Giro

Giro 2023 : les enseignements du duel entre Remco Evenepoel et Primoz Roglic au Tour de Catalogne

Par Jérôme Helguers

Sur papier, la 106e édition du Giro tend à proposer un duel pour le maillot rose entre deux coureurs : Primoz Roglic et Remco Evenepoel. La liste des prétendants est évidemment plus étoffée avec les Aleksandr Vlasov, Geraint Thomas, Tao Geoghegan Hart, João Almeida, Jay Vine ou Giulio Ciccone, mais Primoz et Remco sont, de loin, les deux grands favoris. Notamment suite à leur duel à couteaux tirés, en mars dernier, sur le Tour de Catalogne. En amorce du Tour d’Italie, on revient sur cette course à étapes espagnole et on en tire les enseignements.

Quand débute le Tour de Catalogne le 20 mars, le rendez-vous a tout d’une préparation, et d’une répétition, avant le Giro. Sur la liste des partants, on retrouve en effet plusieurs acteurs du prochain Tour d’Italie (Primoz Roglic, Remco Evenepoel, Geraint Thomas, João Almeida ou encore Giulio Ciccone). "Nous battre contre les meilleurs, cela va permettre de nous situer en vue du Giro. C’est un grand test pour mon équipe, mais pas nécessairement pour moi personnellement, car ce n’est pas nécessaire de gagner. C’est plus pour l’équipe, pour voir comment nous sommes et comment on travaille en équipe. C’est bien de me tester, mais s’il y a un mauvais résultat cette semaine, je ne vais pas paniquer pour le Giro car il y a encore du temps", déclare Remco à quelques heures du départ.

Roglic et Evenepoel collés roue dans roue

Pour le coureur slovène et le champion du monde, ce sont les retrouvailles après leur duel sur la Vuelta. Roglic (qui vient de remporter Tirreno-Adriatico) et Evenepoel (vainqueur, lui, au Tour des Émirats) arrivent avec le même discours : "Ce Tour de Catalogne ne se résumera pas à une bagarre entre nous deux". Discours de façade rapidement contredit.

Dès la 1ère étape, alors que l’on s’attend à voir les sprinteurs émerger, Roglic et Evenepoel se disputent finalement le premier maillot de leader au sprint ! Le leader de la Jumbo-Visma s’impose avec moins d’une demi-roue d’avance. De son côté, Remco peste car il était sans doute le plus rapide mais il était nettement moins bien placé et a perdu du temps et de l’énergie à remonter les autres concurrents. Le Slovène, lui, savoure. Après avoir été dominé sur la Vuelta 2022, il parvient à devancer Remco. Roglic 1-0 Evenepoel.

Le deuxième jour de course, l’étape arrive au sommet. Un trio s’isole pour se disputer la victoire : Primoz Roglic, Remco Evenepoel et Giulio Ciccone. Le Belge fait le forcing dans les derniers mètres mais un virage mal négocié et un trop-plein d’acide lactique l’empêchent de lever les bras. Il est troisième derrière Ciccone (vainqueur d’étape) et Roglic.

Le lendemain, nouvelle arrivée en haut d’un col pour la 3e étape. Remco est toujours aussi remuant et cette fois, son explosivité paie. Il décroche légèrement Roglic de sa roue et lève les bras avec deux secondes d’avance. Les deux hommes sont exactement dans le même temps mais Primoz conserve le maillot (grâce aux places). Roglic 1-1 Evenepoel.

Primoz joue avec les nerfs de Remco

Après une étape de transition disputée au sprint, la cinquième journée de course est synonyme d’étape reine. Dans l’ascension finale de 8,4 km à 9% de moyenne, Primoz Roglic reste en permanence dans la roue de son dauphin. Il ne sort que dans les derniers mètres pour lâcher le Belge et creuser un écart de six secondes. Roglic 2-1 Evenepoel.

Le lendemain, piqué au vif, le champion du monde tente à nouveau quelque chose dans la 6e étape. Il sort du peloton mais ne parvient pas à se débarrasser du Slovène, collé à la glue dans sa roue arrière. Primoz Roglic joue avec les nerfs de son adversaire, refuse de collaborer et de relayer. Agacé, Evenepoel finit par se relever, non sans signaler à son rival son mécontentement.

