Justement, les sujets qui fâchent, c’est le respect des droits. Et ce qui apparaît clairement, c’est que les premières décisions du nouvel exécutif italien ne sont pas rassurantes.
"En effet. Rappelons d’abord que ce gouvernement est quand même composé à 75% de ministres souverainistes, nationalistes, conservateurs et pour certains néofascistes ; c’est important de le rappeler. Donc, personne en Italie ne s’attendait à ce que les premières décisions soient identiques à celles d’un gouvernement modéré ou progressiste.
Étant donné que sur l’économie, on vient de le voir, l’inflation, l’énergie et les décisions dépendront de ce que Giorgia Meloni obtiendra avec son dialogue avec la Commission européenne, les premières actions de ce gouvernement sont des espèces de drapeaux identitaires qu’ils ont commencé à planter pour bien marquer leur différence et contenter leur électorat d’extrême droite. Alors, l’un de ces drapeaux, c’est la discipline.
Ainsi, lundi, le gouvernement a adopté un décret contre les rave parties, car ce week-end, à Modène, 3000 jeunes ont pris part à une rave party Halloween. Une rave party, ce sont des retrouvailles spontanées dans un champ ou dans un entrepôt de milliers de jeunes sur fond de musique techno avec alcool et drogues présents.
Que prévoit ce texte et pourquoi est-il précisément un danger pour la liberté ?
"D’abord, plutôt que d’utiliser les normes existantes dans le Code pénal italien, l’extrême droite a décidé d’écrire une nouvelle loi avec un nouveau crime sur l’occupation non autorisée, qui dit que si un groupe de 50 personnes ou plus envahit un immeuble ou un terrain sans autorisation et que ce groupe met en danger l’ordre public ou la santé d’autrui, il est punissable d’une peine de prison jusqu’à six ans de détention et d’une amende de 10.000 euros. C’est énorme.
Le hic, c’est que la norme ne fait pas référence explicitement aux rave parties, et donc c’est ouvert à toutes les interprétations qui limiteront le droit à la manifestation. Et bien sûr, c’est là le problème. Pour Nicola Fratoianni, un élu de l’opposition de gauche, "C’est une norme très ambiguë. À qui sera-t-elle appliquée, cette norme ? Elle est présentée comme un outil pour s’attaquer aux rave parties, comme si cela était le principal problème de l’Italie en ce moment. Mais très probablement, elle risque d’être utilisée dans d’autres cas pour des manifestations, des occupations dans les universités ou des flashs mobs."
Dans les universités ?
"En effet, car 50 personnes qui décident de manifester, c’est deux classes dans une école, dans une université, de manière spontanée, qui risquent donc gros avec cette nouvelle loi. Une limite à la liberté de manifester que l’opposition va évidemment contraster au Parlement, car beaucoup en Italie crient déjà à l’État policier. Dans les journaux ce matin, même des élus du parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia, annoncent qu’ils veulent aussi modifier le texte, mais elle affirme être très fière de cette nouvelle norme."
Et si on résume, on a l’impression que Meloni veut montrer patte blanche en Europe et que c’est en interne qu’elle entend montrer ses différences.
"Oui, cela semble très clair maintenant, et non seulement avec cette nouvelle loi.
J’aimerais quand même juste faire une petite parenthèse : en 2012, la Russie de Vladimir Poutine avait aussi commencé par agir avec une loi pour punir les manifestations avec des peines de prison. Alors, c’est vrai qu’en Italie, on n’en est pas là. Giorgia Meloni n’en est pas là mais elle veut montrer qu’elle entend bien mettre en œuvre son programme électoral.
Et clairement, la limitation des libertés ne touchera pas l’Italien moyen, mais tous ceux qui, aux yeux de l’extrême droite, font tache, ceux qui ne marchent pas dans les rangs, les migrants, les anarchistes, la gay pride demain, et on va rapidement voir si la démocratie italienne a les anticorps pour résister."