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Francesca Fulmini : la douce chaleur dont vous avez besoin cet hiver

© Slow Brew – Francesca Fulmini

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Par Joséphine Bouché

Ayant grandi entourée de folk, de vieux rock et de soul, son père l’introduit au R&B à ses 8 ans et vers ses 17 ans, elle découvre l’artiste américain D’Angelo, qui a changé sa vie. Aujourd’hui, elle crée une musique intimiste, chaleureuse et réconfortante. Francesca Fulmini comprend nos peines de cœur, et elle nous le dit en musique, au son de sa voix unique et envoûtante.

Quand je lui demande de décrire sa musique en image, elle me dit qu’elle voit plutôt des couleurs. De l’orange, du bleu et du rouge : des couleurs chaudes, mais avec une touche de couleur froide, de fraîcheur. Une lumière tamisée, un environnement confortable, intime, quelque part à l’intérieur. C’est plus le soir que la journée, peut-être avec des bougies et une petite plante.

Plongez dans son univers, sans retenue.

Salut Francesca ! Pour commencer, est-ce que tu peux te présenter ? Toi en tant que personne et puis toi en tant qu’artiste ? Quel est ton projet musical ?

Moi en tant que personne et en tant qu’artiste, c’est dur de les différencier parfois… En tant qu’artiste, pour le moment, je fais de la néosoul, du R&B, avec de vrais instruments et assez peu de prod. Je chante, je joue de la guitare et du piano. J’ai coproduit mon premier EP "Slow Brew" qui est sorti en juin 2022. Je pense que je suis quelqu’un de très honnête et sincère, très émotionnelle et sentimentale aussi. Et j’aime partager tout ça dans ma musique, parce que je trouve que ce n’est pas assez encouragé dans notre société, alors que c’est super important. C’est comme un acte activiste pour moi. Être capable d’être sensible, c’est une libération dans tous les aspects de la vie. J’essaie de le faire dans ma musique pour moi, mais aussi pour que les autres se sentent compris. J’aimerais bien faire ressentir des choses très fortes comme pleurer, mais de manière thérapeutique, de manière cool.

Comment tu as commencé à faire de la musique ?

Apparemment, j’ai commencé à chanter à mes 4 ans, je chantais un vieux yaourt anglais quand j’étais toute seule dans mon salon. Et puis à 11 ans, j’ai fait ma première prod sur GarageBand et c’était le début, je crois. Ça m’a plu tout de suite. Après, ma mère a compris que j’aimais la musique et elle m’a acheté ma première guitare.

La musique ça représente quoi pour toi ?

Pour moi, c’est presque spirituel, une sorte de religion, une manière de voir le monde. C’est un moyen de m’exprimer, bien sûr, c’est très thérapeutique. Surtout dans le genre de musique que je fais : très honnête et sincère. La musique, pour moi, ça peut être très fort et je pense aussi que la musique aide les gens de manière hyper profonde, et ça c’est trop beau. C’est un cadeau de la nature, un cadeau qu’on se fait à nous-mêmes.

Fulmini ça veut dire éclair en Italien et je trouve que ça va bien avec ma musique. Les éclairs c’est chaud, intense et électrique, mais en même temps naturel.

Tu peux me parler de ton EP "Slow Brew" ?

Déjà, il s’appelle comme ça parce qu’on a mis du temps à le créer et à l’enregistrer. En fait, en Angleterre avec mon groupe, on a joué la plupart de ces chansons sur scène pendant des années. Donc c’est un EP qui a mijoté pendant longtemps, qui a bien pris son temps et qui est un peu chaud aussi. Je trouve que ça allait bien avec l’esprit des chansons. Les émotions que j’avais envie de partager, c’est beaucoup d’amour et beaucoup de chaleur, avec plein de parties de moi dedans. Encore une fois, c’est hyper thérapeutique dans le sens où c’est comme un exercice pour encourager ma sensibilité et celle des autres. C’est ça que je voulais transmettre plus que tout. Mais il y a aussi quelques chansons, dont "One Step" et "Something Right", dont les paroles parlent de self-empowerment, pour se dire que ça va aller, qu’on peut le faire, qu’on va y arriver. Donc il y a des chansons d’amour, mais aussi des chansons d’encouragement de soi-même. Je pense que c’est les deux aspects de moi que j’ai pu transmettre dans l’EP.

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C’est quoi ton processus de création quand tu écris des chansons ?

Mon processus est assez varié, il y a des chansons où j’ai tout arrangé, tout écrit et puis les musiciens de mon band sont venus les jouer pour l’enregistrement. Puis il y en a que j’ai coproduites, développées ensemble avec le band.

Tu as des étapes préétablies quand tu crées un morceau ?

Franchement, ça dépend et j’aime bien que ce soit le cas, ça continue à être fun pour moi. Parfois je commence par la baseline, parfois par la batterie, la mélodie, une parole… Mais ce qui revient le plus souvent, c’est de commencer par les accords. Parce que ça donne déjà l’univers de la chanson.

C’est important pour toi de travailler avec de vrais instruments ?

Oui, ce que j’aime beaucoup dans mon EP, c’est qu’on n’entend pas beaucoup d’albums qui sont vraiment avec que des instruments live. J’aime beaucoup la composition, et du coup s’il y a un humain derrière chaque instrument, ils mettent un peu de leur émotion dedans et quand on arrive à jouer ensemble, on crée une cohésion incroyable. C’est vraiment cool de jouer avec d’autres personnes, être sur la même longueur d’onde et créer quelque chose. Jouer ensemble, partager, collaborer. C’est fait pour ça aussi la musique : être ensemble, se connecter, et du coup se connecter sur scène. Après, cette volonté est en train de changer petit à petit dans ma tête, parce que j’ai envie d’intégrer quelques éléments plus digitaux dans mes futurs morceaux. J’aimerais bien marier les deux : la chaleur des instruments live et ajouter quelques touches électroniques. Un peu comme Moses Sumney qui mixe ces choses-là tellement bien.

