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Franz Ferdinand : Is This Hits

Franz Ferdinand compile les meilleurs instants de sa carrière.

© David Edwards

Après 20 ans de carrière, un tube en or (Take Me Out) et une irrésistible envie de faire danser les filles, Franz Ferdinand fait le point sur son histoire via une petite anthologie. Intitulée "Hits to the Head", la double compilation en question est le prétexte idéal pour discuter avec Alex Kapranos et Bob Hardy. Jamais à court d’anecdotes, les deux têtes pensantes du groupe écossais partagent leurs souvenirs avec JAM. le temps d’une interview assurée en peignoir. Ou comment rester sexy et stylé.

Au début du millénaire, la planète entière célébrait un énième retour des guitares. En marge du succès engrangé par The Strokes et The White Stripes, le phénomène reposait surtout sur une colonie de formations britanniques. Vingt ans plus tard, où sont passés les héros de cette génération ? Certains ont explosé en plein vol (The Libertines), d’autres se sont perdus en chemin (Bloc Party, Kaiser Chiefs, The Kooks), voire beaucoup plus loin dans la forêt…
Capables de s’adapter aux changements, d’oser et de prendre les bons tournants, Franz Ferdinand a résisté à l’usure du temps. Aux côtés des Sparks, au bras de Clara Luciani ou en compagnie de Philippe Zdar, le groupe a lustré l’héritage des Talking Heads avec abnégation et sex-appeal. De quoi assurer le spectacle et délivrer une avalanche de tubes post-punk. Compilés sur l’anthologie "Hits to the Head", les meilleurs morceaux de Franz Ferdinand sautillent toujours sur les hauteurs de la pop moderne. JAM. profite de cette sortie pour intercepter Alex Kapranos et Bob Hardy au saut du lit. Tasse de thé à la main, peignoir sur les épaules, la voix de Franz Ferdinand sourit à l’écran. L’interview peut commencer...

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Vous revenez dans l'actualité avec "Hits to the Head". Il s'agit d'un best-of qui, en quelques morceaux choisis, retrace près de 20 ans de carrière. Quelle était votre principale motivation à l'heure de publier cette compilation ?

Alex Kapranos: C'est un projet dont nous discutons depuis longtemps . Avec les limitations imposées par le format vinyle, nous avons revu notre copie à plusieurs reprises. Finalement, nous avons opté pour une double anthologie. Cela nous permettait de faire un tour d'horizon un peu plus conséquent. Pour nous, cette compilation est l'occasion de faire le point, de regarder une dernière fois dans le rétroviseur, avant de se tourner vers l'avenir. Ce best-of est donc une façon de tourner la page et d'aller de l'avant.

Comment avez-vous choisi les chansons qui composent "Hits to the Head" ?

Alex Kapranos: Pour l'essentiel, nos choix sont des évidences. Dans notre discographie, il y des tubes, mais aussi des morceaux qui fonctionnent particulièrement bien sur scène. "Outsiders", par exemple, n'a jamais été un single. Mais en concert, ce titre passe comme une lettre à la poste. Pour mettre cette anthologie sur les rails, nous sommes toujours partis des relations qui existent entre le public et les chansons. D'ailleurs, si nous devons jouer en tête d'affiche d'un festival dans les prochains jours, pas besoin de chercher notre setlist sur internet : il suffit de consulter la tracklist de cette compilation.

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La sortie d'un best-of laisse supposer que vous avez passé votre discographie en revue. Avec du recul, quel est votre album préféré ?

Alex Kapranos: Nos envies et préférences évoluent en fonction du contexte et de l'instant. Je ne pense pas avoir une réponse catégorique et systématique à donner à cette question. J’ai toutefois tendance à penser que mon favori reste "Tonight: Franz Ferdinand". C'est avec ce disque que nous avons commencé à expérimenter, à envisager de nouvelles possibilités de développement. À partir du moment où chaque album doit apporter une différence par rapport aux efforts précédents, je trouve que celui-là était particulièrement réussi. Et puis, bien sûr, il y a notre premier album qui, forcément, tient une place à part dans notre cœur.

