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Gestion de la crise de l’asile à Bruxelles : "Il faut que les différents niveaux de pouvoir se parlent"

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Par Anthony Roberfroid, d'après une interview de Anne-Sophie Bruyndonckx

Le numéro 48 de la rue des Palais, à Schaerbeek, est occupé depuis plusieurs mois par plusieurs centaines de demandeurs d’asile. Ces derniers se sont retrouvés là car ils n’avaient pas bénéficié de places dans les centres Fedasil, l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile, bien qu’ils y avaient droit.

Aujourd’hui, on sait qu’environ 700 de ces personnes ont finalement été accueillies, mais il reste encore du monde sur place, et ces personnes vont devoir déménager ce mardi.

Il reste encore plusieurs dizaines de demandeurs d’asile dans le Palais des droits qui va être démantelé cette semaine : "Environ 300 personnes ont été dénombrées vendredi soir. Notre objectif est de pouvoir restaurer leurs droits et leur donner accès à un hébergement digne", explique François Bertrand, directeur de Bruss’Help, une association chargée de coordonner les dispositifs d’aide d’urgence et d’insertion aux personnes sans abri en Bruxelles-Capitale. C’est Bruss’help qui a été mandaté par la région pour assurer l’évacuation sociale du lieu.

"Il faut savoir que la situation là-bas était largement devenue insupportable pour ces personnes. Ce n’était pas du tout des conditions conformes à la dignité humaine", détaille le président de l’ASBL. Il y a peu, un rapport de l’inspection sanitaire pointait des graves problèmes de santé. Des cas de gale, de tuberculose et de diphtérie y ont notamment été détectés.

Un départ encadré

Dans ce vaste immeuble de bureaux vide ayant appartenu au SPF Finances, jusqu’à près de 1000 personnes y ont partagé les lieux au même moment en décembre. Ce mardi, les derniers occupants quitteront les bureaux : "Demain, les équipes de Bruss’Help seront présentes avec une équipe spécialisée pour l’intervention dans ce type de lieux. Il y aura des médecins, des infirmiers et des assistants sociaux qui vont au contact et qui sont déjà au contact depuis de nombreux mois. Ils ont donc un lien de confiance avec ces personnes et on va les orienter dans un premier temps vers un centre à Schaerbeek pour un screening médical des personnes, puis Bruss’Help va dispatcher dans les différents centres d’hébergement sans abri d’urgence", annonce François Bertrand.

Reste que la répartition de ces sans-papiers et demandeurs d’asiles et la suite des événements ne sera pas simple : "le vrai enjeu à partir de demain et pour les mois à venir, c’est que les personnes demandeuses de protection temporaire puissent accéder au réseau Fedasil. Et pour l’ensemble, c’est construire des parcours et un projet migratoire. C’est un projet au plus long cours dans lequel Bruss’Help est investi ou va s’investir. Les discussions sont en cours entre le fédéral et la Région à ce propos-là."

"Il y a une forte hausse des migrations dans notre pays comme dans les autres, et je pense que c’est un phénomène qui va continuer", estime le président de l’ASBL.

Cette prédiction, il l’explique par deux phénomènes. Le premier est le contexte géopolitique : "On est dans un contexte belliqueux au niveau européen et un contexte de changement climatique qui va pousser des populations à fuir des conflits, à fuir des persécutions. Cette hausse est de plus de 20% par rapport à ce qu’on a connu antérieurement, avant 2022. Et donc, le réseau Fedasil se retrouve saturé."

Le second touche plus précisément la situation centrale de Bruxelles et l’afflux important de personnes au sein de la Capitale de l’Europe : "Un deuxième chiffre clé, c’est que le point problématique se situe en Région Bruxelles-Capitale, parce que les personnes vont y arriver et ne vont pas être accueillies directement par Fedasil. Pour vous donner une idée, un récent comptage au sein des centres sans abri classiques d’urgence donne près de 1500 personnes sans titre de séjour. Presque 70% de l’ensemble des personnes prises en charge et accueillies en Région bruxelloise sont des personnes issues des migrations. C’est donc là vraiment le point d’enjeux pour les prochaines années et les prochains mois".

Un accord de convention avec Fedasil

Bruss’Help est aujourd’hui sur le point de conclure une convention avec Fedasil. Les négociations sont pour l’instant en cours mais si elles aboutissent, l’ASBL serait chargée de coordonner l’accueil de ces demandeurs d’asile en les plaçant dans des centres d’accueil. Une manière pour Bruss’Help de devenir le chaînon manquant dans cette histoire : "Ici, le but est de mettre ensemble les personnes autour de la table, les différents niveaux de pouvoir afin de déterminer quel est le projet au niveau de la Région bruxelloise pour que chaque personne ait une trajectoire qui envoie dans un premier temps à de l’hébergement digne", indique François Bertrand.

Fedasil et l’État belge ont été condamnés des centaines de fois pour ne pas avoir offert de places d’accueil à des demandeurs d’asile. Une constatation qui pourrait laisser penser qu’améliorer la gestion des demandeurs d’asile sera compliqué.

Pour Bruss’Help, "le but n’est pas de faire mieux qu’eux, mais c’est de faire autrement avec eux", note son président. Selon lui, des modifications de fonctionnement sont possibles : "La première d’y arriver, c’est déjà que les différents niveaux de pouvoir se parlent, ce qui n’est pas évident et ce qui n’est finalement pas courant en Belgique. Ça pose toujours des problèmes. Le deuxième aspect, c’est de pouvoir miser sur les communautés elles-mêmes, sur les personnes elles-mêmes. Durant les dernières législatures, les dernières années, on voit que les personnes sont souvent spectatrices au service de leur propre cause, voire parfois instrumentalisées. Et on a vu, dans le cadre de la gestion de crise Ukraine, qu’en investissant ses propres communautés dans les schémas d’aide, ça fonctionnait mieux. Le but n’est donc pas de faire mieux, mais c’est de faire autrement et ensemble", détaille-t-il.

Reste que pour accueillir tous les demandeurs d’asiles, il faudra trouver des logements. Mais François Bertrand se montre optimiste : "Pour la crise ukrainienne, il y a donc pile-poil un an, près de 3000 capacités ont été activées. La volonté, les techniques et les services publics derrière sont donc à l’œuvre, ils l’ont prouvé ici pour la crise ukrainienne, et donc je pense qu’ils peuvent le prouver pour l’ensemble des publics précarisés".

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