Formations, primes, territoires "zéro chômeur"... voici les propositions des partis pour atteindre un taux d'emploi de 80 %

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L’accord du gouvernement Vivaldi est clair : "d’ici 2030, l’objectif consiste à atteindre un taux d’emploi de 80%". Alors que le ministre Dermagne a lancé sa conférence sur l’emploi, comment les partis politiques francophones comptent-ils atteindre cet objectif ?

69%. C’est le taux d’emploi en Belgique pour les 20-64 ans au premier trimestre de 2021, selon les données Statbel. Le gouvernement De Croo s’est fixé comme objectif d’atteindre 80 % de taux d'emploi d’ici 2030.

Pour y arriver, le ministre fédéral Pierre-Yves Dermagne (PS) a lancé sa conférence sur l’emploi dont l'objectif est d'amorcer les travaux en vue d’une réforme du marché du travail pour in fine aboutir à des mesures concrètes.

Quelles sont les propositions des partis pour augmenter le taux d’emploi ? Contactés par la RTBF, les partis francophones ont dévoilé leurs mesures phares pour atteindre ces fameux 80%. Tour d'horizon parti par parti.

PS : emplois adaptés aux travailleurs

Le parti socialiste, qui détient les portefeuilles de l’Économie, du Travail et des Pensions au fédéral, souhaite " offrir des opportunités aux groupes qui sont les plus éloignés sur le marché du travail ". Le parti pense notamment aux personnes peu diplômées, les plus de 60 ans, les malades de longue durée et "dans une moindre mesure les femmes".  

"La conférence sur l’emploi du Ministre Dermagne vise à comprendre les raisons de ces éloignements et d’adopter des mesures appropriées (amélioration des conditions de travail, aménagement de carrière …)", explique le parti par e-mail. En parallèle, le PS souhaite renforcer la formation des travailleurs tout au long de leur carrière.

Le parti de Paul Magnette entend aussi attirer les chômeurs vers les métiers moins attractifs en prenant mieux en compte la pénibilité des emplois et les changements d’orientation professionnelle. Il prévoit par exemple une augmentation du salaire minimum dans le cadre de l’accord social : " Les emplois doivent s’adapter à la réalité des travailleurs. "

MR : le bâton et la carotte

En Wallonie, le Forem a identifié 125 métiers en pénurie. Pour remplir les places vacantes, le parti libéral utilise la technique de la carotte et du bâton. D’un côté, une prime de 2000 euros pour les personnes qui ont trouvé un emploi au terme d'une formation dans un métier en pénurie. De l’autre, le demandeur d’emploi perd automatiquement son statut s’il refuse deux propositions d’emploi ou de formation dans un métier en pénurie.


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Le MR souhaite aussi stimuler les formations en entreprise et adapter les critères de financement des organismes qui donnent ces cours : " Il faut faire dépendre le financement des opérateurs de formation à la mise à l’emploi effective et pas au nombre de formations. "

Pour le parti de Georges-Louis Bouchez, une manière de mieux concilier vie privée/ vie professionnelle est le renforcement de la flexibilité du travail. Dans ce cadre, le parti propose une série de mesures : annualisation du temps de travail, droit à la reconversion, phase pilote dans la fonction publique pour plus de flexibilité par journée de télétravail.

Ecolo : plan tandem

Le parti écologiste compte lutter contre le chômage chez les plus âgés grâce à un " plan tandem ". Les travailleurs de 55 ans et plus travaillerait à temps partiel tout en conservant une part importante de leur salaire. " Le temps de travail libéré doit permettre d'engager de jeunes travailleurs en vue du remplacement de leurs aînés, ces jeunes travailleurs étant alors formés par les plus anciens ", précise Ecolo.

Tout comme le parti socialiste, Ecolo propose de créer des " territoires zéro chômeur " dans différents secteurs tels que les services aux personnes, l’entretien de petites propriétés forestières, la réparation d’objets ou le recyclage.  Ces personnes sont volontaires et sont engagées dans le cadre d’un " vrai " contrat de travail, à durée indéterminée et à temps choisi. Elles assurent des activités sur base de leurs compétences multiples et parfois atypiques, qui sont ainsi valorisées pour ce qu’elles sont ", commente le parti. 

Outre des testings à l’embauche contre la discrimination, Ecolo souhaite aussi aller capter les emplois liés à la transition écologique et lutter contre les métiers en pénurie en augmentant la formation des travailleurs en fonction des besoins.

PTB : 80 % de taux d’emploi ? Un fétiche !