Bob Hardy: À mon sens, le meilleur album de Franz Ferdinand, c'est le dernier. Cette réponse sonne un peu comme un cliché. Mais je pense très honnêtement que "Always Ascending" apportait un nouvel éclairage à notre musique. C'était un pas en avant, une étape supplémentaire dans notre évolution. Sur un plan créatif, c'était un climax dans ma carrière. Ce disque s'est dessiné de façon très instinctive entre Londres et Paris, lors de sessions avec Philippe Zdar...

Aviez-vous d’autres projets en cours avec Philippe Zdar avant sa disparition tragique ?

Alex Kapranos: Il y avait quelques trucs en chantier, mais rien de terminé. Nous aurions tellement aimé retravailler avec lui. C'était un professionnel exigeant, passionné et amusant. Toutes les personnes qui ont eu la chance de collaborer avec lui le diront : ce mec était une source d'inspiration. Philippe Zdar a joué un rôle important aux côtés de Franz Ferdinand. Parce qu'au moment où nous avons pris la décision de travailler avec lui, nous avions un genou à terre. Nick McCarthy venait de quitter le groupe. Il était guitariste, claviériste, compositeur et, surtout, membre fondateur. Son départ nous a plongés dans une période de doute. C'est à ce moment-là que nous avons fait écouter nos maquettes à Philippe Zdar. Il s’est directement montré excité et dithyrambique. Il n'arrêtait pas de nous chauffer, de nous déclarer son amour. En nous stimulant de la sorte, il a ramené Franz Ferdinand à la vie. Il voyait exactement qui nous étions, ce que nous voulions. Et surtout, il savait de quoi nous étions capables. Sans sa confiance et ses encouragements, Franz Ferdinand aurait pu couler... Je lui en serrai toujours reconnaissant.

Philippe Zdar a-t-il changé votre façon de faire de la musique et d'appréhender la réalisation d'un album ?

Alex Kapranos: À son contact, j'ai compris que le job d'un producteur n'était pas seulement de résoudre des problèmes techniques et de faire sonner un disque. Il faut en effet intégrer une dimension humaine. Philippe Zdar comprenait parfaitement tout ça. Pour lui, faire de la musique, c'était d'abord être avec les gens. Pour enthousiasmer le public, il savait qu'un groupe devait avant tout s'enthousiasmer pour sa propre musique. En cela, il tirait toujours le meilleur des personnes avec lesquelles il collaborait.

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Récemment, le groupe Los Bitchos s'est tourné vers vous pour produire son nouvel album. Quelle est l’histoire de cette collaboration ?

Alex Kapranos: J'ai toujours adoré la cumbia et les sonorités psychédéliques qui tournent autour de la cordillère des Andes. Sur notre album "Right Thoughts, Right Words, Right Action", on peut d'ailleurs retrouver une trace de cette passion. Le morceau "Brief Encounters" était en effet une tentative de faire sonner Franz Ferdinand comme un groupe de cumbia. Finalement, cela ne s'entend absolument pas...Mais à l'origine, c'était vraiment l'idée ! La collaboration avec Los Bitchos découle d'un heureux hasard. Rien n'était prémédité. En 2018, je suis allé voir des potes en concert. En première partie, il y avait Los Bitchos. Après le show, nous avons fait la fête ensemble et, quelques semaines plus tard, j'ai reçu un petit message de leur manager qui me proposait de produire un single avec les filles. J'ai accepté de le faire. En studio, le courant est super bien passé. Finalement, nous avons fait tout l'album ensemble.

Depuis vos débuts avec Franz Ferdinand, vous êtes fidèles à l'enseigne Domino Records (Jon Hopkins, Pavement, Arctic Monkeys). Avez-vous reçu et refusé des offres de grandes multinationales en cours de route ?

