Dans ses Carnets d’opéra, Nicolas Blanmont nous parle d’Il Giustino (1724) d’Antonio Vivaldi, à voir jusqu’au 6 décembre sous la direction de René Jacobs au Staatsoper de Berlin.
Même s’ils ont désormais les honneurs du disque, les opéras de Vivaldi restent à la scène. A 76 ans, René Jacobs s’y risque pour la première fois, et son coup d’essai est un coup de maître. Dans la belle salle du Staatsoper Unter den Linden — qu’il fréquente depuis trente ans maintenant — le chef belge propose sa version de Il Giustino, opéra créé par Vivaldi en 1724 au Teatro Capranica de Rome sur un livret écrit quarante ans plus tôt pour Giovanni Legrenzi. L’histoire est celle de Giustino, paysan à la bravoure stupéfiante qui va sauver successivement Leocasta puis Arianna, la sœur et l’épouse de l’Empereur Anastasio, mais aussi vaincre son ennemi Vitaliano. Ce succès n’ira pas sans jalousie, Giustino se verra injustement emprisonné et menacé de mort mais il finira par triompher, trouvant au passage l’amour en la personne de Leocasta, et un frère perdu en la personne du méchant Vitaliano.
Trois heures de musique d’une incroyable diversité, enrichie encore par le sens théâtral de René Jacobs, servie par une distribution de grande qualité et dans une mise en scène inventive et divertissante — quoique parfois trop chargée — de Barbara Horakova. Et si, à Rome, Vivaldi avait dû confier tous les rôles à des chanteurs masculins (c’est l’époque où les femmes étaient interdites sur scène !), il y a ici quatre chanteuses (dont la formidable Katerina Kasper en Arianna) et quatre chanteurs, parmi lesquels les excellents contreténors Christophe Dumaux (Giustino) et Raffaele Pe (Anastasio).