Fraude sociale et traite d’êtres humains : une transaction pénale de 30 millions d’euros "qui pose question" entre Jost et le parquet fédéral

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C’est le plus gros transporteur de marchandises de Wallonie. Le 3e plus gros transporteur du pays. Jost Group emploie aujourd’hui près 3300 chauffeurs, dont plus d’un tiers provient des pays d’Europe de l’Est. Jost Group, c’est aussi 1400 camions, 3000 remorques et 500.000 mètres carrés d’entrepôts, avec un siège social au Luxembourg. Des activités en Belgique et à l’étranger. Chiffre d’affaires annuel : plus de 350 millions d’euros. Une vraie success story, si celle-ci n’était pas ternie par des soupçons de fraude sociale, de blanchiment d’argent et de traite d’êtres humains.

30 millions d’euros d’amende et 6 mois de prison avec sursis

Une enquête du parquet fédéral a été ouverte en 2015. Le patron Roland Jost et plusieurs collaborateurs ont même fait de la détention préventive. On parle, selon nos sources, de dizaines de millions d’euros détournés et de traitements dégradants à l’égard de nombreux camionneurs des pays de l’Est, dont environ 900 chauffeurs roumains.

Aujourd’hui, après plus de 6 ans d’instruction, on apprend que le parquet fédéral et le transporteur Jost se sont mis d’accord sur une transaction pénale. Pour ce qui concerne les préventions de fraude sociale et de blanchiment d’argent, Jost Group accepte de payer 30 millions d’euros, dont 27 millions reviendront directement à la sécurité sociale.

A cela, il faut ajouter 6 mois de prison avec sursis pour Roland Jost et 2 de ses plus proches collaborateurs. Cette sanction fait suite à une reconnaissance de culpabilité de leur part en ce qui concerne le volet " traite des êtres humains " du dossier. En échange, le transporteur voit les poursuites pénales s’arrêter là.

L’accord doit toutefois encore faire l’objet d’une confirmation de la chambre du conseil de Liège qui se réunira dans le courant du mois de décembre.

Contacté, le parquet fédéral préfère rester prudent. "Nous vous confirmons que, si accord il y a, il faut d’abord que celui-ci soit validé par la chambre du conseil", nous précise son porte-parole Eric Van Duyse. Du côté du Group Jost aussi, la discrétion est de mise. "Pas de commentaire", nous a répondu ce matin Véronique Hustin, la chargée de communication.

C’est la preuve que le groupe Jost a bel et bien fraudé

Beaucoup plus prolixe, la CSC Transcom. "Cette transaction pénale est une surprise totale", explique Roberto Parillo son responsable général. "Si la chambre du conseil valide cet accord, c’est d’abord et avant tout la preuve que Jost a fraudé. Cela fait pourtant des années qu’il dit qu’il est clean. Eh bien non, désormais c’est officiel, et lui-même le reconnaît, il a bel et bien fraudé".

Mais ce qui interpelle aussi le syndicaliste, c’est le montant de l’amende. "30 millions d’euros ! C’est une somme importante. Mais imaginez un peu à combien s’élève le montant réel de la fraude ? 150 ? 200 millions ? On se pose des questions".

Et puis il y a la question de la poursuite ou non des pratiques de dumping social dans le chef de l’entreprise Jost. Vont-elles s’arrêter une fois la transaction pénale entérinée ?

Vers la fin du dumping social chez Jost ?

Cela fait des années que le group Jost achemine tous les 15 jours des chauffeurs roumains par avion en Belgique via Maastricht en Hollande. Malgré l’enquête du parquet fédéral, la pratique n’a jamais cessé.

Le procédé permet à la société de transport d’engager des chauffeurs au contrat roumain, environ 400 euros par mois, via une filiale en Roumanie. Et de leur faire faire du transport international.

Le reste de leur paye s’effectue en indemnités journalières, qui elles, sont exonérées de charges sociales et patronales. "Ces centaines de travailleurs roumains qui travaillent chez Jost pour des salaires de misère, est-ce qu’ils vont continuer à être exploités comme des esclaves ou bien est-ce que cela va s’arrêter", se demande Roberto Parillo. "Voilà une question importante à laquelle je ne peux pas répondre pour le moment".

La CSC le promet. Elle continuera à suivre ce dossier de près. Notamment dès le mois de décembre prochain lorsque la chambre du conseil validera ou nom cette proposition de transaction.

Sujet du JT sur la saisie de camions (2019)

Début de la saisie des camions chez Jost à Herstal

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