Tout se joue donc dans la 7e et dernière étape qui emprunte, à plusieurs reprises, les pentes du Montjuic. Et comme depuis le début de ce Tour de Catalogne, la journée se résume à un duel entre Roglic et Evenepoel. Le coureur de la Soudal Quick-Step gagne la dernière étape. Roglic 2-2 Evenepoel. Mais le classement général revient à Primoz. Roglic 3-2 Evenepoel.

Ce sont surtout les bonifications qui m’ont fait perdre la course

En une semaine de course, les deux protagonistes ont offert une lutte exceptionnelle, à coups d’accélérations, de sprints et de bonifications. Tout s’est joué à la seconde près. Et même si Remco s’est parfois montré nerveux face à l’attentisme de son adversaire, l’affrontement est resté courtois. "Ce n’est pas que je sois fâché. Pas du tout. C’est la course", déclarait Evenepoel. Réponse de Roglic : "Courir contre Remco n’est jamais ennuyant".

Au terme de la semaine catalane, Remco Evenepoel tirait un bilan positif. "Deux victoires d’étapes, deux fois deuxième, une fois troisième. Donc il n’y a pas beaucoup de choses qui sont négatives. Terminer deuxième, avec seulement six secondes de retard sur Roglic, c’est comme si on terminait dans le même temps. Ce sont surtout les bonifications qui m’ont fait perdre la course. Mais il y a beaucoup de choses positives. L’équipe était là, moi j’étais là, le staff était là aussi dans la voiture prêt à faire de bonnes choses".

Avantage moral pour Roglic ? Pas sûr...

Quels enseignements peut-on tirer après ce mano à mano au Tour de Catalogne ? On peut se dire que l’ascendant psychologique penche légèrement du côté de Primoz Roglic. Au final, c’est le Slovène qui enlève le classement général, il repart donc dans la peau du vainqueur. De son côté, Remco est battu, mais d’un point de vue mental il n’avait probablement pas besoin de cette victoire. Contrairement à son adversaire qui ruminait toujours son abandon au Tour d’Espagne. Mais au départ du Giro, ce duel en Catalogne semblera déjà bien loin. Les deux leaders auront autre chose en tête.

Remco Evenepoel a démontré de remarquables progrès sur ses qualités d’explosivité. Roglic reste légèrement au-dessus sur cette caractéristique bien spécifique, mais le champion du monde a désormais de quoi rivaliser. "Dans le sprint final, surtout en montées je dois être un peu plus patient et avoir plus confiance en mon dernier punch, les derniers 200/150 mètres. Je suis un des plus rapides dans l’exercice et j’ai commis une erreur en partant parfois de trop loin, à 300 mètres, plutôt qu’un peu plus tard. Mais c’est mieux de faire les erreurs ici plutôt qu’au Giro", reconnaissait Evenepoel.

Pas de contre-la-montre en Catalogne, trois chronos au Giro !

En fait, la victoire en Catalogne s’est surtout jouée via les bonifications. Remco a peut-être été trop généreux dans l’effort comparé au grand calculateur qu’est Primoz Roglic. Mais sur une course de trois semaines comme le Giro, cet aspect-là sera moins prépondérant. Si Evenepoel veut renverser Roglic, il devra probablement tabler sur cette longueur, fatiguer le Slovène, l’épuiser en imposant un rythme 'rouleau compresseur' qu’il apprécie tant.

Notons aussi que ce Tour de Catalogne ne comprenait pas le moindre chrono, un exercice où sur papier, il peut devancer le Slovène. Au Giro il y aura trois étapes de contre-la-montre individuel, pour un total de 70,6 kilomètres !

Tout cela sans oublier, évidemment, les facteurs moins maîtrisables comme la chute, le problème mécanique ou la malchance. Et dans ce domaine, Primoz Roglic a tout expérimenté ces dernières saisons.

Cyclisme : Remco Evenepoel (à gauche) et Primoz Roglic (à droite) se saluent sur le podium du Tour de Catalogne. Les deux hommes vont à nouveau être adversaires sur le Giro, en Italie.
Cyclisme : Remco Evenepoel (à gauche) et Primoz Roglic (à droite) se saluent sur le podium du Tour de Catalogne. Les deux hommes vont à nouveau être adversaires sur le Giro, en Italie. © AFP or licensors

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous