes les compétitions féminines en Belgique." Soit un règlement qui s’applique à une vingtaine de clubs de dames "mais seulement trois ou quatre équipes intéressées par ce changement de règles avec probablement à chaque fois deux ou trois joueuses concernées".

Peu de cas, selon Serge De Grève qui s’autorise une conclusion: "Le point régulièrement entendu est que nous refusions à ces dames de jouer au football en salle dans une compétition officielle. Alors qu’il suffisait facilement pour elles de jouer comme les autres joueuses. Mais elles n’étaient visiblement pas disposées à le faire." Reste que la menace d’une action en justice pour discrimination de la part d’UNIA n’était pas à exclure, si le règlement n’avait pas été adapté.

Georges Tsoras, manager général du Lart Bruxelles.
Georges Tsoras, manager général du Lart Bruxelles. © RTBF

Un règlement qui ne répondait plus à la réalité sociale des clubs

Au final, ce nouveau règlement satisfait Georges Tsoras, manager général du Lart Bruxelles. "Nous sommes heureux de constater un dénouement positif par rapport à la situation compliquée que les filles ont traversée", explique ce dernier à la RTBF. "Heureux de voir que le règlement a changé, qu’il a évolué, qu’il s’adapte en fonction de la société actuelle et à son temps. La saison dernière, nous avions affaire à un règlement obsolète, qui ne répondait plus vraiment à la réalité sociale des provinces et de certains clubs. Cette évolution va dans le bon sens. Elle permet d’inclure pas mal de filles qui auraient voulu se lancer dans ce sport-là."

Pour Georges Tsoras, le refus de siffler des rencontres du Lart en 2018 se basait sur demandes "de certaines personnes" qu'il ne citera pas. "Les arbitres ont subi des pressions. Les filles n’ont pas compris ce qui se passait et ont payé les pots cassés. Elles ont été mises à mal dans les médias. Nos joueuses, on s’en fiche qu’elles soient voilées ou pas. On offre la possibilité à tout un chacun de faire du sport. Si une fille veut venir faire du sport chez nous, bienvenue, welcome! Chaque club devrait le faire, nous avons un rôle social à jouer, nous sommes représentatifs de la société actuelle."

Malheureusement, le règlement mise à jour arrive tardivement. Le Lart Bruxelles n’a pas pu inscrire dans les temps son équipe Dames dans le championnat. "Nous allons maintenir des entraînements pour les filles. Et l’an prochain, on réinscrira l’équipe pour le championnat."

 

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