Alex Kapranos: Notre manager joue un rôle de tampon hyper important par rapport à toutes les sollicitations. Il nous a raconté que de gros labels étaient venus renifler nos affaires, mais il n'a jamais jugé bon de nous faire part d'une proposition concrète. Parce qu'il sait que nous la refuserons en bloc. Nous ne sommes pas intéressés par les offres financières des majors. Ce qui nous plaît dans ce métier, c'est de travailler avec des personnes compétentes, des personnes qui comprennent notre musique, notre ADN. Les gens de chez Domino sont des passionnés qui nous font confiance depuis le premier jour. Cette relation est réciproque. De nouveau, il y a une dimension humaine qui s'invite dans la réflexion. Quand nous souhaitons parler avec notre patron, par exemple, nous ne devons jamais prendre un rendez-vous ou passer par l'intermédiaire d'une secrétaire. Nous avons le numéro de GSM de Laurence Bell. On l'appelle, il répond. C'est aussi simple que ça. C'est rassurant de se dire que la musique n'est pas qu'un vaste business.

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En 2015, Franz Ferdinand a fait équipe avec les Sparks pour enregistrer l'album "FFS". Pourquoi ne trouve-t-on aucune trace de cet épisode sur "Hits to the Head" ?

Alex Kapranos: Pour nous, "FFS" n'est pas un disque de Franz Ferdinand. Il s'agit plutôt d'un projet parallèle imaginé par six personnes différentes. "FFS" est le fruit d'un effort collectif. A partir du moment où ce n'est pas un album entièrement composé par Franz Ferdinand, il n'y avait aucune raison de l'englober au casting de "Hits to the Heads".

La collaboration avec les Sparks était l'occasion de travailler avec un groupe qui a beaucoup compté pour vous. En interview, il vous arrive aussi de souligner l'influence de Jarvis Cocker (Pulp). Avez-vous déjà envisagé la possibilité d'enregistrer un album avec lui ?

Alex Kapranos: J'éprouve énormément d'admiration pour le travail de Jarvis Cocker. Pour l'instant, nous n'avons aucun projet en commun. Mais il existe tout de même trois épisodes dans notre histoire commune. À un moment, il était question d'enregistrer un clip avec Jarvis Cocker. Mais nos emplois du temps ne coïncidaient pas. Le projet est donc tombé à l'eau. Ensuite, nous devions enregistrer un morceau ensemble pour la B.O. du film "Harry Potter". Malheureusement, les sessions d'enregistrement étaient prévues en plein milieu de notre tournée américaine. Le plan n'a jamais vu le jour. En 2013, j'ai toutefois chanté en concert avec Jarvis Cocker à Londres. C'était à l'invitation de Beck, pour son projet "Song Reader", un livre de partitions que nous avons transposé ensemble sur scène.

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À l'été 2020, votre voix accompagnait celle de Clara Luciani sur une reprise de Lee Hazlewood. Comment cette collaboration a-t-elle vu le jour ?

Alex Kapranos: Nous nous sommes rencontrés à Aix-les-Bains lors du festival Musilac en 2019. En discutant musique, nous avons capté que nous aimions tous les deux les chansons enregistrées par Lee Hazlewood et Nancy Sinatra. Pour la blague, on s'est dit que ce serait cool de faire une reprise du titre "Summer Wine". Nous nous sommes pris au jeu et la collaboration a vu le jour quelques semaines plus tard.

Que se passe-t-il pour Franz Ferdinand après la sortie de "Hits to the Heads" ?

Alex Kapranos: Nous sommes en train d'écrire d'autres chansons en vue de sortir un nouvel album. Nous avons l'impression d'être chanceux. Notre cycle créatif n'a pas trop souffert de la pandémie. Notre dernier album est sorti en 2018. Nous avons eu la chance d'achever notre tournée avant que tout ne bascule.  Même si nous avons eu l'impression de perdre deux ans de notre vie, nous relativisons en nous disant que ça aurait pu être pire... Nous songeons souvent à tous les groupes qui ont sorti un premier album pendant la crise sanitaire, par exemple. Pour eux, c'est une véritable tragédie.

Maintenant que vous avez sorti votre propre "best of", peut-on connaître vos préférences en matière de "Greatest Hits" ?

Alex Kapranos: De mon côté, je choisis "ChangesBowie", une compilation sortie au début des années 1990. Puis, le "Greatest Hits" de Queen me paraît assez incontournable.


Bob Hardy: Pour ma part, j'opte pour les deux compilations des Beatles : l'album rouge (1962–1966) et l'album bleu (1967–1970).

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