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Footgate : les incroyables révélations du repenti Dejan Veljkovic

Dejan Veljkovic

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Par Thierry Luthers

Il y a déjà de longs mois que nos confrères de la VRT avaient réalisé une interview-fleuve de Dejan Veljkovic, l’agent de joueurs serbe au cœur du scandale du "Footgate". Maintenant que l’intéressé dispose officiellement de son statut de repenti (le premier de l’histoire judiciaire de Belgique), la chaîne néerlandophone a pu diffuser cet entretien qui "décoiffe", comme on dit. Même si certaines étaient déjà connues, les révélations fracassantes de Veljkovic ont de quoi faire trembler le football belge sur ses bases.

Avant de plonger dans ces coulisses improbables du football belge, deux précisions importantes s’imposent. Toutes les personnes citées bénéficient évidemment de la présomption d’innocence. Mais, par ailleurs, Dejan Veljkovic a été auditionné pas moins de 27 fois par les enquêteurs d’Hasselt. Toutes ses déclarations ont été passées au peigne fin, vérifiées et recoupées. S’il ne disait pas la vérité, il retournait en prison. C’était le "deal "passé avec la justice pour obtenir son statut de repenti et bénéficier d’une remise de peine (cinq ans de prison avec sursis et 80.000 euros d’amendes avec sursis). Du fond de sa cellule, il a vu à la télévision que tout le monde le lâchait. Il a donc décidé de parler et de tout déballer, mettant en cause des dirigeants, des joueurs, des agents, des arbitres, des entraîneurs à qui il a fait gagner en tout…25,5 millions d’euros en noir !
 


►►► Vous pourrez découvrir cette interview ce jeudi 16 décembre sur La Une mais voici en voici déjà les passages les plus "forts".


 

Un système bien rôdé de fausses factures

Avec un système de fausses factures de "scouting" (on prétend qu’on va visionner des joueurs...sauf que dans les faits ce n’était pas le cas) via sa société chypriote "Beneyug Sport Mangement Ltd", Veljkovic a fait gagner beaucoup d’argent aux clubs. On diminuait ainsi le contrat officiel du joueur (une façon d’éviter de payer des charges pour l’employeur) ou le licenciement d’un entraîneur. Sans compter que l’argent noir qui revenait en Belgique permettait d’arroser toute une série de personnes, bénéficiant ainsi de "rétro-commissions" officieuses. Tout le monde était content et Veljkovic était, "de facto", le comptable de ce système frauduleux qui s’est répandu dans tout le football belge de Genk à Malines en passant Bruges, Anderlecht ou le Standard, excusez du peu !

Au départ, Genk est perçu comme l’épicentre du dossier. Ce sont des flux financiers suspects à partir d’une myriade de comptes dans un établissement bancaire limbourgeois qui a mis la puce à l‘oreille des enquêteurs. Et c’est en mettant Veljkovic sur écoute téléphonique qu’une série de choses étonnantes est apparue dont le fameux match-fixing autour de la rencontre Malines-Waasland-Beveren, capitale pour le maintien en 2018.

Peter Maes champion toutes catégories

Celui que Veljkovic charge le plus en termes de paiement au noir, c’est Peter Maes. L’ancien entraîneur de Lokeren et de Genk aurait touché plus de…2 millions d’euros noir sur ses contrats successifs au cours de carrière de coach. Le Président de Lokeren, le milliardaire Roger Lambrecht lui remettant notamment "une somme de 400.000 euros dans un sachet à pain" , comme avance sur son contrat. Quand Maes a quitté Lokeren pour Genk, après avoir remporté deux coupes de Belgique avec le club waeslandien, un nouveau montage financier, avec une partie du paiement en "officieux", a été trouvé avec les dirigeants genkois. Dont Patrick Janssens, alors directeur général du Racing. Mais aussi ancien bourgmestre d’Anvers et ancien président du sp.a, le parti socialiste flamand ! Maes a réagi au documentaire de la VRT. Comme d’autres personnes mises en cause dans cette émission. Soit en direct soit, le plus souvent, par l’intermédiaire de leurs avocats. Avec toujours la même ligne de défense : "Mon client n’a strictement rien à se reprocher, il n’a pas touché un centime en noir et les propos de M.Veljkovic sont inexacts."

Business avec Anderlecht et Herman Van Holsbeeck

Dejan Veljkovic devait bientôt poser ses valises au Parc Astrid. Et très vite y sympathiser avec le manager général du Sporting, Herman Van Holsbeeck qualifié de "gentleman" par l’agent serbe. Premier transfert: Dalibor Veselinovic, venu du Brussels en 2011. Puis un très gros coup avec l’arrivée de l’attaquant Milan Jovanovic, qui faisait alors banquette au Liverpool. Veljkovic affirme que Van Holsbeek avait reçu une commission de 50.000 euros pour ce transfert. Pour Obradovic, venu de Malines, le manager anderlechtois bénéficiera de vêtements achetés dans un magasin anversois pour "une somme oscillant entre 10 et 15.000 euros". Enfin, pour le transfert de Sofiane Hanni, ce sont deux montres de luxe offertes par l’agent au dirigeant bruxellois et à son épouse pour une valeur totale de 43.500 euros, factures à l’appui, dans une bijouterie anversoise.

Veljkovic met en cause d’autres dirigeants qui auraient reçu des commissions occultes comme Luc Devroe (Ostende), Dirk Degraen (Genk), Patrick Turck (Courtrai), Gunter Jacob (Genk) Willy Reynders (Lokeren), Thierry Steemans (Malines) ou Olivier Renard (directeur sportif du Standard qui aurait perçu 80.000 euros de rétro-commissions). Ivan Leko, proche de Veljkovic depuis sa carrière de joueur, aurait lui touché des commissions sur les transferts de plusieurs joueurs. Comme celui de Steven De Petter de OHL à Saint-Trond (où Leko était coach), ou les trois "Brugeois" Tomecak, Rits et Letica quand Ivan Leko est devenu l’entraîneur des "Blauw en Zwart". Pour un total de 350.000 euros de commission. "Faux" rétorque Walter Van Steenbrugge, l’avocat de l’entraîneur croate, qui officie aujourd’hui en Chine. Une action en justice a d'ailleurs été initiée.

Leekens, la Fédé et Bruges mouillés aussi !

On en arrive à un des moments les plus surréalistes de l’interview avec l’épisode concernant Georges Leekens. En 2010, "Long Couteau" signe pour la troisième fois avec Lokeren, un club où il se sent comme chez lui. Mais, très vite, les dirigeants de la Fédération l’appellent pour reprendre en mains l’équipe nationale. Leekens accepte de relever le défi. Le "hic" c’est qu’il a déjà perçu un acompte "officieux" de 200.000 euros du généreux président Lambrecht. Plutôt que de les rendre, Leekens va alors utiliser un stratagème judicieux mais inattendu. Contre toute attente, il sélectionne le jeune Derrick Tshimanga en équipe nationale. Le défenseur latéral gauche de Lokeren jouera 4 minutes, le 10 août 2011, contre la Slovénie. Quelques mois plus tard, il est vendu à Genk pour une somme de 2,5 millions d’euros. Leekens a payé sa dette avec la plus-value sur la vente du joueur. Mais on apprend aussi dans la foulée que la Fédération, garante de l’éthique dans le football belge, s’est prêtée, elle aussi, au petit jeu des fausses factures de "scouting" pour le contrat d’Erwin Lemmens, l’entraîneur des gardiens des Diables Rouges.  Pour un montant, assez dérisoire, vu les risques pris, de … 52.808 euros ! François De Keersmaeker, alors président de l’Union Belge, et son CEO Steven Martens ont signé la convention. Et la (fausse) facture a été payée par celui qui est toujours directeur financier de la fédération, à savoir Tom Borgions, alors membre de la Commission des Licences qui contrôle les clubs !
Mais ce n’est pas tout ! Quand Leekens quittera les Diables pour Bruges en 2012, il ne restera que quelques mois en Venise du Nord. C’est un échec retentissant. Là aussi, Veljkovic va intervenir pour le licenciement de Leekens qui coutait très cher à son employeur brugeois (on parle de 3 millions d’euros). Finalement 350.000 euros seront "cachés" dans une énième fausse facture de " scouting ". Veljkovic affirme que c’est Vincent Mannaert, le CEO de Bruges, qui l'a appelé. Bruges n’a pas voulu réagir à cette affirmation.

Ses amis arbitres Vertenten et Delferière

Reste enfin le chapitre des arbitres. Nous avons déjà évoqués ici ainsi que dans le documentaire "Le milieu du terrain", les relations étranges, étroites et quasi-incestueuses entre Dejan Veljkovic et Sébastien Delferière. Sans oublier l’épisode Felice Mazzu que son ami Delferière tente de placer à Bruges via l’agent serbe tout en lui demandant de "ne pas l’oublier pour la commission".

En revanche, le repenti épargne nettement Bert Vertenten dans ses déclarations. Il aurait tenté de l’influencer "comme un supporter de Malines" avant le match Antwerp-Eupen de la 29ème journée du championnat 2017-2018. En lui rappelant qu’il était capital pour Malines qu’Eupen, son rival direct, ne prenne pas des points au " Bosuil " Selon Veljkovic, Vertenten n’aurait jamais donné une suite favorable à sa requête. Même si un penalty a été généreusement (et erronément) accordé aux Anversois alors que la faute avait été commise en dehors du rectangle mais la responsabilité de cette erreur semble plutôt incomber au juge de touche Yves de Neve, l’assistant habituel de…Sébastien Delferière !

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