Parmi les partis francophones contactés, le PTB est le seul à remettre en doute la nécessité d’atteindre 80% de taux d’emploi : " C’est un fétiche qu’on ne partage pas du tout " , lance Germain Mugemangango, porte-parole du PTB, " Cela voudrait dire mettre 600.000 personnes au travail alors qu’il y a 350.000 chômeurs. Il faudrait alors aller chercher chez les travailleurs malades."

Pas question pour le PTB de mini-jobs comme en Allemagne ou aux Pays-Bas : "Cela entraîne des contrats précaires ou à mi-temps. Malgré une élévation du taux d’emploi, le nombre d’heures travaillées dans ces deux pays n’a pas augmenté", ajoute le PTB.

Le parti de gauche radicale estime que les politiques de droite prises sous le gouvernement Michel, comme le tax shift et la réduction des cotisations fiscales, définancent la caisse de sécurité sociale.

Pour inciter plus de gens à travailler, le PTB défend par exemple une augmentation salariale, une réduction du temps de travail et une amélioration des conditions de travail : "Il faut partager les gains des taux de productivité qui ont explosé ses 10 dernières années. Il n’y a pas que le patronat qui doit en profiter, la classe ouvrière aussi. "

cdH : le nouveau pacte social

Le cdH a envoyé à la rédaction trois mesures phares. Tout d’abord, le parti humaniste plaide pour une réduction des coûts et des charges qui pèsent sur le travail. Objectif : inciter les employeurs à recruter davantage.

Comme de nombreux partis, le cdH propose d’investir massivement dans la formation en alternance. Un secteur encore souvent dévalorisé en Belgique, qui fait pourtant ses preuves : 87% des apprentis de l’IFAPME trouvent par exemple du travail après leur formation.

Le cdH aimerait également ouvrir le chantier d’un " nouveau pacte social " : " Nous travaillerions en collaboration avec les partenaires sociaux et les forces vives de notre pays et en associant la participation citoyenne ", explique brièvement le parti de Maxime Prévot par e-mail.

Défi: formations des jeunes et moins jeunes

François De Smet, président de DéFI, estime, comme beaucoup, qu’il faut agir sur plusieurs axes afin d’arriver à un taux d’emploi de 80 % à l’horizon 2030 : " L’axe économique, avec le plan de relance qui, en dopant l’économie doit in fine doper l’emploi. L’axe fiscal avec une large réforme plus équitable. "

DéFI souhaite également se concentrer sur l’accompagnement des groupes vulnérables sur le chemin du travail et de l’investissement dans le rehaussement des compétences de base, comme les langues ou encore le numérique, notamment à Bruxelles. 

François De Smet conclut par une proposition qu’il qualifie d’"évidence" : "L’accent doit être mis sur la formation des jeunes et des moins jeunes pour qu’ils puissent trouver leur place dans un marché du travail en pleine évolution."

Plans concrets d’ici la fin de l’année

Vagues ou détaillées, les propositions des partis feront sans doute l'objet de discussions dans le cadre de la conférence sur l’emploi, débutée ce lundi.

Mais les partis politiques ne sont pas les seuls à mettre la main à la pâte : huit professeurs de l’université de Gand ont publié 6 propositions à l’attention du ministre pour réformer le marché de l'emploi. Les scientifiques n'abordent pas la question des 80 % de taux d'emploi, mais suggèrent des propositions innovantes comme permettre aux partenaires de se donner mutuellement des droits à pension.

Pour Philippe Defeyt, économiste de l’Institut pour un Développement Durable, il est important de remettre l'objectif d'un taux d’emploi de 80 % en contexte. Il met en garde : " Si un des buts est de financer la sécurité sociale et en particulier les pensions, c'est la masse des cotisations qui compte. Si les 80% devaient être atteints avec, par exemple, des emplois exonérés de cotisations, l'impact global sur les recettes de la sécu sera considérablement affaibli. "

L’économiste également membre d’Ecolo poursuit : "Si les 80% devaient être atteints en augmentant les temps partiels et en diminuant les temps pleins, cela ne présente aucun intérêt pour le financement des pensions : en équivalents temps plein notre taux d'emploi est équivalent à celui des Pays-Bas ! " 

En attendant, les propositions pour augmenter le taux d’emploi s’accumulent sur la table du ministre Dermagne. Lesquelles retrouvera-t-on dans la réforme du ministre ? L'avenir nous le dira et le vice-premier ministre s'est engagé à formuler des plans concrets d’ici la fin de l’année.

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