Tu aimes la scène ?

J’aime beaucoup, oui. J’en ai fait beaucoup en Angleterre, depuis 2015. La scène, c’est comme une occasion à chaque fois de réinterpréter ce que je voulais dire dans la chanson. De repartager, de reconnecter. Et chaque situation fait que tu as un autre angle sur ta chanson. C’est pour ça que j’aimerais bien continuer mon habitude de jouer mes morceaux live avant de les enregistrer. Pour un peu voir ce que ça donne, quelle était vraiment l’intention dedans, comment les gens réagissent, ce que ça fait ressentir. Après, la scène ça ne se passe pas toujours bien, parfois il y a des problèmes techniques, des gens qui n’écoutent pas, mais c’est plutôt rare. Souvent, on lâche prise et on kiffe.

© – Nicole Barbosa

Tu as vécu 7 ans en Angleterre avant de revenir en Belgique et c’est là que tu as créé ta musique. Ça t’a apporté quoi ?

En Angleterre, la scène néosoul est beaucoup plus grande qu’ici. J’ai tellement été inspirée par les gens autour de moi et par tous mes amis qui sont encore là-bas et qui font de la musique. Il y a une grande qualité dans les live là-bas aussi, il y a tellement plus de compétition qu’en Belgique, donc j’espère que ça m’a apporté du professionnalisme. Et puis beaucoup d’ouverture d’esprit, dans la musique, mais aussi sur plein de sujets différents.

Du coup, tu te sens comment dans la scène belge ? Tu y as trouvé ta place ?

Je me sens très connectée à la scène anglaise et je n’ai pas envie de perdre cette connexion parce que j’ai vécu longtemps là-bas et la plupart des artistes dont je suis vraiment fan son là-bas. Même s’il y a des artistes belges qui sont très cool, évidemment. Comme la scène néosoul alternative R&B n’existe pas trop en Belgique, je me sens un peu dépaysée, un électron libre. Mais c’est cool en même temps, j’aimerais bien créer des liens entre les deux villes et faire grandir cette scène ici. Je pense qu’il y a des amateurs de cette musique à Bruxelles. Par exemple à l’événement que j’ai organisé pour la sortie de mon EP, il y avait quand même plus de 200 personnes, j’étais très agréablement surprise alors que je venais d’arriver à Bruxelles. Ça veut dire que ça plaît et je pense que ça pourrait faire du bien à Bruxelles d’avoir un peu de cette vibe.

Est-ce que tu es impliquée dans le processus visuel de tes clips ? C’est important pour toi ?

Je suis très impliquée. Déjà, parce que je suis indépendante, je n’ai pas de label, mais aussi parce que ça m’intéresse et que c’est une autre occasion d’illustrer ce que je voulais exprimer dans une chanson. Le dernier clip qui est sorti c’est celui de "No Rules" qui parle de casser les règles, d’arrêter de se poser trop de questions et de juste s’exprimer. C’est ce qu’on a essayé de représenter, du coup c’est très libre et "fait maison". C’est moi qui ai beaucoup filmé, avec une petite caméra à main. Et j’aime bien ce que ça a donné, c’est très chill, très cool et ça montre juste de beaux moments de vie. Ça fait du bien de voir des clips comme ça aussi : très intimistes, ça reste dans la vibe de ma musique. Mes autres clips sont plus sérieux, plus classiques, mais celui-ci je voulais qu’il soit fun, qu’il fasse sourire. Ça rappelle aux gens qui m’écoutent que je suis un humain comme eux, qu’on est les mêmes et peut-être que ça les aide à encore mieux se connecter à ce que je suis en train de dire.

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Il y a une question qu’on ne pose pas assez aux artistes ?

J’aimerais bien qu’on parle plus avec les artistes de santé mentale et de comment on gère financièrement, parce que franchement c’est chaud. En Belgique, c’est plus facile qu’en Angleterre financièrement, on vit beaucoup plus confortablement, mais c’est dur. Surtout avec le Covid, on nous a dit qu’on n’en a rien à faire de nous, qu’on n’est pas importants, d’aller trouver un "vrai" travail. On n’est pas du tout valorisés et c’est tellement dommage parce que c’est si important la musique, pour tout le monde. J’espère que le Covid ça nous aura fait penser plus à tout ça, à la santé mentale et à la culture.

Et pour finir, la Francesca Fulmini du futur elle fait quoi ?

J’aimerais bien explorer d’autres genres musicaux. Je ne me mets pas de limites et j’ai envie de faire plein de choses différentes. Je pense que ça va partir dans plusieurs directions : des trucs plus expérimentaux, des trucs plus dans le Hip-hop. J’aime bien rapper aussi donc peut-être que je vais m’aventurer là-dedans. On verra ce que ça donne, je n’ai pas encore d’idées super claires, mais franchement, je suis excitée de faire un nouveau projet. Et j’ai envie d’avoir plein d’instruments, des harpes, des clarinettes et tout. Là je me repose un peu. J’aimerais bien faire un album, mais je suis autofinancée donc ça va prendre un peu de temps… Mais j’aimerais vraiment faire un album avec plein de sons, des petites collabs avec des gens de Bruxelles et de Londres. Et puis j’ai des dates à Bruxelles en janvier, qui seront annoncées très vite.

Suivez Francesca Fulmini sur son insta pour être au courant de tout ce qu’il se passe !

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