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Gilets jaunes, retraites et coronavirus : Macron et son bilan économique coupé en deux

Par Quentin Warlop

A trois mois des élections présidentielles, Emmanuel Macron ne s’est pas encore lancé dans le grand bain de la campagne. Mais son annonce ne fait plus aucun doute après des déplacements dans plusieurs villes de France en décembre, une interview en Prime Time sur TF1, le 15 décembre dernier, et des vœux prononcés sous le signe de la continuité. Le Président sortant a déjà fait le bilan. Son bilan. Mais allons plus loin en faisant le sien. Sans lui.

Un quinquennat et trois grands évènements

2017-2022. 5 ans. Un quinquennat pour Emmanuel Macron marqué par trois grands évènements. La crise des Gilets jaunes, la réforme des retraites et la crise du coronavirus.

Un peu plus d’un an après son élection, il doit déjà faire face à un mouvement de contestation. Celui d’un mouvement de protestation non structuré apparu en octobre 2018 suite à l’augmentation des prix des carburants. Des manifestations autour de ronds-points, un peu partout en France. Au total, environ trois millions de Français y auront participé. Un mouvement qui se veut pacifique mais qui n’empêchera pas des débordements comme à Paris ou dans d’autres villes de France. Des violences du côté des manifestants. Mais du côté policier, aussi.

Evelyne Libéral est l’une des premières Gilet jaune en France. Elle se dit encore active et revient avec deux amies du mouvement sur le rond-point de Cambrai : "Ici, on est sur une zone stratégique. Il y a beaucoup de passage. On a été jusqu’à 4300 à manifester et à bloquer le passage. L’idée, c’était de faire plier le gouvernement." Selon l’INSEE, le mouvement est associé à la perte d’environ 0,1 point de croissance au quatrième trimestre 2018, soit un impact économique " modéré ", équivalent à celui des grèves SNCF et Air France sur les résultats économiques français du deuxième trimestre 2018. Mais le mouvement s’est essoufflé, de semaine en semaine. Puis, il y a eu l’arrivée du coronavirus et des restrictions.

Chômage au plus bas

Pourtant, le chômage en France est au plus bas depuis près de 15 ans. Il flirte aujourd’hui avec les 8%. "Globalement, la situation économique n’est pas si mauvaise que cela." explique l’économiste Eric Heyer. " Surtout si on se compare à d’autres pays. Mais les tensions sociales sont un peu plus tendues qu’elles ne l’étaient en 2017. "Philippe Crevél, lui aussi économiste, rajoute : "La France n’a pas retrouvé toute son aura économique mais elle ne se porte pas plus mal qu’en 2017."

Evelyne Libéral, elle, a son explication : "En France, Emmanuel Macron, c’est le Roi de la formation. Il faut savoir que toutes les personnes qui sont en formation ne sont plus considérées comme demandeurs d’emploi. Par contre, ceux qui sont en formation ne sont payés que 280€ par mois. Pour vivre avec cela, c’est un peu plus compliqué." Une raison de plus pour elle d’ajouter que, pour elle, le mouvement n’est pas mort : "Il est fort possible qu’on soit de retour bientôt aux ronds-points. Je ne vous dis quand, ni comment. Mais, en tout cas dans la région de Cambrai, nous allons nous remobiliser. Dans l’optique de la campagne, nous devons nous remobiliser."

Si le chômage est au plus bas en France, il y aura bien eu un avant et un après 'Covid' pour Emmanuel Macron.
Si le chômage est au plus bas en France, il y aura bien eu un avant et un après 'Covid' pour Emmanuel Macron. © AFP or licensors

Un avant et un après Covid

Pour l’économiste Eric Heyer : "Il y a deux parties dans son quinquennat. La première, c’est l’avant-covid. Le Président qui réforme de façon un peu libérale et qui réduit les déficits mais avec des inégalités qui augmentent. La deuxième partie du quinquennat, par contre, il ouvre les vannes budgétaires. Les déficits augmentent et repartent à la hausse. Le pouvoir d’achat est maintenu mais avec des réformes qui sont suspendues." Car pour soutenir les entreprises et leurs travailleurs, Emmanuel Macron va utiliser la formule du "Quoi qu’il en coûte !". Et cela va sauver des entreprises. Comme près de Valenciennes où Christophe Chirir a pu sauver la sienne. Sa société travaille les métaux comme l’acier, l’aluminium, l’inox et le galvanisé par pliage, découpe laser et par soudure. Avant la crise, ils étaient 18. Aujourd’hui, ils sont 13 mais l’entreprise est sauvée. "Concrètement, tous mes salariés ont pu bénéficier du chômage partiel pendant une grande partie de l’année 2020. Leur chômage partiel a été pris en charge à 100% par le gouvernement." L’Etat a pu aider les entreprises avec des PGE, des "prêts garantis par l’Etat". "Ces PGE nous ont permis de continuer à payer nos loyers, nos charges alors que l’activité était pratiquement à l’arrêt pour que l’économie ne soit pas totalement à l’arrêt." Il rajoute : "Sans ces aides, je ne sais pas si on serait encore là. Parce que ces aides sont venues remplacer un chiffre d‘affaires qu’on n’avait pas."

Et aujourd’hui, l’activité a redémarré. "Aujourd’hui, on a un chiffre d’affaires qui remonte. Mais on n’est pas encore arrivé à ce que l’on avait avant la pandémie. Cela va se faire crescendo. On vient par exemple d’embaucher un soudeur récemment. Mais cela ne remplace pas toutes les personnes qui sont parties."

Les Pour et les Contre

La situation économique de la France et des Français est-elle meilleure aujourd’hui qu’il y a cinq ans ? Dans la rue, chacun a son avis sur la question : "C’est positif pour moi. Mais tout le monde n’a pas le même avis que moi." explique Michel, retraité depuis quatre ans. Son ami Roger n’est pas vraiment du même avis. "Evidemment la pandémie, il n’est pas responsable. Mais on a connu un quinquennat cauchemar. Economiquement, il sait y faire. C’est un leader européen." explique ce parisien de 64 ans. "Mais individuellement, je trouve que son quinquennat a été très dur. Et moi, personnellement, je trouve que mon pouvoir d’achat a baissé et mon niveau de vie, aussi. Nous vivons une période insupportable." rajoute-t-il.

Si la cote de popularité d’Emmanuel Macron est encore bonne, il aura bien eu du mal à se défaire de l’image de 'Président des Riches' qui lui colle à la peau depuis près de cinq ans.
Si la cote de popularité d’Emmanuel Macron est encore bonne, il aura bien eu du mal à se défaire de l’image de 'Président des Riches' qui lui colle à la peau depuis près de cinq ans. © AFP or licensors

« Pas le Président des Riches ! »

Emmanuel Macron, le Président sortant, demande "le droit de ne pas être la caricature dans laquelle on veut (l') enfermer ", comme celles de président déconnecté de la vraie vie des Français ou de président des riches. "Je n’ai jamais été ça ! […] Mes valeurs ne sont pas celles d’un président des riches", insiste-t-il.

Pour l’économiste Philippe Crével : "Emmanuel Macron a été rattrapé par les évènements. La crise des gilets jaunes, puis les manifestations liées à la réforme des retraites. Puis, un évènement planétaire avec la crise du coronavirus qui a complètement chamboulé sa politique. On ne peut donc pas apprécier son bilan sur celui d’un quinquennat mais plutôt sur un demi-quinquennat. Ou d’un quinquennat sous multiples contraintes."

L’échec de la Réforme des Retraites

S’il y a bien un échec et une épine dans le pied d’Emmanuel Macron, c’est bien la réforme des retraites. Annoncée dès la campagne présidentielle de 2017, il fait tout pour l’imposer et la mettre en place. Une réforme qu’il sait impopulaire. "Les Français se sont dit : un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous mais il va falloir travailler plus longtemps, jusqu’à 64 ans. Et en France, il y a une vraie aversion sur l’idée de reporter l’âge de la retraite." analyse Philippe Crével. Mais il sera, une nouvelle fois, rattrapé par les évènements. "Le Président de la République a été contraint, non pas à cause des manifestations, mais à cause de la crise sanitaire de mettre en suspend sa réforme. Et de la reporter, le cas échéant, après l’élection présidentielle. Oui, là, le Président de la République a échoué sur ce projet." conclut-il.

Emmanuel Macron sera-t-il réélu pour un nouveau mandat ? Réponse le 24 avril prochain…

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