Fortes pluies : quel impact sur nos réserves en eau, après plusieurs années de sécheresses ?

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Par Daphné Van Ossel

Cela paraît loin vu d’ici. Mais pendant plusieurs étés, nous avons été confrontés à des épisodes de sécheresse, qui ont même entraîné des mesures très concrètes de limitation de notre consommation d’eau, l’arrêt d’activités touristiques comme le kayak, la perte de certaines récoltes, etc.

Les pluies intenses que nous avons connues cet été peuvent-elles donc, au-delà des catastrophes qu’elles ont causées, au moins servir à restaurer nos réserves ?

Des niveaux très hauts dans les grands réservoirs

En surface, c’est indubitable. “En eau de surface, il y a ce qu’on appelle les grands réservoirs, qui constituent des réserves d’eau potable : le barrage d’Eupen, ou le barrage de la Gileppe, rappelle Benjamin Dewals, ingénieur en hydraulique à l’ULiège. Là, les niveaux sont très hauts. A Eupen, le lac du barrage a même atteint son maximum, et c’est pour cette raison que de l’eau est ressortie dans la nuit du 14 au 15 juillet. Et ce alors qu’en 2018-2019-2020, les niveaux avaient atteint des valeurs historiquement basses.

A Eupen, le lac du barrage a même atteint son maximum, et c’est pour cette raison que de l’eau est ressortie dans la nuit du 14 au 15 juillet.

Du point de vue industriel, c’est le débit qui est important. Les usines et les stations de production d’électricité utilisent l’eau pour refroidir leurs installations. Elles rejettent ensuite de l’eau plus chaude. Si le débit est trop faible, l’eau chaude sera moins bien diluée, et il y aura donc plus de pollution thermique, la température du fleuve risque d’augmenter. “On a vécu des épisodes critiques les étés précédents à ce niveau-là aussi, mais cet été, à nouveau, on n’en est pas du tout là.”

Des nappes qui se rechargent en été : c’est inhabituel

En ce qui concerne les eaux souterraines, les nouvelles sont également plutôt bonnes. Olivier Tromm, hydrogéologue à la Direction des eaux souterraines du Service Public de Wallonie, constate que, globalement, le niveau des nappes phréatiques remonte : “En tout cas les moins profondes et les plus perméables, qui fonctionnent sur une base annuelle c’est-à-dire qui se recharge en hiver et baisse en été. Cette fois, elles se rechargent en été, c’est inhabituel.

En principe, des pluies intenses ne favorisent pas l’infiltration dans les aquifères : les sols, trop engorgés, n’absorbent pas l’eau, elle ruisselle. Mais l’été a été humide dans son ensemble, et même très humide. Il semble qu’une partie de l’eau de pluie ait donc atteint certaines nappes.

On a aussi moins prélevé d’eau

Quant à savoir si elles ont retrouvé leur niveau d’avant les sécheresses : “Ça varie de l’une à l’autre, explique l’hydrogéologue, il faudra voir aussi comment ça redescend, mais ce qu’on peut dire c’est qu’il y a une recharge confortable sur la plupart des masses d’eau qu’on suit, qui va permettre d’arriver à la recharge hivernale avec un niveau supérieur à ce qu’on a connu ces 3-4 dernières années.


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Pour les nappes plus profondes, ou moins perméables, il faudra encore patienter, avant de voir les effets des pluies de cet été. "Il est encore trop tôt pour faire un bilan global, déclare Alain Dassargues, professeur en hydrogéologie à l’ULiège, prudent. Mais c’est vrai que cet été est exceptionnel, et qu’il aura un impact ne fût-ce que parce qu’on a prélevé moins d’eau : lors des épisodes de sécheresse que l’on a connus les étés précédents, les agriculteurs irriguaient intensivement leurs cultures. Cet été, ce n’est pas vraiment nécessaire !

La Wallonie bien lotie

La Wallonie reste, quoi qu’il en soit, plutôt bien lotie en ce qui concerne ses réserves d’eau, bien mieux lotie que beaucoup d’autres régions du monde, et même que sa voisine la Flandre. Les restrictions imposées durant les périodes de sécheresse sont d’ailleurs moins liées à un problème de réserve qu’à un problème de capacité du réseau de distribution (en période de forte chaleur, la consommation augmente, et le réseau de distribution n’est pas dimensionné pour faire face à ce pic.)

Il n’empêche qu’il faut agir, pour pouvoir faire face aux effets conjoints de l’augmentation de la population, de l’augmentation de la consommation, et du changement climatique.

Réinfiltrer des eaux usées recyclées dans des nappes

Il y a, par exemple, déjà des projets de recyclage d’eaux usées qui sont ensuite réinfiltrées dans les nappes aquifères, poursuit Alain Dassargues. Ça se fait en Espagne ou en Californie par exemple. Mais il y a déjà un projet en Flandre, et en Wallonie on pense de plus en plus à faire ça ! Ça permet de créer un réservoir, pour pouvoir pomper en cas de sécheresse.

D’autres solutions existent : prioriser les usages qui sont faits de l’eau, adapter nos modes de production (que ce soit en agriculture ou dans l’industrie), augmenter l’infiltration dans les villes grâce à l’utilisation de matériaux perméables, réduire les pertes dans le réseau…

Apprendre à gérer les extrêmes

En surface, aussi, il y a des défis, c’est le moins que l’on puisse dire : “Il faut se rendre compte que les sécheresses et les crues sont deux extrêmes d’un même système, souligne Benjamin Dewals, ingénieur à l’ULiège. C’est essentiel, notamment dans la gestion des barrages, de bien intégrer les deux. Le niveau des réserves doit être assez bas pour pouvoir accueillir de fortes précipitations, et en même temps assez élevé pour pouvoir faire face à des épisodes de sécheresse. Cela paraît antagoniste, mais il y a moyen de gérer ça, car les échelles de temps sont différentes : les inondations surviennent beaucoup plus rapidement après la pluie, que les problèmes d’approvisionnement en cas de sécheresse.

Après les sécheresses, les inondations sonnent, à nouveau, comme une piqûre de rappel.

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