Dans un courrier, daté de jeudi, l’entreprise indique ne pas pouvoir assurer ses obligations en raison de circonstances "extraordinaires". Les opérations de maintenance ont bon dos. Il faudra vois si le gazoduc pourra redémarrer comme prévu ce jeudi ou au contraire si le chantage russe monte dans les tours.
En opposant la force majeure à sa clientèle, le géant russe qui jouit d’un monopole sur les exportations nationales par gazoduc entend éviter de devoir verser des compensations pour défaut d’approvisionnement.
La Russie prétexte donc un motif technique pour ne pas reprendre ses livraisons et ainsi faire pression sur les Occidentaux dans le contexte de la guerre en Ukraine et des sanctions prises envers la Russie.
Uniper, un géant menacé par la faillite
Le courrier a été notamment envoyé à Uniper, le premier importateur et stockeur de gaz en Allemagne. Uniper, c’est plus de 11.000 employés, un géant issu de la scission en 2016 des activités fossiles d’E.ON, coté en Bourse à Francfort, détenu majoritairement par un groupe finlandais et actif surtout en Allemagne et en France.
La filiale Gazprom Export invoque la force majeure avec effet rétroactif pour justifier les manquements passés et présents en approvisionnement. Une formulation que l’entreprise allemande réprouve. Cette nouvelle la met en effet dans une très mauvaise posture. Avec les interruptions continues d’approvisionnement en gaz russe, Uniper a perdu beaucoup d’argent. Pour honorer ses contrats de livraisons, l’entreprise a dû acheter du gaz sur le marché où les prix ont explosé.
Et donc le groupe perd des "dizaines de millions d’euros" chaque jour, avait prévenu récemment son PDG, Klaus-Dieter Maubach. Pour parer au plus pressé, Uniper a demandé à être renfloué par les pouvoirs publics. Elle a déjà reçu une ligne de crédit de 2 milliards d’euros de la banque publique allemande KfW, mais cette avance est aujourd’hui épuisée. Des discussions continuent en vue d’une entrée de l’Etat au capital à hauteur de 25 voire 30% du capital.
Mais les négociations coincent entre le gouvernement allemand et l’actionnaire majoritaire de Uniper, Fortum, détenu à environ 51% par l’Etat finlandais. Berlin souhaiterait que Fortum participe lui aussi au plan de sauvetage, mais Fortum dit avoir déjà allongé 8 milliards d’euros et les Finlandais préfèrent une restructuration pour placer les activités à risque dans une société propriété du gouvernement allemand. Une décision est attendue avant la fin du mois. Les jours qui viennent seront décisifs.
Faudra-t-il sauver les fournisseurs du gaz, comme les banques l’avaient été après la crise financière de 2008 ? Si Uniper était précipitée à la faillite, on craint en Allemagne des faillites en cascade comparables à un "Lehman Brothers" de l’énergie. Une catastrophe pour l’Allemagne avec peut-être des répercussions au niveau européen.
L’Europe tente de stocker et de trouver des fournisseurs autres que la Russie
La saga Uniper n’est sans doute que la partie émergée de l’iceberg. C’est tout l’approvisionnement en gaz de l’Europe qui est pris en otage. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a encouragé les pays européens à "tout faire" pour diminuer leur consommation de gaz afin d’éviter un "hiver rude".
Première piste : le gaz livré mais non consommé pourrait ainsi être stocké pour les prochains mois. "Si des mesures ne sont pas prises maintenant, l’Europe se trouvera en position de vulnérabilité et sera bientôt forcée d’imposer des réductions drastiques", a prévenu le directeur de l’Agence, Fatih Birol, qui a souligné la nécessité de se montrer solidaires entre pays européens pour faire face à la crise énergétique.
Dès demain, mercredi, la Commission européenne dévoilera son agenda pour sortir de la crise énergétique. Il faut s'attendre à un dispositif assez contraignant de réduction de la consommation: la Commission proposera les quotas, les Etats-membres décideront de les appliquer à la majorité qualifiée.