France : quand une mystérieuse agence tente de mobiliser des influenceurs français pour dénigrer le vaccin Pfizer

France : quand une mystérieuse agence tente de mobiliser des influenceurs français pour dénigrer le vaccin Pfizer

© THOMAS LOHNES - AFP

Temps de lecture
Par Pascale Bollekens

Plusieurs influenceurs et influenceuses français ont reçu ces derniers jours une étrange proposition de partenariat émanant d’une agence qui se fait appeler Fazze. Elle prétend vouloir mener une campagne d’informations sur les vaccins qui sont proposés aux gens en Europe dont le vaccin Pfizer et Astrazeneca et souhaite communiquer dessus. A première vue, cela n’a rien d’étonnant, de nombreuses marques commerciales utilisent les réseaux sociaux pour faire parler d’elles.

Mais ici, le poisson semble trop gros. Il s’agit de recevoir 2000 euros non pas pour communiquer mais pour dénigrer un vaccin. En l’occurrence une campagne contre le vaccin Pfizer. La proposition qui arrive à ces youtubeurs très populaires, éveille rapidement leurs soupçons.

2000 euros pour dénigrer le vaccin Pfizer

Sur twitter, le compte "Et ça se dit médecin" qui fait de la vulgarisation médicale lance l’alerte. Il a été contacté par une agence cherchant à décrédibiliser le vaccin Pfizer. D’autres stars des réseaux sociaux suivent : Sami Ouladitto dénonce la même chose. "Je suis choqué. Une agence m’a contacté pour partager, en échange de rémunération, des articles qui décrédibilisent le vaccin Pfizer, et de parler de son taux de mortalité. Ces gens-là (je sais pas qui est derrière) payent des influenceurs/artistes pour faire de la propagande et de la désinformation." Il invite ses followers à la prudence. D’autres influenceurs moins scrupuleux ont peut-être accepté la transaction.

Loading...

Taux de mortalité 3 fois plus élevé qu’Astrazeneca

C’est Léo Grasset "DirtyBiology", un vulgarisateur scientifique qui va publier une capture d’écran du fameux briefing proposé par l’agence. La rhétorique est celle utilisée par les complotistes : le taux de mortalité du vaccin Pfizer serait trois fois plus élevé que celui d’Astrazeneca avec des médias publics qui n’en parleraient pas.

Autre pendant pour le moins interpellant : il ne faut pas évoquer le partenariat, on lui demande donc de faire en quelque sorte de la publicité "déguisée", comme l’expliquent nos confrères du média numerama.

Loading...

Les influenceurs dénoncent une campagne de dénigrement anti-pfizer

Ce sont donc les influenceurs, eux-mêmes, qui ont révélé le pot aux roses. Damien Van Achter spécialiste des réseaux sociaux et professeur invité à l’IHECS estime que le mouvement est intéressant : "Il y a une forme de responsabilité morale et éthique de la part de ces youtubeurs. Ils se rendent compte que c’est leur crédibilité qui est en jeu s’ils relayent ce genre de message et qu’ils se contentent de prendre l’argent."

C’est une forme de maturité qui est salutaire dans cet écosystème d’influenceurs

Et de poursuivre : "Ils mettent en place cette stratégie de vérification de l’info, de qui vient l’argent, à quoi cela sert, pourquoi on me demande de le faire. C’est une forme de maturité qui est salutaire dans cet écosystème d’influenceurs"

Et une agence bidon

Selon nos confrères de Numérama qui ont mené l’enquête, l’agence Fazze en question n’est pas enregistrée comme une entreprise au Royaume-Uni. L’adresse, qui ressemble à une boîte postale, est d’ailleurs partagée — ou a été partagée — par 177 entreprises, dont Fazze ne fait pas partie."Sur Linkedin, Fazze n’a qu’une employée, qui affirme avoir fait des stages pour des entreprises russes auparavant. Contactée, l’entreprise ne répond pas", précise numerama.

Alors, une entreprise bidon pour tenter de décrédibiliser le vaccin Pfizer mais qui est derrière ? Il y a des indices qui semblent montrer que des gens qui étaient liés à cette agence avaient déjà travaillé pour des commanditaires russes. Opération téléguidée par la Russie pour promouvoir son vaccin Sputnik V ? Difficile de l’affirmer. Nulle part dans la proposition de partenariat, il n’est fait allusion à ce pays ni à son vaccin (qui n’est pas encore autorisé par l’agence européenne du médicament).

Et en Belgique ? 

Chez nous, l’information venant de France a très vite circulé sur les réseaux sociaux et l’enquête a été abondamment partagée. Mais à notre connaissance en Belgique, aucun influenceur n’a été visé par cette campagne, ou en tout cas personne n’a annoncé avoir été contacté par l’agence en question.

La firme Pfizer nous précise dans un mail qu’elle se veut transparente. Elle veut mettre en garde les utilisateurs des réseaux sociaux : "Nous avons pris l’initiative sans précédent de publier le protocole complet de notre essai clinique de phase III (..) nous jouons notre rôle en veillant à ce que les informations correctes sur le vaccin Pfizer/BioNtech soient facilement accessibles, nous demandons aux membres du public de réfléchir attentivement à la source de leurs informations et de s’interroger sur la crédibilité de cette source."

Quant à AstraZeneca, elle condamne fermement toute initiative qui viserait à saper la confiance dans les vaccins.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous